L’équipée sauvage : la critique du film (1954)

Drame | 1h19min
Note de la rédaction :
6/10
6
L'équipée sauvage, affiche

  • Réalisateur : Laslo Benedek
  • Acteurs : Marlon Brando, Lee Marvin, Ray Teal, Mary Murphy, Robert Keith
  • Date de sortie: 14 Avr 1954
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Wild One
  • Titres alternatifs : Le gang descend sur la ville (Belgique) / Der Wilde (Allemagne) / Vild ungdom (Suède) / Salvaje (Espagne) / O Selvagem (Portugal) / Dziki (Pologne) / El salvaje (Mexique) / Il selvaggio (Italie) / A vad (Hongrie)
  • Année de production : 1953
  • Scénariste(s) : John Paxton et Ben Maddow, d'après une histoire de Frank Rooney
  • Directeur de la photographie : Hal Mohr
  • Compositeur : Leith Stevens
  • Société(s) de production : Stanley Kramer Productions
  • Distributeur : Columbia
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Gaumont-Columbia-Tri-Star (VHS) / Sony Pictures (DVD, 1999) / Sony Pictures (blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 11 août 1999 (DVD) / 4 mai 2022 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 048 971 entrées / 331 444 entrées
  • Box-office nord-américain : 8,6 M$ (soit 95,4 M$ au cours du dollar de 2022)
  • Budget : 2,7 M$ (soit 29,9 M$ au cours du dollar de 2022)
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37: 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Constantin Belinsky (affiche)
  • Crédits : Columbia Pictures
Note des spectateurs :

Film qui a plutôt mal vieilli, L’équipée sauvage n’en demeure pas moins une œuvre charnière par son importance dans la culture populaire des années 50 et 60.

Synopsis : Les Rebelles noirs, une quarantaine d’adolescents casqués et bottés, revêtus de blousons de cuir marqués d’une tête de mort, prennent la route sur leurs motos. Ils assistent à une course de motos, envahissent la piste et volent un prix. Ils disparaissent jusqu’à la petite ville voisine qu’ils vont occuper peu à peu, jusqu’à la mettre complètement à sac.

Un fait divers comme point de départ

Critique : Au début des années 50, le réalisateur d’origine hongroise Laslo Benedek a lié son destin cinématographique à celui du réalisateur-producteur Stanley Kramer. Ainsi, pour ce dernier, il a tourné une intéressante version de La mort d’un commis voyageur (1951) avec Fredric March. Dès lors, lorsque Stanley Kramer envisage de produire un film inspiré d’un fait divers ayant eu lieu à Hollister (bourgade de Californie) en 1947, le réalisateur s’implique dans le projet. L’équipée sauvage raconte comment la petite ville de province a vu déferler près de 4 000 motards qui ont pris d’assaut la contrée. Si certaines exactions ont bien été constatées, les scénaristes John Paxton et Ben Maddow ont volontairement exagéré les faits afin d’en tirer une œuvre plus dramatique.

Ainsi, dans L’équipée sauvage (1953), les auteurs ont accentué la tension générée par l’arrivée d’une quarantaine de jeunes motards dans une paisible localité. Il s’agissait finalement de créer une intrigue proche de celle d’un western, mais en remplaçant ici les chevaux par des motos, histoire de séduire un public plus jeune, épris de modernité. Dès lors, le script oppose de manière systématique les jeunes motards, décrits comme des petits délinquants aux habitants respectables de la bourgade paumée.

Une critique à peine voilée du conservatisme américain

Toutefois, ce qui permet à Laslo Benedek de ne pas tomber dans le piège du film moralisateur vient du fait qu’il renvoie les jeunes rebelles et les vieux bourgeois dos à dos quant à la violence qui règne sur la ville. Benedek ne dédouane aucunement les jeunes bikers qu’il décrit tel un tourbillon qui apporte le désordre dans une petite ville tranquille, mais il n’est guère tendre avec les habitants qui ne cessent de les provoquer. Lorsque la tension est à son comble, les bons citoyens font même preuve d’une violence déconcertante qui renvoie aux habitudes de lynchage d’une population américaine intolérante. Finalement, Laslo Benedek ne se fait pas juge de cette jeunesse révoltée, mais condamne très clairement la réaction outrée des miliciens et de ceux qui s’autoproclament  des défenseurs de la morale, au risque de tuer son prochain.

