La nuit des traquées : la critique du film (1980)

Thriller, Erotique, Fantastique | 1h32min
Note de la rédaction :
5,5/10
5,5
La nuit des traquées, l'affiche

  • Réalisateur : Jean Rollin
  • Acteurs : Brigitte Lahaie, Natalie Perrey, Jean Rollin, Marilyn Jess (Dominique Troyes / Patinette), Alain Duclos, Dominique Journet, Cathy Stewart
  • Date de sortie: 20 Août 1980
  • Nationalité : Français
  • Titre original : La nuit des traquées
  • Titres alternatifs : Filles traquées (titre de la reprise avec inserts hard) / The Night of the Hunted (titre international) / Acoso en la noche (Espagne) / Noc ściganych (Pologne) / Night of the Hunted (Norvège) / Ragazza in amore (Italie) / Die Nacht der Gehetzten (Allemagne)
  • Année de production : 1980
  • Autres acteurs : Bernard Papineau, Rachel Mhas, Cyril Val (alias Alain Plumey), Grégoire Cherlian, Jean Cherlian
  • Scénariste : Jean Rollin
  • Monteur : Gilbert Kikoïne
  • Directeur de la photographie : Jean-Claude Couty
  • Compositeur : Philippe Brigeaud
  • Chef maquilleur : -
  • Chef décorateur : -
  • Directeur artistique : -
  • Producteurs : Monique Samarcq, Jacques Roitfeld
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : Impex Films
  • Distributeur : Impex Films
  • Distributeur reprise : Impex Films (sous le titre Filles traquées, avec inserts hard)
  • Date de sortie reprise : 14 janvier 1981
  • Editeurs vidéo : Iris Télévision (VHS) / American Vidéo (VHS) / Cinéthèque (VHS) / Blacke Editions (VHS) / Film Office (VHS, 1996) / LCJ Editions (DVD, 2003)
  • Dates de sortie vidéo : 1996 (VHS) / Février 2003 (DVD)
  • Budget : 30 000 euros (environ)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 5 157 entrées (Paris, 1ère semaine)
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Classification : Interdiction aux -16 ans (18 ans à sa sortie)
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur / Son : Mono
  • Festivals : -
  • Nominations : -
  • Récompenses : -
  • Illustrateur/Création graphique : © Charles Rau. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Impex Film. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachés de presse : -
  • Tagline : -
Note des spectateurs :

Faux thriller qui tourne à la déambulation poétique, La nuit des traquées est une œuvre inégale de Jean Rollin, capable du meilleur et du pire au sein du même long-métrage.  

Synopsis : Robert, un jeune homme dynamique, rentre sur Paris au volant de sa voiture de sport. Soudain, apparaît dans la lumière des phares la silhouette d’une jeune fille à demi-nue. L’étrange jeune fille, Elizabeth, a perdu la mémoire. Bientôt Robert tombe amoureux d’elle, et mal lui en prend, car il se retrouve entraîné dans une spirale de sadisme et de mort.

Un thriller tourné avec un budget rachitique

Critique : Durant toute la fin des années 70, le réalisateur Jean Rollin doit accepter de réaliser un nombre conséquent de films pornographiques afin de gagner sa vie et de financer ses propres œuvres, nettement plus ambitieuses. Il passe alors un marché avec son producteur André Samarcq en lui proposant de réaliser un thriller pour le même prix qu’un film X, soit la somme de 200 000 nouveaux francs (l’équivalent de 30 000 euros). Le deal est conclu entre les deux hommes, même si André Samarcq se réserve le droit de transformer le produit final en porno – ce qu’il fera, comme nous le verrons plus loin.

La nuit des traquées (1980) est donc écrit en catastrophe par Jean Rollin – certaines sources évoquent une seule journée pour rédiger le script, ce qui paraît assez peu probable tout de même. Pour limiter au maximum les coûts de production, le réalisateur concentre son histoire sur deux ou trois lieux de tournage situés à Paris, et notamment dans les nouvelles tours de La Défense, plus précisément dans la tour Fiat où, selon Jean Rollin, dans une interview en 2006, Alain Payet enchaînera juste après avec Cliniques pour soins très spéciaux.

Une œuvre dédiée à Martine Delva

Il convoque aussi ses comédiens et actrices du cinéma X pour incarner les principaux protagonistes, dont les stars du genre Brigitte Lahaie, avec laquelle il venait de tourner Les raisins de la mort et Fascination, et Cathy Stewart. Pour d’autres emplois, il trouve quelques acteurs issus des écoles de théâtre comme Alain Duclos (ici sous le pseudonyme de Vincent Gardère) ou Dominique Journet.

Pourtant, son premier choix de comédienne lui laissera le souvenir d’un trauma, puisqu’il embaucha une jeune femme du nom de Martine Delva qui tombera dans le coma des suites d’un accident de voiture, deux jours avant le tournage, et décèdera très vite. Le film lui est dédié. Le cinéaste lui avait proposé de le suivre lors d’une journée de repérage mais celle-ci avait dû décliner en raison d’une escapade avec son compagnon qui lui coûtera la vie. Et à Jean Rollin, l’amertume des regrets et peut-être même d’une certaine culpabilité.

