La rivière : la critique du film (1985)

Drame | 2h04min
Note de la rédaction :
6,5/10
6,5
Affiche de La Rivière avec Mel Gibson

  • Réalisateur : Mark Rydell
  • Acteurs : Mel Gibson, Sissy Spacek, Scott Glenn, Shane Bailey, Becky Jo Lynch, Billy Green Bush
  • Date de sortie: 13 Mar 1985
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The River
  • Titres alternatifs : Menschen am Fluß (Allemagne) / Cuando el río crece (Espagne) / O Rio (Portugal) / Rzeka (Pologne) / Il fiume dell'ira (Italie) / Stormfloden (Danemark) / O Rio do Desespero (Brésil) / Río violento (Argentine)
  • Année de production : 1984
  • Scénariste(s) : Julian Barry, Robert Dillon
  • Directeur de la photographie : Vilmos Zsigmond
  • Compositeur : John Williams
  • Société(s) de production : Universal Pictures
  • Distributeur : CIC
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : CIC Vidéo (VHS) / Universal Pictures France (DVD)
  • Date de sortie vidéo : 18 novembre 2003 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 115 481 entrées / 38 834 entrées
  • Box-office nord-américain : 11,4 M$
  • Budget : 18 M$
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Dolby stéréo
  • Festivals et récompenses : Oscars 1985 : 4 nominations (Actrice, photographie, son et musique) / Golden Globes 1985 : 2 nominations (actrice et musique)
  • Illustrateur / Création graphique : -
  • Crédits : Universal City Studios
Note des spectateurs :

Film à Oscars plutôt efficace et bien mené, La rivière vaut surtout aujourd’hui comme document historique et sociologique sur l’effondrement d’une certaine paysannerie américaine, ruinée par un système néolibéral conquérant. Intéressant.

Synopsis : Tom Garvey, paysan indépendant, doit constamment lutter contre la rivière dont les crues menacent ses terres, mais aussi contre la rapacité des élites locales qui comptent acheter sa terre pour y construire un barrage.

Le secteur agricole américain dans la tourmente au début des années 80

Critique : Au début des années 80, le monde agricole américain est touché par une crise terrible directement liée à des décisions prises par l’administration Reagan. Tout d’abord, les agriculteurs sont confrontés à une inflation record (qui a été la conséquence des dérives financières des mandats précédents). Ensuite, l’augmentation des taux d’intérêt voulue par la Réserve fédérale américaine les a étranglés par le relèvement soudain de leur dette. Enfin, les exportations agricoles américaines sont au plus bas durant la période 1983-1986. Or le secteur est essentiellement compétitif grâce à l’export. Ajoutons enfin que la doctrine néolibérale de Reagan le pousse à refuser toute aide envers un secteur qui n’a pas connu de crise équivalente depuis la Grande Dépression des années 30.

Le monde paysan sur CinéDweller

country, les moissons de la colère, affiche CinéDweller

©1984 Buena Vista Distribution

Loin d’être inutile, cette précision historique est un préalable nécessaire pour bien saisir l’importance du phénomène qui pousse certains artistes hollywoodiens à réagir face à ce drame peu médiatisé. Ainsi, la même année sortent trois films qui traitent de ce désespoir paysan. Il s’agit notamment de Les saisons du cœur (Benton, 1984) avec Sally Field, Country – Les moissons de la colère (Pearce, 1984) avec Jessica Lange et enfin La rivière (Rydell, 1984) dont nous allons parler ici. On notera que les trois sont sortis à moins de six mois d’intervalle et que le gagnant sur le plan des entrées et des Oscars a été Les saisons du cœur de Robert Benton qui a permis à Sally Field d’être sacrée meilleure actrice et à Robert Benton de recevoir l’Oscar du meilleur scénariste.

Un projet prestigieux auquel Mel Gibson tenait particulièrement

Lorsque Mark Rydell aborde le projet de The River (1984), il est auréolé de deux succès (The Rose en 1979 et La maison du lac en 1981) et dispose d’un budget conséquent de 18 millions de dollars. Il le met à profit en faisant acheter à la Universal des terrains dans le Tennessee, près de la rivière Holston. Il peut ainsi faire construire en intégralité plusieurs fermes et, par un audacieux système de digues, se sert du véritable fleuve pour créer les impressionnantes scènes d’inondation du film.

