Fascination : la critique du film de Jean Rollin (1980)

Thriller, Épouvante-horreur, Érotique | 1h20min
Note de la rédaction :
7/10
7
Fascination, l'affiche

  • Réalisateur : Jean Rollin
  • Acteurs : Brigitte Lahaie, Joe de Palmer, Jacques Marbeuf, Franca Maï, Jean-Marie Lemaire, Muriel Montossé
  • Date de sortie: 02 Jan 1980
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Fascination
  • Titres alternatifs : El castillo de las vampiras (Espagne) / Fascynacja (Pologne) / Fascinação (Brésil)
  • Année de production : 1979
  • Scénariste(s) : Jean Rollin
  • Directeur de la photographie : Georgie Fromentin
  • Compositeur : Philippe D'Aram
  • Société(s) de production : Comex, Films A.B.C.
  • Distributeur (1ère sortie) : Aviafilm, Consortium Européen Cinématographique
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : American Vidéo (VHS) / Film Office (VHS) / LCJ Editions (DVD, 2002) / LCJ Éditions (coffret intégrale Jean Rollin, 2020)
  • Date de sortie vidéo : 21 septembre 2020 (coffret intégrale DVD)
  • Box-office Paris-périphérie : 2 522 entrées (une seule semaine d'exploitation sur Paris)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 16 ans
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Charles Rau
  • Crédits : Comex, Films A.B.C.
Note des spectateurs :

Fascination constitue l’une des plus belles réussites de Jean Rollin, malgré un budget étriqué et des acteurs pas toujours bien dirigés. Son ambiance gothique et poétique compense largement ces défauts mineurs.

Synopsis : Un bandit fuit des complices à qui il vient de subtiliser un magot. Avec une sacoche pleine d’or, le jeune homme se réfugie dans un château abandonné. Là, il trouve deux jeunes filles s’aimant d’amour tendre, mystérieuses et aguichantes. L’une d’entre elles parvient même à se débarrasser des complices du jeune malandrin. Mais voici que la soirée commence et, avec elle, arrivent d’autres jeunes femmes aussi belles et aussi sensuelles que les précédentes. Cependant, à minuit, la cérémonie pour laquelle ces créatures d’Eve se sont réunies, va pouvoir débuter.

Fascination : un étrange film fantastique financé par un producteur de porno

Critique : Au cours des années 70, le cinéaste Jean Rollin est contraint de tourner de nombreux films érotiques et pornographiques car ses tentatives de développer un cinéma fantastique français échouent à chaque fois. Même Les raisins de la mort (1978), présenté comme un film gore et bénéficiant de la présence à son générique de Brigitte Lahaie, nouvelle star du X, n’a pas obtenu le succès escompté.

Cela a renvoyé Jean Rollin au cinéma X pour quelque temps jusqu’à ce qu’il parvienne à convaincre le producteur d’œuvres pornographiques  Joe De Palmer d’investir dans Fascination (1979). Rollin assure au producteur qu’il signera non seulement une œuvre fantastique plus personnelle, mais parsemée de scènes érotiques propres à attirer le public des salles d’exploitation. De plus, Rollin offre même au producteur un petit rôle de chef de bande dans son long-métrage.

Fascination marque par sa réussite plastique

C’est ainsi que le tournage a pu se dérouler sous les meilleurs auspices au superbe et très cinématographique château de la Motte à Château-Renard dans la région du Loiret. Afin de satisfaire les exigences du producteur, Rollin emploie quelques comédiens et comédiennes issus du porno, dont Brigitte Lahaie, tout en faisant confiance à des débutants comme Franca Maï ou encore Jean-Marie Lemaire. Le choix du casting a été fondamental dans la réussite finale du long-métrage car, comme à son habitude, Jean Rollin ne dirige pas vraiment ses acteurs, comme en témoigne Brigitte Lahaie dans ses nombreux entretiens.

Pourtant, si la diction artificielle caractéristique de son cinéma ne disparaît pas totalement et que certains passages sont encore interprétés par des actrices peu affirmées, on peut aisément trouver Fascination plus juste qu’à l’accoutumée dans ce domaine précis. Visiblement très inspiré par le château qui lui sert de décor, Jean Rollin compose même des tableaux qui impressionnent par leur beauté et leur poésie picturale. A l’aide de son directeur de la photographie Georgie Fromentin, Rollin signe quelques plans splendides et marquants, largement inspirés de toiles de maîtres, et ceci malgré la pauvreté du budget engagé.

Un huis clos minimaliste, mais à l’ambiance séduisante

Doté d’une intrigue minimale, mais qui ménage tout de même un certain suspense autour de cette étrange réunion féminine qui doit se tenir à minuit, Fascination démarre comme un home invasion typique avec un truand en cavale – Jean-Marie Lemaire, plutôt crédible – qui investit un château où ne se trouvent que deux jeunes femmes au comportement étrange. Coincé dans ce lieu clos, le truand est le jouet des deux donzelles qui sont ensuite rejointes par d’autres créatures aussi belles qu’intrigantes. Si le rythme est quelque peu languissant à cause de la minceur de l’intrigue, Fascination est suffisamment bien charpenté pour ne pas ennuyer. On peut sans doute regretter l’intrusion de quelques séquences érotiques uniquement destinées à satisfaire le producteur, mais elles ne parasitent pas trop l’ambiance fantastique qui se dégage de l’ensemble.

