Fulci mineur, Manhattan Baby aussi connu en France sous le titre La malédiction du pharaon, est un film assez ennuyeux qui peine à instaurer son ambiance angoissante, et ceci malgré plusieurs scènes réussies.
Synopsis : En Égypte – Alors qu’il explorait un tombeau inconnu dans une pyramide, l’archéologue George Hacker délivre accidentellement une entité maléfique. Son acte déclenche immédiatement une malédiction ayant pour effet de le rendre aveugle. Il rentre alors à New York avec son épouse Emily et sa fille Suzie, laquelle porte une étrange amulette, qu’une femme lui avait offerte avant de disparaître. De retour dans leur appartement, la famille Hacker est en proie à des phénomènes paranormaux et la petite Suzie semble possédée par un esprit démoniaque.
Un démarquage à peine déguisé de Bram Stoker
Critique : Toujours sous contrat avec le producteur Fabrizio De Angelis de la Fulvia Film, le cinéaste Lucio Fulci profite de son voyage aux Etats-Unis où il tourne les extérieurs du giallo gore L’éventreur de New York (1982) pour emballer plusieurs séquences d’un autre film d’horreur intitulé L’occhio del male, du moins lors de sa production. Effectivement, lors de sa sortie, le long-métrage fut affublé du titre de Manhattan Baby qui est un rappel indirect du Rosemary’s Baby (1968) de Roman Polanski. En France, les éditeurs vidéo ont tablé sur un plus classique La malédiction du pharaon.
Dans tous les cas, le scénario d’Elisa Briganti et Dardano Sacchetti ne s’inspire absolument pas du film choc de Polanski, mais bien plutôt de l’œuvre littéraire de Bram Stoker, en particulier Le joyau des sept étoiles datant de 1903. Ce roman racontant la malédiction qui frappe un égyptologue et le poursuit sous forme d’événements inexpliqués, et notamment des apparitions et disparitions mystérieuses, a clairement servi de matrice au scénario, sans pour autant être crédité. Pourtant, quelques longs-métrages ont déjà abordé ce roman comme La momie sanglante (Seth Holt et Michael Carreras, 1971) chez la Hammer ou encore La Malédiction de la vallée des rois (Mike Newell, 1980) avec Charlton Heston.
Manhattan Baby affecté par une coupe sombre dans le budget initial
Pourtant, Lucio Fulci a traité ce sujet dans un style qui ressemble à s’y méprendre à celui de Frayeurs (1980) ou encore de L’au-delà (1981), mais l’inspiration en moins à cause d’un script nettement insuffisant. Comme dans ses meilleurs films, Lucio Fulci ne cherche aucunement à expliquer les événements qui frappent la petite famille de l’archéologue incarné par Christopher Connelly. Ainsi, Manhattan Baby apparaît surtout comme une collection de séquences dépareillées qui peinent à faire sens. Bien que le cinéaste use et abuse de la partition musicale de Fabio Frizzi composée pour L’au-delà, l’ambiance de son nouveau film n’est pas totalement prenante.
Certes, les premières séquences se déroulant en Egypte – et tournées alors que le budget de la production était toujours conséquent – semblent mettre le film sur de bons rails avec un sens de la réalisation toujours alerte. Le réalisateur multiplie les plans tarabiscotés et offre un début prometteur. Pourtant, la suite ne parvient aucunement à satisfaire les exigences du spectateur. En réalité, toutes les séquences censées se dérouler à New York ont été réalisées dans un décor d’appartement assez pauvre dans les studios De Paolis à Rome. D’après plusieurs témoignages, il semble que le budget ait été diminué de moitié en cours de production, contraignant ainsi Lucio Fulci à revoir ses ambitions à la baisse. Ce genre de mésaventure est parfaitement crédible alors que le cinéma de genre italien entre en crise en ce début des années 80, n’étant plus que l’ombre de lui-même par manque de crédits.
Des acteurs pas toujours bien dirigés
Aussi, la longue partie située dans cet appartement au design sans saveur peine à passionner et l’ennui s’installe progressivement, d’autant que le cinéaste se refuse à créer des meurtres marquants. Il faudra attendre l’ultime séquence pour que Lucio Fulci se lance à nouveau dans une mort atroce et gore dont il a le secret. Un peu tard tout de même, et bien maigre par rapport à la promesse initiale.
La malédiction du pharaon souffre également d’un jeu d’acteur relativement faible. Ainsi, la jolie Laura Lenzi n’est guère à son avantage en jeune mère de famille mise à rude épreuve par le destin. Face à elle, les enfants joués par Brigitta Boccoli et Giovanni Frezza souffrent du doublage anglais assez médiocre qui rend leur prestation fragile. Finalement, seule Cinzia De Ponti s’en sort plutôt bien en baby-sitter à la destinée peu enviable. En père dépassé par les événements, Christopher Connelly ne force pas son talent et se contente d’être présent devant la caméra, sans doute entravé par une écriture très superficielle des personnages.
Un Fulci surtout exploité en vidéo en France
Si Manhattan Baby reste une œuvre à découvrir puisque nichée au cœur de la période la plus faste du réalisateur, force est d’admettre qu’il s’agit d’un film décevant sur de nombreux points. D’ailleurs, le film n’a pas bénéficié d’une sortie officielle en France, où il aurait été diffusé seulement dans le Nord de la France en décembre 1984 selon Encyclociné. En réalité, les fans d’horreur ont surtout découvert le long-métrage via sa VHS éditée initialement par UGC Vidéo sous le titre de La malédiction du pharaon. Titre repris lors des rééditions opérées par l’éditeur Vidéofilms.
A l’ère du DVD, l’audacieux et valeureux éditeur Néo Publishing a dégoupillé un joli collector en 2004, défrichant ce territoire méconnu du cinéma de genre rital qui commençait enfin à être réévalué par des cinéphiles du monde entier. On notera que le film a eu les honneurs d’un blu-ray collector trois disques aux Etats-Unis chez l’éditeur culte Blue Underground, avec une copie restaurée en 2K. Pour la France, il a fallu patienter jusqu’en octobre 2023 pour revoir Manhattan Baby dans de bonnes conditions par les soins du Chat qui Fume qui a eu l’excellente idée de lui adjoindre le formidable documentaire Fulci For Fake (Simone Scafidi, 2019).
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 décembre 1984
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Lucio Fulci, Andrea Bosic, Carlo De Mejo, Christopher Connelly, Laura Lenzi, Cinzia De Ponti, Brigitta Boccoli, Giovanni Frezza
Mots clés
Possession diabolique au cinéma, Les enfants maléfiques au cinéma, New York au cinéma, L’Egypte au cinéma