Adaptation d’un livre d’Agatha Christie, La nuit qui ne finit pas est un thriller à machination correct, mais qui pâtit d’une réalisation un brin académique de la part du vétéran Sidney Gilliat. Sympathique, mais dispensable.
Synopsis : Michael Rogers est un jeune Anglais qui a exercé plusieurs métiers, toujours en cherchant à obtenir davantage mais sans peiner trop, et qui cherche un sens à sa vie, avec tous ses espoirs, ses rêves et ses ambitions. Il ne trouve pas de réponse, du moins jusqu’au jour où il rencontre Ellie, une riche héritière américaine souhaitant échapper à son milieu étouffant. Ils tombent amoureux et se marient. Rudolph Santonix, un célèbre architecte ami de Michael, leur construit une maison à Gipsy’s Acre, où ils emménagent avec Greta Anderson, la dame de compagnie d’Ellie. Parmi les villageois dont le couple fait la connaissance se trouve Esther Lee, une vieille gitane qui terrifie Ellie en la menaçant d’une malédiction si elle reste.
Un scénariste d’Hitchcock se frotte à Agatha Christie
Critique : Publié en 1967 au Royaume-Uni, Endless Night – traduit en France par La nuit qui ne finit pas – fait partie des nombreux romans écrits par la grande Agatha Christie. Rédigé en seulement six semaines, le livre a séduit un large public dans le monde entier par sa capacité à narrer l’intégralité de l’intrigue du point de vue du jeune homme qui en est le héros. De quoi nécessairement attirer un scénariste émérite tel que Sidney Gilliat qui a contribué au cours de sa longue carrière à la rédaction des scripts d’Une femme disparaît (1938) et de La taverne de la Jamaïque (1939) pour le compte d’Alfred Hitchcock.
Coproduit par les firmes EMI Films et British Lion Film Corporation, La nuit qui ne finit pas est surtout financé en grande majorité par ce vétéran qui soumet son script à Agatha Christie. Celle-ci valide son travail et le tournage a ainsi pu être enclenché au début des années 70 sur l’île de Wight. Ce cadre champêtre offre d’ailleurs une beauté de chaque instant en matière de paysage naturel. Contrairement aux whodunit dont la romancière s’est faite la spécialité, La nuit qui ne finit pas se conforme bien davantage aux règles établies par les thrillers à machination.
La nuit qui ne finit pas est un thriller à machination comme tant d’autres avant lui
Rappelons que ce sous-genre du film policier a connu un réel essor dans les années 60 à la suite du succès international remporté par Les diaboliques (Henri-Georges Clouzot, 1955). A partir de cette date, les cinéastes italiens n’ont eu de cesse de mettre en boîte des thrillers tortueux qui se fondent sur un twist final étonnant. Sachant cela, on sera moins étonné d’apprendre que La nuit qui ne finit pas a mieux fonctionné sur le marché italien que dans le parc des salles britanniques.
Il faut dire que le thriller arrive tout de même en queue de comète et que son intrigue n’est donc guère originale par rapport au cortège de films similaires qui déferlaient sur les écrans à l’époque. L’adaptation de Sidney Gilliat prend son temps pour développer une narration à la première personne. Même si le spectateur ne s’ennuie jamais, le cinéaste ne succombe aux sirènes du film de genre que dans sa dernière demi-heure, le reste étant consacré à la description des personnages et de leurs motivations.
Sidney Gilliat, un vétéran en mode automatique
Sans doute Sidney Gilliat n’était pas vraiment le réalisateur adéquat pour retranscrire à l’écran les problèmes mentaux de son protagoniste central. Certes, la monteuse Thelma Connell ose parfois créer des flashs mentaux qui ressemblent fort au goût psychédélique alors à la mode dans le cinéma d’avant-garde, mais cela n’efface pas la relative sagesse de la réalisation de Gilliat, plus proche du téléfilm que du cinéma. Le cinéaste ne parvient pas à insuffler un réel mystère à ses images et même les apparitions étranges de la gitane sont dépourvues du moindre halo de fantastique, alors même que l’histoire s’y prêtait.
Le cinéaste s’est surtout appuyé sur son casting pour donner corps à cette histoire pourtant bien tordue. Il a eu raison de faire confiance à Hywel Bennett qui incarne à la perfection ce jeune homme aux dents longues qui tombe amoureux d’une riche héritière. Les personnages féminins apparaissent quelque peu interchangeables, même si Hayley Mills et Britt Ekland sont des actrices correctes. Enfin, on signalera la présence de George Sanders dans un rôle retors qui lui va comme un gant. Malheureusement, il s’agit de l’une de ses dernières contributions au septième art puisqu’il est mort en 1972 à l’âge de 65 ans. L’acteur a préféré mettre fin à ses jours plutôt que de souffrir le martyr d’une longue maladie.
Mis en musique par le grand Bernard Herrmann qui fut le musicien attitré d’Hitchcock, La nuit qui ne finit pas est donc un thriller machiavélique sympathique à suivre, mais desservi par une réalisation assez quelconque. Apparemment sorti dans quelques salles du nord de la France selon le site Encyclociné, Endless Night n’a jamais été édité en VHS ou en DVD sur notre territoire. Il hante désormais la plateforme de Canal + puisque le film a été racheté par StudioCanal.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 décembre 1973
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Biographies +
Sidney Gilliat, Leo Genn, George Sanders, Peter Bowles, Hayley Mills, Hywel Bennett, Britt Ekland, Lois Maxwell, Per Oscarsson
Mots clés
Cinéma britannique, Thriller domestique, Les adaptations cinéma d’Agatha Christie