Thriller dans la lignée de Seven, Le collectionneur ne brille pas par sa réalisation, trop télévisuelle, et ceci malgré un scénario plutôt correct. On en ressort mitigés.
Synopsis : Quand l’inspecteur de police Alex Cross de Washington apprend que sa nièce, qui fait des études en Caroline du Nord, a disparu, apparemment victime d’un enlèvement, il se rend immédiatement à Durham pour participer aux recherches. Bravant la police locale, il mène sa propre enquête. Il découvre qu’en fait huit jeunes filles ont disparu et que l’une d’entre elles vient d’être retrouvée assassinée. Cross comprend alors qu’il a affaire à un collectionneur amateur de filles aussi belles qu’intelligentes.
Un thriller post-Seven de plus !
Critique : En 1991, Le silence des agneaux (Demme, 1991) redéfinit la notion de thriller horrifique à l’écran. Il est suivi de la bombe Seven (Fincher, 1995) avec Brad Pitt et Morgan Freeman qui lance tout à coup une série de films avec serial killers qui en copient l’esthétique, ainsi que l’ambiance nauséabonde. Parmi ces nombreuses déclinaisons, on trouve notamment Le collectionneur (Fleder, 1997) qui entend transposer à l’écran les aventures du policier Alex Cross, créé par le romancier James Patterson.
L’idée des producteurs et du studio Paramount était d’initier les aventures d’un flic que l’on pourrait ensuite retrouver dans d’autres films en cas de triomphe. Pour assurer le succès, les exécutifs approchent tout d’abord Denzel Washington qui ne peut finalement pas participer pour des problèmes d’agenda (l’acteur se rattrapera plus tard en jouant dans Bone Collector, un autre dérivé de Seven). Après la défection du comédien, les producteurs finissent par demander à Morgan Freeman qui établit ainsi un lien direct avec le mètre-étalon de David Fincher.
Gary Fleder, réalisateur prometteur en mode automatique
Pour compléter le tableau, les producteurs s’attachent les services de Gary Fleder, jeune talent issu de la télévision qui vient de connaître un joli succès critique avec son premier long-métrage intitulé Dernières heures à Denver (1995). Si le film n’a pas connu un succès commercial flamboyant, il a attiré l’attention sur un réalisateur au talent prometteur. Les producteurs espéraient sans doute dénicher le nouveau David Fincher qui transcenderait le script d’origine pour en faire une œuvre marquante.
Las ! Gary Fleder s’acquitte de sa mission avec une certaine habileté, mais sans aucun génie. On peut même dire que sa réalisation très fonctionnelle fait partie des défauts majeurs d’une œuvre par ailleurs sympathique à suivre dans son déroulement. En réalité, il faut surtout saluer le talent des scénaristes qui sont parvenus à adapter un épais roman sans trop de déperdition.
Un casting dominé par le jeu très sûr d’Ashley Judd
Les différents personnages sont plutôt bien campés et on apprécie notamment beaucoup celui incarné avec charisme par Ashley Judd. Loin de n’être qu’une victime à soumettre aux désirs pervers du serial killer, cette jeune femme adepte du kickboxing possède une énergie et une volonté qui forcent le respect. Ashley Judd parvient à atteindre le parfait équilibre entre fragilité féminine et détermination d’une battante, sans que cela résonne comme un énième plaidoyer féministe. Il s’agit simplement d’une femme forte qui n’entend pas rester confinée dans son rôle de victime.
Face à elle, Morgan Freeman ne force pas vraiment son talent en interprétant avec son autorité naturelle un vieux flic qui est aussi psychologue. Une sorte de profiler avant l’heure, en quelque sorte. Si son implication dans l’affaire peut surprendre – on laisse interférer un policier alors que sa nièce fait partie des femmes kidnappées – on parvient à oublier cette facilité d’écriture pour mieux suivre cette enquête plutôt bien troussée. Il faut dire que le reste du casting assure, avec des prestations très honorables de Cary Elwes et Tony Goldwyn, entre autres.
Le collectionneur, film à formules quelque peu éventées
Si l’ensemble se regarde sans déplaisir, on ressort toutefois de la projection avec un sentiment d’inachevé. Aucune scène ne vient marquer durablement l’esprit, ni par sa réalisation, ni par son originalité esthétique ou thématique. Le spectateur est surtout en présence d’un thriller en tout point balisé. Même l’atmosphère violente n’est pas vraiment développée et semble comme plaquée par des producteurs cherchant à égaler le succès de Seven – et ceci jusqu’au générique du début avec son montage épileptique pour faire malsain.
Cette œuvre de commande a rencontré un petit écho aux Etats-Unis, tandis que les Français furent 853 726 petits pervers à faire le déplacement en salles (contre près de 5 millions pour Seven). Tombé légitimement dans l’oubli depuis sa sortie, Le collectionneur a tout de même eu le droit à deux déclinaisons en salles. Ainsi, Morgan Freeman a de nouveau endossé le costume d’Alex Cross dans Le masque de l’araignée (Tamahori, 2001). Puis, le personnage a fait l’objet d’un reboot en 2012 intitulé Alex Cross (Cohen) avec Tyler Perry dans le rôle principal. L’échec fut cette fois sans appel, condamnant pour longtemps le personnage aux linéaires des librairies.
Critique de Virgile Dumez