Petite production de la Tigon, firme concurrente de la Hammer, La maison ensorcelée est une série B kitsch et de mauvais goût qui déploie toutefois un certain charme grâce à ses interprètes. Sympathique, mais pas indispensable.
Synopsis : Un antiquaire recherche désespérément son frère, et son enquête le conduit dans un château. Très vite, il s’aperçoit que les lieux renferment de nombreux mystères liés à la sorcellerie.
Critique : Au cours des années 60, la société Hammer Films a connu d’importants succès commerciaux grâce à leurs films d’horreur gothiques, suscitant la convoitise de nombreux concurrents. Ainsi, parmi les sociétés les plus emblématiques de cette période, on peut compter également la Amicus qui s’est spécialisée dans les films d’horreur à sketches plus contemporains. Encore un cran en-dessous se place la Tigon qui a été créée en 1967 par le producteur Tony Tenser. Celui-ci a ainsi donné sa chance à un jeune réalisateur talentueux nommé Michael Reeves en produisant successivement La créature invisible (1967) et surtout Le grand inquisiteur (1968).
Toutefois, Tony Tenser n’a pas misé que sur la jeunesse puisqu’il a aussi remis en selle le vétéran de la série B Vernon Sewell. Ce dernier a déjà une trentaine de séries B derrière lui lorsque Tony Tenser l’engage pour mettre en boite successivement Le vampire a soif (1968) avec Peter Cushing et La maison ensorcelée (1968). Si le générique du film n’indique pas l’origine réelle de l’intrigue, les amateurs de littérature fantastique reconnaîtront sans mal une nouvelle de l’écrivain américain H.P. Lovecraft (1890-1937) intitulée La maison de la sorcière.
La maison ensorcelée : quand le gothique rencontre le psychédélisme!
Afin de donner une tonalité plus moderne à leur film, les auteurs ont choisi de situer l’intrigue dans l’Angleterre contemporaine, ce qui donne lieu à des séquences psychédéliques qui tranchent fortement avec l’ambiance gothique de l’histoire. Ainsi, en souhaitant coller à l’actualité en montrant des jeunes filles délurées, ainsi que des orgies de sexe et de drogue, les auteurs ont surtout daté leur produit. Dès les premiers instants, le spectateur contemporain reconnaîtra l’influence du psychédélisme et de son année de création (entre 1967 et 1968).
La collection British Terrors d’ESC
Le problème vient du fait que ces scènes ne s’insèrent pas forcément bien avec le reste du long-métrage qui, lui, respecte les codes du film gothique à l’ancienne, avec ses corridors secrets, ses chambres de torture et ses toiles d’araignée.
De l’humour méta pour faire passer la pilule
Certes, Vernon Sewell dénonce à plusieurs reprises ce décorum par un humour méta qui étonne à cette époque. Ainsi, l’emploi des fausses toiles d’araignée est signalé par le personnage de l’enquêteur incarné sans grand charisme par Mark Eden. Mieux, un dialogue fait explicitement référence à l’histoire du cinéma horrifique lorsque le même personnage déclare que l’on pourrait voir surgir Boris Karloff dans un tel décor. Or, la star des années 30 est bel et bien du casting du film. Ces notes humoristiques démontrent que les auteurs ne sont pas dupes de ce qu’ils filment, mais cela a justement tendance à rompre le charme de l’ensemble.
On peut également rester dubitatif devant les séquences se déroulant dans la salle des tortures, avec l’emploi de costumes souvent ridicules, tandis que la pauvre Barbara Steele doit arborer un maquillage bleuté du pire mauvais goût. Et que dire du bourreau que l’on croirait sorti d’un mauvais film pornographique SM. Ces séquences assez folles sont par ailleurs tournées sans grande ambition sur le plan visuel et l’on sent alors les limites budgétaires à l’œuvre.
Des acteurs prestigieux qui sauvent les meubles
Pourtant, La maison ensorcelée (1968) parvient à ne pas ennuyer le spectateur grâce à une intrigue suffisamment mystérieuse pour intéresser tout au long de la projection. Les décors sont plutôt bien mis en valeur par la photographie très bariolée de John Coquillon, visiblement très inspiré par les créations italiennes de Mario Bava. Ensuite, le métrage bénéficie d’un casting alléchant qui est globalement bien utilisé. Christopher Lee est toujours impérial en adepte de la sorcellerie et des forces occultes – même s’il a déclaré par la suite détester ce film – tandis que Boris Karloff est toujours aussi imposant.
Même si la star vieillissante est ici dans un fauteuil roulant à cause de ses rhumatismes, il parvient à susciter l’angoisse dans un rôle ambigu. Face à eux, les acteurs plus jeunes sont inégaux. Comme dit précédemment, Mark Eden manque d’épaisseur pour faire un héros convaincant, mais il est heureusement secondé par Virginia Wetherell qui est d’une belle justesse, elle qui sera ensuite repérée dans la production Hammer Dr. Jekyll et Sister Hyde (Baker, 1971). Enfin, les fidèles Michael Gough et Rupert Davies complètent un casting so british qui possède un charme indéniable.
Un film charcuté à sa sortie en salles
Il aurait sans doute fallu à La maison ensorcelée un autre réalisateur que le tâcheron Vernon Sewell dont la réalisation appliquée se conforme davantage à des impératifs télévisuels que cinématographiques. On est ainsi très loin des splendeurs déployées par des cinéastes inspirés comme Terence Fisher ou Mario Bava.
Sorti en 1971 en France, soit trois ans après sa création, La maison ensorcelée a été charcutée par le distributeur Mondial Film afin d’obtenir une interdiction aux moins de 13 ans. Ainsi, quinze minutes sont restées sur la table de montage afin d’éliminer plusieurs scènes de nudité, ainsi que des séquences qui rappellent un peu trop l’univers sadomasochiste. Désormais, ces séquences ont été réintégrées et le long-métrage a retrouvé son intégrité. A l’époque, ils ne furent que 118 651 amateurs de gothique à avoir fait le déplacement en salles en France. Depuis, le film a été édité en VHS, puis DVD, avant de se voir intégré à la collection British Terrors d’ESC Editions en 2022. Si le film demeure une curiosité à découvrir, il n’en demeure pas moins faible et ne satisfera que les fans du genre les moins exigeants.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 juin 1971
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Vernon Sewell, Christopher Lee, Boris Karloff, Barbara Steele, Michael Gough, Rupert Davies, Mark Eden, Virginia Wetherell