L'équipée sauvage, jaquette blu-ray

© 1953 Stanley Kramer Productions / © 2022 Sony Pictures – ESC Editions. Tous droits réservés.

Malheureusement, le film a été largement charcuté avant même sa sortie et il lui manque donc une vingtaine de minutes qui auraient pu approfondir la psychologie des personnages. En l’état, L’équipée sauvage manque curieusement de fond, les différents protagonistes étant trop souvent réduits à des archétypes. Ainsi, le personnage incarné par Marlon Brando – qui en fait ici des caisses et dont on ne peut pas dire que ce soit la meilleure interprétation d’une carrière par ailleurs exceptionnelle – semble n’être qu’un rebelle sans cause. Son rôle n’est aucunement développé et se contente d’être une icone de mode. Sa rébellion sans but se résume donc à chevaucher sa Triumph et à arborer des jeans et un Perfecto. On notera toutefois que son look a été entièrement décidé par l’acteur dont ce fut la contribution majeure.

L’équipée sauvage présente un rebelle sans cause

Face à lui, on préférera finalement le jeu plus sobre de la jeune Mary Murphy ou encore du vétéran Robert Keith en shérif compréhensif, mais dépassé par la situation. Là encore, leurs caractères ne sont pas suffisamment étoffés pour être vraiment marquants. Enfin, la réalisation de Laslo Benedek n’a rien d’exceptionnel si l’on excepte la scène de passage à tabac de Brando qui est tournée à l’aide d’éclairages expressionnistes comme dans un film noir. Le reste est passable, mais manque clairement de rythme pour passionner tout à fait.

L’équipée sauvage est donc une œuvre qui a plutôt mal vieillie, mais qu’il est indispensable de visionner tant elle est symptomatique d’une époque. Son énorme succès et le culte qu’elle a généré a infusé dans toute la pop culture des années 50 et 60. Ainsi, James Dean s’est largement inspiré du jeu de Brando pour créer ses propres figures d’adolescents torturés (on pense surtout à La fureur de vivre, Ray, 1955), tandis que les blousons noirs du monde entier vont copier le style de l’acteur devenu en peu de temps une icone rock.

Une œuvre scandaleuse qui a marqué une génération entière

Sorti en salles aux Etats-Unis fin 1953 dans les grandes villes, puis en février 1954 un peu partout, L’équipée sauvage a fait scandale pour sa violence que l’on considérait comme extrême à l’époque. Toutefois, cet argument a permis au film d’attirer un large public de jeunes qui se sont reconnus dans la révolte du personnage de Johnny. Le film a connu un succès phénoménal qui lui a ouvert les portes des cinémas français, tandis que l’Angleterre a mal réagi en interdisant purement et simplement le film (ce qui ne l’a pas empêché d’être diffusé dans de nombreux ciné-clubs, non assujettis à cette interdiction).

En France, les motos vrombissantes débarquent au mois d’avril 1954 dans les salles parisiennes, puis, elles feront le tour de la France. Au terme de son exploitation, le film a fini par dépasser le million d’entrées sur le territoire français, ce qui est un beau résultat pour une telle œuvre. Finalement, ces très bons chiffres internationaux ont lancé un sous-genre du film d’exploitation, à savoir les séries B avec des bandes de jeunes motards. Elles ont ainsi squatté les écrans américains des drive-in durant les décennies 50 et 60.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 14 avril 1954

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L'équipée sauvage, affiche

© 1953 Stanley Kramer Productions / Affiche : Constantin Belinsky. Tous droits réservés.

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Laslo Benedek, Marlon Brando, Lee Marvin, Ray Teal, Mary Murphy, Robert Keith

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