Fascination, jaquette VHS American VIdeo

Jaquette VHS de Fascination chez American Video © 1979 Comex – Films A.B.C.

Aidé par la superbe musique planante de Philippe D’Aram, Fascination cherche à développer une ambiance atmosphérique à la lisière du gothique qui séduit immédiatement, et ceci malgré quelques maladresses (on entend l’orage gronder, alors que le temps paraît bien paisible à l’extérieur). On apprécie surtout la richesse thématique d’une œuvre nettement plus ambitieuse que la moyenne des films d’exploitation tournés à l’époque. Tout d’abord, le fait d’avoir situé l’intrigue en 1905 permet au réalisateur de citer certains auteurs populaires qu’il chérissait particulièrement, ce que l’on retrouve également sur le plan pictural.

Un sous-texte politique et féministe novateur

Surtout, Jean Rollin en profite pour régler ses comptes avec une certaine haute bourgeoisie qui vide – ici littéralement – de son sang le petit peuple. Il décrit avec précision une aristocratie qui s’accroche à ses privilèges et empêche tout être socialement inférieur de s’élever. Mais ce qui frappe encore plus de nos jours dans Fascination est le traitement réservé par Jean Rollin aux femmes. Alors que le début du film laisse supposer que le héros masculin va être le dominant, le cinéaste orchestre un bal où les femmes sont systématiquement les maîtresses du jeu.

Même lorsqu’elles finissent par céder aux ardeurs sexuelles du mâle prétendu dominant, ce sont elles qui décident et se servent de leurs charmes pour lui tendre un piège. Comme à son habitude, Jean Rollin introduit un couple lesbien (Lahaie et Maï), mais aussi toute une sororité qui s’organise pour dominer les mâles, pourtant très sûrs d’eux. Cette dimension féministe ne doit pas être négligée – et ceci même si Rollin déshabille régulièrement son casting à des fins commerciales.

Un film poétique et étrange qui n’est quasiment pas sorti en salles

Ces différents éléments, mais aussi quelques séquences culte comme l’apparition de Brigitte Lahaie dans sa longue cape noire munie d’une faux, font de Fascination un film très étrange, mais toujours porté par une poésie sombre qui ne peut laisser indifférent. Malheureusement, le long-métrage, considéré à juste titre comme l’un de ses meilleurs, n’a pas eu une sortie à la hauteur des attentes du cinéaste.

Comme l’explique Jean Rollin dans le numéro 20 du fanzine Monster Bis de 1982 :

La distribution que nous avions avait trouvé une sortie dans douze salles, ce qui était formidable. Un peu avant la sortie, il y a eu des embrouilles entre ce distributeur et les exploitants […]. En fait, ils l’ont déprogrammé […] Ça nous a considérablement desservi, tout le monde a pensé que s’ils avaient laissé tomber le film en cours de route, c’est qu’ils n’y croyaient plus. Personne n’en voulait plus, Fascination est sorti à la sauvette, dans très peu de salles, sans aucune publicité. […] Ça a été du sabotage cette affaire-là.

Si effectivement le film n’a connu qu’une exploitation décevante, il a depuis fait l’objet d’un véritable culte dans les pays anglo-saxons où il a été régulièrement édité en VHS, puis DVD et maintenant en Blu-ray. En France, par contre, les fans doivent se contenter de simples DVD souvent pourvus de copies médiocres.

Critique de Virgile Dumez

Box-office :

Sorti le 2 janvier 1980, Fascination trouvait à peine trois écrans sur la capitale pour sa sortie. Le Studio Raspail, le Royal Rivoli et le Moulin Rouge ont ouvert leurs sièges à la poésie érotique du film de Jean Rollin. Trop peu. L’auteur a beaucoup souffert de la distribution catastrophique de son œuvre. Et pour cause, à l’issue de cette semaine d’exploitation, le film interdit aux moins de 18 ans a été congédié, avec seulement 2 522 fascinés sur la capitale.

Le film trouvera rapidement une sortie en VHS chez Cinéthèque, SDV, American Vidéo puis, dans les années 90, chez Film Office, dans sa collection Collectorror.

Après plusieurs sorties chez LCJ en DVD, la France ne connaît toujours pas d’édition Blu-ray de son classique aux châtelaines dénudées, contrairement à d’autres marchés européens qui offrent de belles alternatives à saluer.

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 2 janvier 1980

Fascination, l'affiche

© 1979 Comex – Films A.B.C. / Affiche : © Charles Rau. Tous droits réservés.

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Fascination, l'affiche

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