La rivière, jaquette DVD

© 1984 Universal City Studios. Tous droits réservés

Le budget sert également à embaucher deux stars du calibre de Sissy Spacek et surtout Mel Gibson. Pourtant, à l’origine, la jeune star venue d’Australie a dû batailler ferme pour obtenir le rôle. Notamment, il a fallu qu’il travaille son accent pour être crédible en paysan américain du Tennessee. Le rôle lui tenait particulièrement à cœur, lui dont le père était fermier. D’ailleurs, l’attrait pour ce rôle n’est pas étonnant de la part de celui qui a ensuite été propriétaire d’un ranch et père de famille nombreuse. De plus, ce rôle dramatique permettait à Mel Gibson de montrer l’étendue de son registre, lui qui était vu comme un acteur de cinéma d’action. Autant d’éléments qui font que la jeune star tenait à participer à ce projet.

Une vision documentaire du malaise paysan à l’heure de la mutation néolibérale

Ce qui marque le plus au visionnage de La rivière (1984), c’est cette volonté de Mark Rydell de décrire avec une forte dimension documentaire le quotidien de cette Amérique laborieuse. Dans son regard de cinéaste se lit une admiration pour ces descendants des pionniers américains qui sont pourtant mis à mal par l’administration Reagan et la crise que nous avons évoquée en introduction. Ainsi, Rydell et ses scénaristes Robert Dillon et Julian Barry ont cherché à montrer la terrible spirale de l’endettement qui touche ces petits fermiers indépendants, victimes de la mise en place du système d’agrobusiness. Désormais dépendants des vendeurs de semences, des industriels qui fournissent machines agricoles et intrants chimiques, mais aussi des banques et des lois du marché international, les agriculteurs sont pris à la gorge et ne peuvent plus subvenir à leurs besoins.

Le film décrit notamment la nécessité pour certains de prendre un job supplémentaire, notamment dans le domaine industriel. Ainsi, le personnage incarné par Mel Gibson se retrouve en usine, en tant que briseur de grève. Les auteurs démontrent ainsi la victoire définitive d’une élite financière qui pousse les pauvres à s’entredéchirer les uns les autres pour gagner leur pain quotidien, au lieu de se révolter contre le système. La rivière va même plus loin puisque le film ose mettre à mal la notion de héros solitaire – au cœur de la pensée américaine fondée sur l’individualisme – en proposant un final où seule la solidarité collective permet de faire face à l’adversité. Pas étonnant dans ces conditions que le film n’ait pas rencontré le succès puisqu’il va à l’encontre de l’idéologie libérale largement dominante à l’ère Reagan.

Un film mature en décalage avec la mode du moment

En décalage avec les attentes du grand public américain, désormais tourné vers les spectacles à effets spéciaux, Mark Rydell propose un film mature qui embrasse une problématique sérieuse, dans la foulée des films engagés des années 70 (type Norma Rae de Martin Ritt). Mais ce n’était clairement pas ce que souhaitait voir le public de Mel Gibson. Notons d’ailleurs que si l’interprétation de la jeune star n’est pas mauvaise, il paraît tout de même un peu trop glamour pour un tel rôle, alors même que Sissy Spacek est parfaitement à sa place en fille de ferme.

blu-ray allemande de La rivière de Mark Rydell

D’après un design de Charles Gehm

D’autres éléments peuvent être reprochés au long-métrage, comme la splendide photographie de Vilmos Zsigmond qui embellit sans doute trop la réalité et vient donc contredire les efforts documentaires de l’œuvre. On peut aussi reprocher une fin un peu trop emphatique, avec notamment une musique de John Williams trop pompeuse. Toutefois, La rivière demeure un film intéressant par ce qu’il révèle de la lente destruction d’une certaine Amérique. C’est justement cette frange oubliée des Etats-Unis que Donald Trump a su conquérir plus de trente ans plus tard, comme le montre très bien le documentaire The Last Hillbillie (Diane Sara Bouzgarrou, Thomas Jenkoe, 2020).

