La servante écarlate : la critique du film (1990)

Science-fiction, Dystopie | 1h49min
Note de la rédaction :
5/10
5
La servante écarlate, affiche

  • Réalisateur : Volker Schlöndorff
  • Acteurs : Faye Dunaway, Robert Duvall, Elizabeth McGovern, Natasha Richardson, Aidan Quinn
  • Date de sortie: 20 Juin 1990
  • Nationalité : Américain, Allemand
  • Titre original : The Handmaid's Tale
  • Titres alternatifs : Die Geschichte der Dienerin (Allemagne) / El cuento de la doncella (Espagne) / A História da Aia (Portugal) / Il racconto dell'ancella (Italie) / Tjenerindens fortælling (Danemark) / A Decadência de uma Espécie (Brésil) / Entre la furia y el éxtasis (Argentine)
  • Année de production : 1990
  • Scénariste(s) : Harold Pinter d'après le roman éponyme de Margaret Atwood
  • Directeur de la photographie : Igor Luther
  • Compositeur : Ryūichi Sakamoto
  • Société(s) de production : Bioskop Film - Cinecom Entertainment Group - Cinétudes Films - Daniel Wilson Productions - Master Partners - Odyssey
  • Distributeur (1ère sortie) : AMLF
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Nouvelle Messagerie Vidéo (VHS, 1990)
  • Date de sortie vidéo : 1990 (VHS)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 86 590 entrées / 48 819 entrées
  • Box-office nord-américain : 4,9 M$ (= 10 M$ réajusté au cours du dollar de 2021)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Dolby Stereo
  • Festivals et récompenses : 1 nomination pour le meilleur film au festival de Berlin 1990 / Meilleur film au GLAAD Media Awards 1991
  • Illustrateur / Création graphique : ARP
  • Crédits : Bioskop Film - Cinecom Entertainment Group - Cinétudes Films - Daniel Wilson Productions - Master Partners - Odyssey
Note des spectateurs :

-++

Plombée par un script trop épuré et des acteurs peu charismatiques, l’adaptation de La servante écarlate par Volker Schlöndorff déçoit fortement. Elle semble désincarnée et trop illustrative.

Synopsis : Dans un monde futur, mais proche, après certains errements scientifiques (nucléaire, pollution, bactériologique) la plupart des femmes se retrouvent stériles. Une société puritaine et répressive, la nouvelle Gilead a pris les rênes de l’Etat et a regroupé les femmes encore fécondes dans des camps de rééducation où elles doivent servir à la procréation auprès des dirigeants de la société idéale…

L’adaptation d’un best-seller du milieu des années 80

Critique : En 1985, la romancière Margaret Atwood sort un livre de science-fiction dystopique intitulé La servante écarlate, traduit en français en 1987. Le bouquin devient un formidable best-seller qui pousse les producteurs de cinéma à s’emparer des droits d’adaptation. C’est le romancier et scénariste britannique Harold Pinter (à qui l’on doit notamment les scripts de The Servant et Accident de Joseph Losey ou celui de La maîtresse du lieutenant français de Reisz) qui se penche sur l’adaptation du livre.

Le cinéaste allemand Volker Schlöndorff s’intéresse assez rapidement au projet, même s’il trouve le scénario de Pinter trop compact et ramassé. Si ce script a bien servi de base au film, Schlöndorff a précisé dans son autobiographie qu’il avait ajouté beaucoup d’éléments supplémentaires en cours de tournage. Initialement prévu pour être produit et interprété par Sigourney Weaver, La servante écarlate est abandonnée par la star.

Sigourney Weaver, Greta Scacchi, Madonna ou Natasha Richardson ?

Mais comme le raconte Schlöndorff dans Tambour battant (Flammarion, 2009, p 352) :

Mais mon agent, Sam Cohn, qui avait « ficelé » le projet, avait une proposition de remplacement toute prête : Natasha Richardson, la fille de Vanessa Redgrave. De mon côté, je proposai Greta Scacchi, qu’il refusa. Malheureusement, je me rangeai à son jugement.

Finalement, le projet se monte tant bien que mal, mais visiblement Volker Schlöndorff n’est pas satisfait du casting qu’il a fini par approuver. Il évoque également dans son livre l’engagement d’une certaine Madonna :

Madonna fut aussi candidate […] Je trouvai sur le répondeur téléphonique un message urgent : « This is Madonna speaking. I’ve got to play this part ! Je promets de faire le ménage dans ton appartement une année durant, on my knees, de laver ton linge ou tout ce que tu voudras, pour participer à ce projet »

Pourtant, Schlöndorff n’a pas donné suite, ni même aux demandes d’une autre star de l’époque, à savoir Sting qui envisageait de jouer le rôle du chauffeur. Schlöndorff précise encore :

Il aurait très bien pu interpréter le chauffeur […] mais je trouvais qu’une star comme Sting trahirait trop tôt, pour le spectateur, l’importance qu’allait revêtir ce personnage. On engagea donc l’insignifiant Aidan Quinn.

Des acteurs disparates qui peinent à convaincre

Pas tendre avec son casting, le réalisateur évoque aussi les combats incessants qu’il a dû mener contre la star Faye Dunaway, dont les caprices quant à son maquillage pouvaient durer des heures. Au moins sa prestation demeure satisfaisante à l’écran, tout comme celle de Robert Duvall, parfaitement à l’aise dans le rôle du patriarche, à la fois séduisant et terrifiant.

