L’amour nu : la critique du film (1981)

Drame, Romance | 1h40min
Note de la rédaction :
8/10
8
Affiche de L'Amour nu de Yannick Bellon

  • Réalisateur : Yannick Bellon
  • Acteurs : Marlène Jobert, Hippolyte Girardot, Vernon Dobtcheff, Jean-Claude Carrière, Florent Pagny, Jean-Michel Folon, Zorica Lozic, Georges Rouquier, Tatiana Moukhine
  • Date de sortie: 07 Oct 1981
  • Nationalité : Français
  • Titre original : L'amour nu
  • Titres alternatifs : Liebe ohne Grenzen (Allemagne)
  • Année de production : 1981
  • Scénariste(s) : Yannick Bellon, Françoise Prévost
  • Directeur de la photographie : Jean Charvein
  • Compositeur : Richard de Bordeaux
  • Société(s) de production : Les Films de la Tour, Planfilm, Antenne 2 (A2), Les Films de l'Equinoxe
  • Distributeur (1ère sortie) : Planfilm
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : LGV – La Guéville Vidéo distribué par RCV (VHS) / Doriane Films (DVD, 2005) / Doriane Films, intégrale Yannick Bellon en DVD, 2019)
  • Date de sortie vidéo : 1er novembre 2005 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 941 802 entrées / 196 350 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Philippe Berry
  • Crédits : StudioCanal
Note des spectateurs :

Magnifique portrait d’une femme confrontée à la maladie, L’amour nu porte un regard très juste sur la féminité grâce à une écriture limpide et le jeu inspiré de Marlène Jobert. Une très belle réussite à redécouvrir.

Synopsis : Claire est interprète et libre de toute attache. Simon est océanographe et vit avec sa fille Sandrine. Ils se rencontrent, ils s’attachent, ils s’aiment. Or, à la suite d’un contrôle médical, Claire apprend qu’elle est atteinte d’une tumeur au sein. Dès lors, tout son univers bascule et le spectre du cancer la hante aussitôt. Rien ni personne ne sauraient l’attacher ou partager son mal : pas même Simon qu’elle quitte sans plus d’explication pour n’avoir pas à lui dire la vérité.

L’adaptation d’un livre-témoignage sur le cancer du sein

Critique : Au début des années 60, Yannick Bellon est encore monteuse pour le réalisateur Pierre Kast sur Le bel âge (1960) et La Morte-Saison des amours (1961), ce qui lui permet de faire la connaissance de l’actrice Françoise Prévost. Cette dernière apprend au début des années 70 qu’elle est victime d’un cancer du sein et qu’elle doit donc subir une ablation chirurgicale. L’actrice décide de témoigner de ce traumatisme à travers un livre intitulé Ma vie en plus. C’est ce best-seller que la réalisatrice Yannick Bellon décide d’adapter au cinéma au début des années 80, forte du succès remporté par son précédent long-métrage L’amour violé (1,8 millions de spectateurs). Les deux femmes collaborent au scénario d’une œuvre qui se veut tout autant un témoignage poignant sur un fait médical que le portrait d’une femme moderne et libre.

Jaquette Coffret vidéo Doriane Films

Crédits Doriane Films

Porté par l’actrice Marlène Jobert qui venait tout juste de rencontrer un gros succès avec La guerre des polices (Davis, 1979), L’amour nu (1981) dépeint tout d’abord le quotidien d’une femme active et indépendante, traductrice émérite qui fait la rencontre d’un océanographe un peu rêveur. Si le spectateur sera d’abord étonné par le manque apparent de charisme de l’illustrateur Jean-Michel Folon dans le rôle de cet amour naissant, la banalité touchante de l’homme permet de le rendre attachant.

Pas d’effets de manche pour un rendu réaliste et touchant

En réalité, Yannick Bellon ne cherche à aucun moment à sublimer la banalité du quotidien. Bien au contraire, son cinéma se nourrit d’un certain réalisme qui confine à la normalité. Pourtant, c’est cette absence de prétention qui rend l’histoire et les personnages si proches de nous.