Un échec commercial de part et d’autre de l’Atlantique

Sorti de manière limitée en décembre 1984 – pour pouvoir concourir aux Oscars – puis de manière large au mois de janvier 1985, La rivière a été un très gros échec commercial aux Etats-Unis où il n’est pas parvenu à rembourser son budget initial. En conséquence, l’Académie des Oscars ne lui a octroyé que quatre nominations qui n’ont débouché sur aucune statuette. En France, La rivière ne peut rien faire face à la déferlante des Spécialistes (Leconte, 1985) qui sort la même semaine. Les chiffres sont donc mauvais et le long-métrage coule à 115 481 paysans surendettés sur l’ensemble du territoire national. Ce désintérêt des Français sera identique pour les autres films de ce cycle paysan, trop lié à une conjoncture locale alors méconnue chez nous.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 13 mars 1985

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Affiche de La Rivière avec Mel Gibson

© 1984 Universal City Studios. Tous droits réservés

Box-office France :

Face à la combinaison record des Spécialistes distribué dans 68 salles par Gaumont et Christian Fechner, aucun autre film au potentiel élevé n’est proposé, car le blockbuster français avec Bernard Giraudeau et Gérard Lanvin s’apprête à tout écraser sur son passage.

Les spécialistes fait peur aux distributeurs, pas aux exploitants

Warner Columbia lance La petite fille au tambour du rare George Roy Hill dans 18 salles, Ralph Macchio séduit les ados dans Ras les profs ! (CIC/Paramount) sur 16 bahuts, la comédie française Louise l’insoumise de Charlotte Silvera trouve sa place sur 14 écrans. Et, dans 3 salles, le cannois Le voyage à Cythère de Theo Angelopoulos est distribué sur 3 cinémas.

CIC (donc Paramount aujourd’hui) lance La rivière dans 22 cinémas, soit la 2e meilleure combinaison de la semaine sur Paris-périphérie. Le distributeur n’y croit pas trop de par son sujet très américain. L’échec américain les a refroidis. Mais Mel Gibson qui sort du 3e volet de la trilogie Mad Max, est au plus fort de sa popularité. Malgré tout, le contre-emploi de l’acteur sera fatal. La rivière est asséchée dès le premier jour d’exploitation, avec 2 614 entrées, face aux 62 867 “spécialistes”.

La rivière asséchée à moins de 50 000 spectateurs

Quinze jours auparavant Les saisons du cœur avec Sally Field, sur une thématique rurale semblable, avait accroché 35 000 entrées dans 19 cinémas.

C’est donc un flop à une profondeur toutefois inattendue que La rivière essuie puisqu’il a tout juste pu intégrer la 10e place lors de sa semaine source.

La rivière était à l’affiche des cinémas l’UGC Elysées/Rotonde/Danton/Opéra/Boulevard/Gare de Lyon/Gobelins, le Rex, le Ciné Beaubourg, le Saint-Michel, le 14 Juillet Bastille, le Paramount Montparnasse, les 3 Murat, les Images et le 14 Juillet Beaugrenelle. Le drame est présent dans 8 autres cinémas en périphérie.

En 2e semaine, la production hollywoodienne a perdu 15 écrans. Sur 8 cinémas, elle abreuve difficilement 10 425 spectateurs.

Country les moissons de la colère de Disney ne fera pas mieux

Sa semaine 3 est réduite à 4 cinémas (UGC Elysées, UGC Odéon, UGC Boulevard et Paramount Montparnasse) pour 5 101 agriculteurs montés sur Paname pour le (non) évènement, soit un total de 35 495. The River passe à 2 écrans et 2 213 entrées en 4e semaine, qui correspond à la sortie calamiteuse de Country par Disney, avec Sam Shepard et Jessica Lange (19 519 entrées/semaine 1) qui finira dans les mêmes eaux sinistrées, à un niveau légèrement inférieur.

En 6e semaine, La rivière est à sec : 441 Parisiens pour son ultime semaine d’exploitation, au seul UGC Marbeuf (total de 38 834). Au niveau français, cela sera tout aussi catastrophique, avec 2 semaines passées dans le top 30 hexagonal.

Pour Mel Gibson, si l’on écarte Gallipoli de Peter Weir, sorti lorsqu’il était inconnu en 1982 (39 000), cela sera son résultat le plus bas de toute sa carrière au box-office hexagonal. Même les flops de Nous étions soldats, L’homme sans visage ou Blood Father se situeront plus haut.

Triste sort pour un beau film que le temps n’aura pas réussi à remettre en lumière, malgré sa pertinence historique.

Frédéric Mignard

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