Si les problèmes ont émaillé un tournage qu’on imagine tendu, le résultat contrasté est également à imputer au scénario de Pinter, sans doute trop épuré pour rendre compte de la complexité des personnages créés par Margaret Atwood. Quant à la réalisation de Volker Schlöndorff, elle se contente trop souvent de rester à un niveau illustratif. Seul véritable élément de satisfaction, la bande-son composée par Ryūichi Sakamoto crée une atmosphère lourde parfaitement en accord avec le sujet.

Box-office Paris-Périphérie du 20 juin 1990

Box-office Paris-Périphérie du 20 juin 1990 (extrait du Pariscope) – Tous droits réservés

Une dystopie maladroite et dépourvue de personnages forts

Alors que la description de ce monde dystopique est plutôt correctement amenée, le long-métrage échoue dès les premiers plans à susciter la moindre émotion. Symptomatique des innombrables défauts du film, la scène inaugurale qui voit la famille de Natasha Richardson exécutée se déroule en même temps que le générique, ce qui la rejette de facto en-dehors du long-métrage. La distance qui est établie dès le début ne sera plus comblée par la suite dans cette œuvre froide et quelque peu désincarnée. Les personnages n’ont pas de réelle profondeur et ne semblent donc définis que par leurs actes.

Il faut dire que l’ensemble souffre effectivement d’un casting peu enthousiasmant. Natasha Richardson ne parvient pas à acquérir le statut d’héroïne pour qui l’on tremble. Sa liaison avec Aidan Quinn ne suscite pas le moindre frisson et semble tout aussi désincarnée. Pour ressentir quelques émotions, il faut donc attendre les apparitions de Faye Dunaway et de Robert Duvall.

Une dénonciation à laquelle ne semble pas croire son cinéaste

Même si le long-métrage anticipe d’une grosse décennie la mode des dystopies, il ne parvient pas à développer un discours convaincant. Le roman, lui, était une dénonciation de la société patriarcale, tout autant qu’une mise en garde envers le retour dans les années 80 du conservatisme religieux néo-chrétien. Or, Volker Schlöndorff précise dans son autobiographie :

Des années avant Bush, Margaret Atwood disait que, si ce courant venait au pouvoir, on se retrouverait sous la loi de l’Ancien Testament. Je ne prenais pas ses craintes tellement au sérieux. J’étais persuadé que c’était plus l’anarchie que l’ordre religieux qui menaçait l’Amérique.

En fait, cette précision explique pourquoi La servante écarlate ne fonctionne pas vraiment à l’écran. Effectivement, on ne sent pas le réalisateur vraiment convaincu par le discours qui émane de son film. Il semble prendre les avertissements de la romancière à la légère et filme donc la révolte des femmes contre le système patriarcal, sans insister sur la dimension religieuse de cette société, élément qu’un Allemand affilié à la gauche ne pouvait pas vraiment regarder en face. Nous serions donc tentés de dire que si le résultat n’est aucunement catastrophique, il n’a rien d’emballant car son réalisateur n’était pas lui-même convaincu.

La Servante écarlate de Margaret Atwood, au cinéma

Les salles parisiennes diffusant La Servante écarlate, en première semaine (extrait du Pariscope) – Tous droits réservés

Une sortie en toute discrétion pour un résultat négligeable au box-office

Sorti aux Etats-Unis dans une certaine indifférence sur une combinaison de salles extrêmement réduite (autour de 177 écrans), La servante écarlate a été une déconvenue pour les producteurs. Ce désintérêt s’est retrouvé en France où le film n’arrive qu’à la huitième place à Paris pour sa première semaine d’exploitation (en juin 1990) avec seulement 16 294 spectateurs. La fête du cinéma a permis au Schlöndorff de se maintenir à la même hauteur en deuxième semaine, mais la troisième lui sera fatale avec un résultat final catastrophique de 48 819 entrées à Paris.

Sur la France entière, La servante écarlate pointe à la dixième place lors de son investiture (autour de 26 000 entrées), gagne quelques spectateurs supplémentaires grâce à la Fête du Cinéma, s’effondre en troisième semaine, avant de disparaître de la circulation en moins d’un mois. Son total de 86 590 entrées est sans appel.

Un long-métrage à comparer avec la série à succès des années 2010

Exploité assez rapidement en VHS, le long-métrage est resté inédit en DVD et blu-ray sur notre territoire. Peut-être que le succès de la série télévisée éponyme motivera un éditeur courageux ? Certes très imparfait, le film de Schlöndorff a tout de même le mérite d’être la toute première adaptation d’une œuvre majeure de la littérature de la fin du 20ème siècle.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 20 juin 1990

Voir le film en VOD

La servante écarlate, affiche

© 1990 Bioskop Film – Cinecom Entertainment Group – Cinétudes Films – Daniel Wilson Productions – Master Partners – Odyssey / Affiche : ARP. Tous droits réservés.

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La servante écarlate, affiche

Bande-annonce de La servante écarlate (VO)

Science-fiction, Dystopie

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