Une œuvre fantomatique aux confins du fantastique

Tourné en seulement dix jours dans la tour Fiat que l’équipe investit dès la nuit tombée, La nuit des traquées tranche sérieusement avec les œuvres précédentes du réalisateur puisque celui-ci troque ses décors gothiques habituels pour des tours gigantesques et glaciales. Il s’inscrit ici dans un cinéma français plus moderne incarné entre autres par un certain Alain Jessua. Pour autant, le cinéaste ne parvient pas à s’affranchir de son goût pour les dérives poétiques de personnages marginaux, ce qui constitue d’ailleurs le meilleur de ce long-métrage inégal et parfois très maladroit.

En réalité, Jean Rollin n’a jamais été très à l’aise avec le genre du thriller, lui qui préfère les lentes divagations poétiques. Ainsi, La nuit des traquées, malgré son titre alléchant, ne possède aucunement le rythme qui pourrait le rattacher au genre. D’ailleurs, son postulat de départ totalement absurde le rapprocherait davantage du cinéma fantastique. Après tout, ses personnages ne sont-ils pas des morts-vivants, ou plutôt des vivants-morts ? Jean Rollin se sert ici du manque évident de métier de ses actrices principales pour en faire des êtres quasiment immatériels dont la psyché se dissous petit à petit dans le brouillard de l’oubli.

La nuit des traquées, entre fulgurances et ratages

Le meilleur du long-métrage intervient donc lorsque le réalisateur assume pleinement l’aspect fantastique de son film. On aime notamment les déambulations de ses femmes-fantômes au cœur des tours de La Défense battues par les vents. Avec le peu de moyens qui lui ont été alloués, Jean Rollin tire le meilleur de son unique décor en jouant sur les cadrages et l’architecture. Il signe enfin un superbe dernier plan-séquence qui suit la déambulation du couple Brigitte Lahaie-Alain Duclos sur un aqueduc de la banlieue parisienne. Là s’exprime enfin toute la dimension poétique d’un auteur qui valait mieux que son confinement au sein du cinéma d’exploitation.

Malheureusement, ces fulgurances interviennent parfois au cœur de passages nettement moins convaincants en termes de mise en scène. Les quelques fusillades font pitié, tandis que l’insistance du réalisateur à déshabiller l’ensemble de son casting nous plonge en plein cinéma bis de l’époque. Ces passages n’apportent ici pas grand-chose au sujet et semblent donc uniquement là pour satisfaire les exigences du producteur. Enfin, signalons la fragilité générale du jeu des acteurs, même si on peut rattacher leur ton récitatif au style déployé durant la Nouvelle vague.

La nuit des traquées de Jean Rollin, VHS, blu-ray sur Cinedweller

© 1980 Salvation Films. All Rights Reserved. VHS : Iris Films, Film Office (1996), Cinéthèque. All Rights Reserved – The Night of the Damned, Blu-ray : Design by Screenbound Pictures Ltd. All Rights Reserved.

Un thriller qui a été caviardé de scènes X

Sorti à la fin août 1980 à Paris, le thriller érotique n’a guère fait parler de lui et n’a attiré que 5 157 spectateurs lors de sa seule semaine d’exploitation. Impex lui a trouvé trois écrans en intra Muros, le Balzac, la Maxéville et le mythique l’Eldorado. Le Jean Rollin trouve refuge également à Créteil, à Argenteuil et Pantin. Autre essai français horrifique paru en 1980, La nuit de la mort de Raphaël Delpard trouvera légèrement plus de spectateurs en octobre de la même année (10 616 entrées à Paris Périphérie).

L’échec au box-office a convaincu le producteur André Samarcq de caviarder le film avec deux scènes hard supplémentaires tournées avec Alain Plumey, Dominique Irissou, Cathy Stewart et Marilyn Jess. Le résultat final a été titré Filles traquées et a été diffusé dès le 14 janvier 1981 dans sept salles parisiennes (Omnia Boulevards, Amsterdam Clichy, Amsterdam Saint-Lazare, Axis, Scala, Bastille Place et Delambre Montparnasse).

Il s’agit assurément d’une déception de plus pour Jean Rollin qui ne parvient pas à sortir de l’ornière d’un cinéma décidément bien marginal. L’année suivante, il sera appelé par les producteurs d’Eurociné pour tourner par amitié et fidélité Le lac des morts-vivants (sous le pseudonyme de J.A. Lazer) qui est sans conteste son pire film. Décidément, les années 80 ne s’annonçaient pas sous les meilleurs auspices pour le cinéaste.

Et en édition vidéo ?

La nuit des traquées est ensuite sorti dans de nombreuses éditions en VHS, tout au long des années 80, tablant notamment sur la présence de la très populaire Brigitte Lahaie pour attirer le chaland des vidéoclubs. En France, le métrage n’est paru que dans une unique édition DVD chez LCJ Editions en 2003, alors que nos amis anglosaxons ont eu le droit à plusieurs éditions blu-ray. Mieux, depuis 2023, le long-métrage est disponible en 4K UHD chez l’éditeur américain Powerhouse Films sous le titre The Night of the Hunted, avec pléthore de bonus. De quoi être franchement jaloux au vu du traitement indigne du cinéaste dans son propre pays.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 20 août 1980

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La nuit des traquées, l'affiche

© 1980 Impex Films / Affiche : Charles Rau. Tous droits réservés.

Biographies +

Brigitte Lahaie, Natalie Perrey, Jean Rollin, Marilyn Jess (Dominique Troyes / Patinette), Alain Duclos, Dominique Journet, Cathy Stewart

Mots clés

Polar français des années 80, Cinéma fantastique français, Les expériences scientifiques au cinéma

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