Très critiquée à l’époque pour la simplicité cristalline de sa réalisation – quasiment imperceptible et sans aucune afféterie stylistique – Yannick Bellon troque la maestria technique pour l’extrême justesse du regard posé sur ses personnages qui sont tous des êtres de chair et de sang. Si l’on peut reprocher quelques dialogues un peu trop didactiques, notamment lorsque la réalisatrice aborde les problèmes environnementaux – avec quelques décennies d’avance – ou lorsqu’elle cible le comportement machiste de certains hommes, L’amour nu n’en demeure pas moins magnifiquement écrit.

L’amour nu : féministe et écologiste, sans pour autant être revendicatif

Oui, le film se veut ouvertement féministe, mais sans jamais exclure les hommes qui demeurent touchants jusque dans leurs maladresses. Oui, le métrage en profite pour lancer un avertissement sur la dégradation de la nature, sans pour autant être un pamphlet écologiste. Yannick Bellon a l’intelligence de ne jamais perdre de vue la psychologie de ses personnages en les inscrivant dans un quotidien certes banal, mais qui ne peut que bouleverser par sa ressemblance avec notre propre expérience.

Au milieu de ces vies vient se nicher la maladie, comme une épreuve qui vient rappeler à chacun d’entre nous sa mortalité. Pour une femme, le cancer du sein est vécu comme une atteinte à sa propre féminité dès lors que l’ablation est inévitable. Le personnage principal doit donc affronter la perspective d’une mutilation qui peut éconduire l’amour de sa vie. Afin d’éviter ce drame, elle préfère couper les ponts, au risque de se mutiler l’âme. Yannick Bellon réfléchit ici en profondeur sur ce qu’est être une femme. Est-ce que la féminité est réductible à une paire de seins, comme le laissent entendre les commentaires grivois des jeunes hommes entrevus dans le café (on repère parmi eux le tout jeune Florent Pagny) ? Le véritable amour ne peut-il s’affranchir du handicap physique ? Autant de questions qui trouvent ici des réponses simples et bouleversantes, sans jamais être théoriques.

Marlène Jobert méritait un César

Chez Yannick Bellon, tout est affaire d’ambiance, de regards qui en disent plus longs que des kilomètres de dialogues, tandis que la superbe musique de Richard de Bordeaux se charge de nous émouvoir en douceur. Dans L’amour nu, la réalisatrice parvient ainsi à trouver un bel équilibre entre constat sombre et parfois morbide et volonté farouche de rester en vie.

Ce très bel hymne à la vie ne serait pas aussi réussi sans l’interprétation exceptionnelle de Marlène Jobert qui trouve là le rôle d’une vie. Un César aurait été vraiment le bienvenu tant l’actrice s’avère bouleversante. Face à elle, Jean-Michel Folon impose sa douceur naturelle avec un charme fou, tandis que l’ensemble du casting contribue à assoir la puissance dramatique d’une œuvre sentimentale, mais jamais mélodramatique.

Le film d’une pionnière à redécouvrir

Sorti au mois d’octobre 1981, L’amour nu a réalisé moitié moins d’entrées que L’amour violé, mais si le long-métrage n’a pas vraiment brillé à Paris, il s’est surtout bien comporté en province. Ainsi, le long-métrage est resté longtemps autour de la 10ème place du box-office national, et ceci jusqu’aux fêtes de Noël, cumulant 941 802 entrées sur toute sa carrière. Pour une œuvre intimiste, sur un sujet pas forcément très vendeur, le score est plutôt satisfaisant.

A l’heure où le cinéma français s’ouvre de plus en plus aux femmes, il est bon de revenir aux sources en redécouvrant ces œuvres de pionnières qui étaient des artistes complètes, avant d’être des militantes. Parmi elles, L’amour nu est indéniablement un film qui compte par son regard tendre et apaisé sur un sujet pourtant difficile.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 7 octobre 1981

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Affiche de L'Amour nu de Yannick Bellon

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