Les novices libertines : la critique du film (1981)

Drame, Historique, Erotique | 1h32min
Note de la rédaction :
5,5/10
5,5
Les Novices Libertines, affiche de cinéma 120 X 160 (Bruno Mattéi, 1981)

  • Réalisateur : Bruno Mattei
  • Acteurs : Zora Kerova, Mario Cutini, Mario Novelli, Paola Corazzi, Franco Garofalo, Franca Stoppi
  • Date de sortie: 11 Mar 1981
  • Nationalité : Italien, Français
  • Titre original : La vera storia della monaca di Monza
  • Titres alternatifs : Voeux de sang (titre VHS, France) / The True Story of the Nun of Monza (USA) / Das süße Leben der Nonne von Monza (Allemagne) / La verdadera historia de la monja de Monza (Colombie) / A Monja de Monza (Brésil)
  • Année de production : 1980
  • Scénariste(s) : Claudio Fragasso
  • Directeur de la photographie : Giuseppe Bernardini
  • Compositeur : Gianni Marchetti
  • Société(s) de production : Cinemec Produzione
  • Distributeur (1ère sortie) : RID (Rex International Distribution)
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Ciné 7 (VHS, 1981) / Scherzo (VHS, sous le titre Vœux de sang) / Terror Home Vidéo (VHS, sous le titre Vœux de sang, 1989) / Carrère Vidéo (VHS, sous le titre Vœux de sang) / Editions Lange (VHS, sous le titre Vœux de sang, 1991) / Le Chat qui Fume (blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 15 avril 2021 (blu-ray)
  • Box-office Paris-périphérie : 12 338 entrées
  • Budget : -
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans à sa sortie
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Frédéric Domont (jaquette blu-ray)
  • Crédits : OB Films - Le Chat qui Fume
Note des spectateurs :

Pur film issu de la nunsploitation, Les novices libertines propose pourtant une vision radicale et sans concession de l’histoire de la religieuse de Monza. A découvrir pour son ambiance particulière et déviante.

Synopsis : En Lombardie, au début du XVIIe siècle, la jeune Virginia de Leyva entre au couvent de Monza. Issue de la noblesse locale, son ambition lui permet rapidement d’accéder au rang de mère supérieure, s’attirant en contrepartie haine et jalousie.

Mattei se lance dans la nunsploitation

Critique : Au cours des années 70, grâce au relâchement de la censure, les films prenant pour cadre les couvents où s’ébattent des religieuses aux mœurs peu catholiques prolifèrent. Ce courant que l’on a appelé la nunsploitation a été motivé par le succès des Diables (Russell, 1971), mais aussi à la suite du scandale qui a accompagné la sortie polémique de La religieuse de Rivette (1966). On ne compte plus dès lors le nombre de films qui exploitent le filon en jouant sur l’érotisme et les fantasmes d’un public très masculin.

Parmi eux, on trouve par exemple La religieuse de Monza (Eriprando Visconti, 1969), Flavia la défroquée (Mingozzi, 1973), Emanuelle et les collégiennes (Vari, 1977) ou encore Les amours interdites d’une religieuse (D’Amato, 1979). Toutefois, lorsque Bruno Mattei aborde le genre – toujours avec un temps de retard puisque nous sommes à l’orée des années 80 – sa référence principale n’est autre qu’Intérieur d’un couvent (Borowczyk, 1978). La citation est d’ailleurs plus ou moins explicite puisque Mattei a choisi un pseudonyme qui imite le nom du cinéaste polonais : Stefan Oblowsky. Il va même plus loin en réutilisant carrément une scène animalière tirée de La bête (Borowczyk, 1975).

Un travail à quatre mains

Pour Mattei qui sort d’un cycle consacré à la nazisploitation, genre crapoteux par excellence, il s’agissait donc de tirer profit d’un filon plus proche du cinéma d’auteur, tout en se laissant aller à son penchant pour l’exploitation. Le producteur Arcangelo Picchi lui propose notamment de tourner deux films en même temps, afin de profiter des décors et des acteurs et ainsi limiter les coûts. C’est ainsi que Bruno Mattei tourne en même temps Les novices libertines (1980) à tendance érotique et L’autre enfer (1981) son dérivé horrifique.

Les novices libertines, blu-ray

© 2021 OB Films – Le chat qui fume /Design : Frédéric Domont. Tous droits réservés.

Pour s’en sortir dans les temps, Bruno Mattei rencontre le jeune cinéaste Claudio Fragasso auquel il propose l’écriture du script des Novices libertines, mais aussi une fonction d’assistant. Le fameux duo bis des années 80 était lancé.

Deux films pour le prix d’un !

