Avec Le bruit des glaçons, Bertrand Blier revenait en grande forme avec un long-métrage au ton très sombre, dominé par une interprétation de premier ordre et une réalisation épurée au maximum. Assurément un grand cru.
Synopsis : C’est l’histoire d’un homme qui reçoit la visite de son cancer. ” Bonjour, lui dit le cancer, je suis votre cancer. Je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de faire un petit peu connaissance… ”
Le plus lynchien des films de Bertrand Blier
Critique : Après avoir connu des hauts (Combien tu m’aimes) et des bas (les ratés Les acteurs, puis Les côtelettes) durant les années 90-2000, Bertrand Blier nous revient en grande forme après avoir pris cinq années pour réfléchir à l’orientation qu’il souhaitait donner à son cinéma. La réponse est plutôt claire avec Le bruit des glaçons, œuvre intimiste où l’auteur livre ses angoisses sur un ton mi-sarcastique, mi-désespéré.
Effectivement, si la promotion qui entoure le métrage joue plutôt la carte du film iconoclaste basé sur une situation originale portée par deux acteurs comiques imparables, la surprise vient en réalité de la tonalité très sombre de cette histoire pourtant tournée dans la lumineuse région nîmoise. Si la situation de départ peut effectivement faire sourire, le réalisateur choisit d’emblée d’ancrer son film dans une atmosphère mystérieuse et fantastique que ne renierait pas un certain David Lynch. Utilisant une musique intrigante à bon escient, Blier creuse ici ses thèmes obsessionnels avec une noirceur que n’arrivent pas à éclaircir des dialogues pourtant enlevés et souvent drôles.
Une réalisation brillante pour un retour au firmament
Recyclant une fois de plus son éternel questionnement sur l’amour, la mort et la finalité de l’existence, Blier ne change guère de thématique (on y retrouve des êtres en proie à l’alcool et au doute, mais aussi le désormais classique dépucelage d’un adolescent boutonneux, ainsi que des séquences au lit plutôt audacieuses), mais il renouvelle ici son style visuel en épurant davantage la forme. Convaincu par la fluidité obtenue par les caméras numériques, le réalisateur s’attarde moins sur l’aspect visuel en composant des plans simples mais qui savent aller à l’essentiel. Sachant faire intervenir une musique discrète au bon moment, il signe un nombre conséquent de séquences où affleure une émotion diffuse.
Dès lors, Le bruit des glaçons apparaît comme un aboutissement dans l’œuvre d’un maître du cinéma qui s’est longtemps cherché (et parfois fourvoyé) avant d’obtenir enfin la totale maîtrise de son projet. On peut juste lui reprocher une fois de plus une fin légèrement bâclée (son péché habituel). Mais cet excellent cru 2010 ne serait pas aussi réussi sans les prestations impeccables de Jean Dujardin, impérial en alcoolique, et d’Anne Alvaro qui trouve enfin un rôle à sa mesure. Leur couple fonctionne à merveille. Quant à Albert Dupontel, il donne avantageusement la réplique à Dujardin, mais sans vraiment s’écarter de ses prestations précédentes. Etrange et fascinant, Le bruit des glaçons est donc une vraie réussite à consommer sans aucune modération.
Critique de Virgile Dumez
Box-office du Bruit des glaçons
Avec 743 000 entrées, Le Bruit des glaçons marquait le grand retour de Bertrand Blier au sommet du box-office. Il s’agissait de son plus gros succès en 20 ans. A l’exception de Combien tu m’aimes ? qui avait suscité le désir de 536 000 spectateurs en 2005, le cinéaste ne parvenait plus à dépasser les 500 000 tickets depuis 1993 et l’échec d’Un, deux, trois, soleil, puis de Mon homme, Les Acteurs et Les Côtelettes.
Finalement, Le Bruit des glaçons a réalisé 5 000 entrées de plus que Calmos, qui était sorti en 1976. Il ne se situe pas très loin de Buffet froid, son sommet du box-office, distribué en 1979, qui avait réalisé 777 000 entrées.
Pour le réalisateur millionnaire des Valseuses, de Préparez vos mouchoirs, La Femme de mon pote, Tenue de soirée, Trop belle pour toi et Merci la vie, il s’agissait d’un retour en grâce. L’auteur avait essuyé des affronts tout au long des années 2000, considéré comme dépassé par une critique renouvelée.
Une belle revanche qui lui vaudra plusieurs nominations aux César en 2011, notamment celle de meilleur réalisateur.
Box-office de Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du 25 août 2010
© RYSK, photos : Thierry Valletoux / ©Thelma Films, Manchester Films
Biographies +
Bertrand Blier, Jean Dujardin, Albert Dupontel, Damien Bonnard, Audrey Dana, Myriam Boyer, Emile Berling, Farida Rahouadj, Geneviève Mnich, Anne Alvaro
Le test DVD
Après quelques années d’égarement qui lui a coûté son public et qui l’a ringardisé aux yeux de la profession, l’enfermant dans un cinéma de papa un peu dépassé (Combien tu m’aimes, Les côtelettes, Les acteurs), l’auteur génial de Beau-père, Tenue de soirée, Trop belle pour toi ou encore de Buffet froid, a créé la surprise à la fin de l’été 2010 en dirigeant Jean Dujardin et Albert Dupontel dans les rôles respectifs d’un alcoolique malade et de son… cancer ! Avec son sujet âpre traité avec des dialogues ciselés, au gré de situations absurdes absolument jubilatoires, Le bruit des glaçons est touché par la grâce ! Le public a suivi : 743.000 entrées pour une œuvre un peu austère. Un beau chiffre.
Compléments : 3 / 5
L’essentiel des bonus se divisent en deux documents d’une moyenne de 24 minutes. Le premier est un making-of qui nous plonge en plein tournage de cette comédie désabusée. Répétitions joyeuses des comédiens, apartés explicatives du cinéaste… c’est pour le coup une vraie invitation sur le tournage d’un film hors normes, si ce n’est celles de Bertrand Blier, au meilleur de sa forme.
Le second document est un entretien avec le réalisateur qui parle notamment de la naissance de ce projet qui remonte à l’époque de Tenue de soirée (1985), du casting (et de la fameuse “tentation Depardieu” pour le rôle du malade), de la difficulté d’aborder le thème du cancer au cinéma. Blier a des choses à dire, ce n’est pas à un vieux maître qu’on impose sa vision du cinéma.
Image : 3 / 5
Une copie de bonne tenue, malgré de très légers défauts de compression. On aimerait parfois une définition plus précise, tous les plans n’étant pas logés à la même enseigne, mais pour cela il faudra se tourner vers l’inévitable support HD. Ceux qui ne sont toujours pas équipés, sauront apprécier la qualité des couleurs, plutôt vives, et des conditions visuelles convenables pour appréhender cette comédie dramatique à la fois douce et cruelle.
Son : 3.5 / 5
Le film est présenté au choix en DTS 5.1 ou Stéréo 2.0. Au vu du caractère intimiste et globalement loquace de ce film, le DTS donne de l’ampleur au métrage. Les dialogues se détachent avec clarté de la bande-son pour réunir des conditions de visionnage encore une fois optimales.