Signée Zulawski, Le diable est une œuvre flamboyante, violente et sulfureuse, interdite pendant 16 ans dans son pays d’origine, qui cohabite brillamment avec le cinéma de Wojcieh Has, Jodorowski, Ken Russell, Arrabal ou encore celui de Peter Greenaway.
Synopsis : En janvier 1793, conformément au partage prévu, l’armée prussienne entre en Pologne par l’Ouest. Jakub, aidé par un étrange inconnu, quitte le couvent où les soldats ont perpétré un massacre. En fuite, il est témoin du mariage de sa fiancé enceinte avec son ami, puis de l’orgie qui s’ensuit. Toujours suivi par l’inconnu, il erre dans une Pologne en décomposition, jusqu’à arriver au manoir familial…
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Le diable, le film de l’exil pour Zulawski
Critique : C’est avec Le diable, son second film, que Zulawski commence à avoir de gros soucis avec la censure polonaise. Une situation conflictuelle qui l’incita à partir en exil en France, où le cinéaste démarra une carrière brillante en réalisant L’important c’est d’aimer, un chef d’œuvre avec Romy Schneider (1974).
Film maudit, calomnié par une interdiction totale en Pologne pendant 16 ans, Le diable appartient aux errances rocambolesques et violentes qui jonchaient le 7e art européen dans les années 70. Un cinéma de rébellion, investi d’une mission de sacrilège, qui se nourrissait de cruauté visuelle, de crudité sexuelle et d’expérimentation technique. Les exemples sont nombreux. Arrabal, Jodorowsky, Ken Russell, Pasolini… Des noms notoires associés à une folie extravagante et à l’hystérie de la démesure.
Une œuvre novatrice jusque dans ses excès
Le Zulawski du début des années 70, finalement peu éloigné du trublion que l’on connut par la suite en France, même s’il s’avère plus excessif, s’inscrit dans cette noble lignée et confirme toute la magnificence du cinéma polonais de l’époque, celui de Wojciech Has et de Wajda, une production aux embruns de fantastique, de décadence et de surréalisme, marquée par une réalisation sans cesse novatrice (mouvements de caméra énormes, décors décrépits monumentaux, sens du détail précieux).
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Le diable, c’est tout cela à la fois, une œuvre de génie inscrite dans la barbarie métaphorique. On y suit les tribulations de Jakub, un insurgé, au XVIIIe siècle, à l’époque où la Pologne était annexée par la Prusse. Aidé par un inconnu omniscient qui n’a de cesse d’apparaître et de disparaître, il va suivre un chemin initiatique, destructeur et meurtrier, au cœur d’un royaume délabré, en pleine déliquescence, qui suinte la mort et la corruption, où l’inceste, l’homosexualité, la trahison, le viol et le meurtre imprègnent chaque individu.
Un film invisible en Pologne jusqu’en 1988, et en France jusque dans les années 2000
Cette œuvre de pestiféré, qui fascine dans sa volonté artistique de s’établir en tant que nature morte d’une société en phase terminale, est rendu disponible en France grâce à l’éditeur Malavida vers 2007. Celui-ci, en quelques mois et dans des conditions difficiles, vu l’état des copies d’origine et leur extrême rareté, a exhumé Wajda, Has et Zulawski. Une contribution précieuse pour les archives d’un cinéma singulier et méconnu, carrément indispensable à toute ambition cinéphilique.
Depuis cette époque, le long-métrage sulfureux a été proposé en version restaurée lors de l’Etrange Festival 2016. Par la suite, il est apparu au sein d’un coffret blu-ray édité par Le Chat qui Fume en 2023, dans une superbe copie qui rend hommage au travail formidable effectué par le chef opérateur Andrzej J. Jaroszewicz dont les plans en caméra portée sont tout bonnement démentiels, mais aussi à l’angoissante musique d’Andrzej Korzynski qui contribue à faire du Diable un monument du cinéma de l’étrange.
Critique de Frédéric Mignard
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Andrzej Zulawski, Wojciech Pszoniak, Małgorzata Braunek, Leszek Teleszyński
Mots clés
Les films dingues des années 70, Cinéma polonais, Le diable au cinéma, L’inceste au cinéma