Comme l’a bien raconté Claudio Fragasso dans ses différents entretiens, les deux hommes se partageaient les tâches de la manière suivante : Mattei était davantage un technicien, tandis que Fragasso était chargé de la direction des acteurs. Puisque le décor était unique, les compères réalisaient les deux films en même temps : pendant que l’un travaillait sur les novices à un étage du couvent, l’autre bossait sur L’autre enfer. Apparemment, Les novices libertines serait davantage l’œuvre de Mattei, tandis que L’autre enfer serait surtout issu du travail de Fragasso.

Pour écrire son scénario, Fragasso s’est inspiré de la véritable histoire de la religieuse de Monza qui a été contée dans le classique de la littérature italienne Les fiancés, écrit en 1821, mais maintes fois remanié jusqu’en 1840 par Alessandro Manzoni. Pourtant, l’auteur se base davantage sur le véritable scandale qui s’est déroulé au couvent de Monza au début du 17ème siècle. Effectivement, la sœur Virginia Maria a entretenu une liaison avec un homme durant plusieurs années et le couple s’est rendu coupable de meurtres pour pouvoir étouffer l’affaire. On notera que dans le même couvent, la sœur Benedetta entretenait une liaison homosexuelle avec une autre nonne, ce qui fait d’ailleurs l’objet du film Benedetta, tourné par Paul Verhoeven en 2021.

Un scandale par-delà les siècles

La réalité historique est déjà bien gratinée, mais entre les mains du duo Mattei / Fragasso, l’aspect graveleux n’a pas été éludé, bien au contraire. En fait, dès l’introduction, les auteurs font jouer les contrastes en intercalant les ébats d’un cheval et d’une jument (le fameux stock-shot évoqué plus haut) avec la prestation de serment de sœur Virginia Maria. Mélangeant le profane le plus scandaleux avec le sacré, cette séquence programmatique annonce la suite d’une œuvre volontairement placée sous le signe de la provocation. Ainsi, on a rarement vu autant de femmes dénudées que dans ce couvent aux allures de maison de passe. L’excès de nudité – parfait pour une œuvre d’exploitation – ruine d’ailleurs en partie la crédibilité d’une intrigue pourtant basée sur des faits réels.

Toutefois, Bruno Mattei se laisse moins distraire par des idées saugrenues que d’ordinaire dans ce long-métrage qui appartient assurément au cinéma bis, mais propose une vraie vision de cinéma. On peut encore reprocher au cinéaste une réalisation trop statique et une tendance à filmer les ébats des protagonistes de manière plate. Il est ainsi incapable de susciter le trouble et l’érotisme d’un film qui ne devrait guère émoustiller le public cible. Par contre, Mattei arrive à créer une ambiance particulière par l’usage d’une musique macabre de Gianni Marchetti que l’on croirait composée pour un film d’horreur. Cela renforce l’aspect fataliste d’une œuvre finalement très sombre dans son propos.

Les Novices Libertines, VHS

Illustrateur : Inconnu – © All Rights Restricted

Quand la religion rime avec force d’oppression

Effectivement, Mattei et Fragasso se placent du côté de l’héroïne, finalement victime d’une époque où l’on enferme les femmes au couvent sans leur demander leur avis. N’ayant pas la vocation, la sœur qui devient mère supérieure se bat finalement pour sa liberté au sein d’une société ecclésiastique qui apparaît comme un odieux carcan. Si les scènes d’orgie trop nombreuses peuvent ennuyer, Les novices libertines a le mérite de critiquer de manière franche et ouverte une société religieuse obscurantiste qui nie la dimension corporelle de l’être humain. Il est ainsi toujours bon de rappeler à quel point la religion a été un moyen d’oppression sur la société et les femmes en particulier au cours de l’Histoire.

Certes, les agissements criminels du couple principal ne sont pas cautionnés par les auteurs, mais l’horreur du châtiment final – qui nous renvoie directement à L’emmurée vivante (1977) de Lucio Fulci – agit comme une piqure de rappel historique sur les abominables agissements de l’Inquisition. Même si le but des auteurs était de surfer de manière opportuniste sur une mode, le produit fini n’en demeure pas moins de bonne tenue, pour peu que l’on fasse abstraction de quelques dérapages et de la pauvreté générale de la production.

Un retour providentiel chez Le Chat qui Fume

Sorti en France en mars 1981, Les novices libertines a malheureusement été caviardé de séquences X ajoutées par le distributeur afin d’exploiter le métrage dans les salles spécialisées. Ensuite, le film a fait l’objet de plusieurs éditions VHS, le plus souvent vendu sous le titre Vœux de sang. Devenu rare, Les novices libertines est à nouveau disponible dans un blu-ray impeccable édité par Le Chat qui Fume en 2021, agrémenté d’un supplément majeur (un long entretien avec Claudio Fragasso). A saisir pour tous les amoureux d’un cinéma encore capable de surprendre.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 11 mars 1981

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Les Novices Libertines, affiche de cinéma 120 X 160 (Bruno Mattéi, 1981)

Illustrateur : Inconnu – © All Rights Restricted

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