Joli film intimiste sur la vieillesse et l’angoisse face à la mort, La maison du lac bénéficie de dialogues savoureux et d’acteurs de premier ordre. Peut-être un peu trop classique, ce film à Oscars demeure efficace.
Synopsis : Lors d’une visite à ses parents, une quadragénaire se rapproche sensiblement de son père vieillissant, après des années de conflits et d’incompréhension.
Henry Fonda et Katharine Hepburn réunis à l’écran pour la première fois
Critique : En 1979, le dramaturge Ernest Thompson monte à Broadway une pièce intitulée On Golden Pond qui rencontre aussitôt un énorme succès public. Plusieurs acteurs hollywoodiens s’intéressent alors de près aux droits d’adaptation pour le cinéma, mais c’est finalement Jane Fonda qui se porte acquéreur avec la volonté d’offrir le rôle principal à son père Henry Fonda. Ernest Thompson lui-même est convié pour écrire un scénario et le projet est rapidement mis sur pied pour un tournage au cœur de l’été 1980 dans le New Hampshire. Le métrage permet de confronter pour la première fois sur grand écran deux monstres sacrés du cinéma américain, à savoir Henry Fonda et Katharine Hepburn, qui ne s’étaient d’ailleurs jamais croisés dans la vie. Pour le reste du casting, l’évidence pousse Jane Fonda à jouer le rôle de la fille mal-aimée de son paternel, cette situation faisant écho à une réalité bien tangible. Enfin, pour emballer ce drame intimiste, les acteurs et producteurs font appel au réalisateur Mark Rydell qui vient tout juste de marquer les esprits par son chef d’œuvre musical The Rose (1979) avec Bette Midler.
Le vieil homme et l’enfant
Typique d’un certain cinéma destiné à glaner des récompenses, La maison du lac ne doit pas pour autant être boudé par les cinéphiles tant Mark Rydell parvient à s’effacer face à la puissance des dialogues de Thompson. Proposant une classique histoire de tension familiale larvée, l’auteur réfléchit surtout de manière pertinente sur la fin de vie et interroge ainsi chacun d’entre nous sur notre attitude devant la mort prochaine. Vieux grognon paraissant quelque peu narcissique, le personnage incarné par Henry Fonda va devoir peu à peu faire tomber le masque face à un gamin de 13 ans qui ne souhaite pas se laisser mener à la baguette. Certes, la confrontation entre un vieil homme et un enfant est un sujet rebattu à la lisière du cliché, mais pour autant, Mark Rydell parvient à dépasser cette limite en ne fondant pas toute l’intrigue sur cette opposition. En réalité, cette relation amicale naissante sert avant tout de révélateur pour le personnage principal quant à son peu d’empathie envers sa propre fille qu’il n’a eu de cesse de négliger.
Promotion post Oscar du distributeur CIC – Avril 1982 © CIC, Universal. All Rights Reserved.
Des acteurs au firmament qui ne tombent pas dans le piège du mélo
Au long d’un métrage intimiste essentiellement porté par les dialogues, le spectateur apprend à apprécier tous les protagonistes, à mieux saisir leurs antagonismes et surtout à ne juger aucun d’entre eux. C’est d’ailleurs cette capacité à rendre tangible les qualités et défauts de chaque être humain qui fait la force de ce très beau film, souvent émouvant, mais jamais tire-larmes. Par contre, le métrage n’atteint jamais la profondeur de certaines œuvres de Bergman, beaucoup plus puissantes, ou même des pièces d’un Tennessee Williams, bien plus doué pour évoquer des conflits psychologiques. Ici, l’antagonisme père-fille se résout peut-être trop facilement pour que cela soit crédible, ce qui n’enlève rien au plaisir éprouvé durant la projection.
La maison du lac, dernier abri pour les nostalgiques de l’âge d’or du cinéma américain
Il faut dire que le métrage est l’occasion de retrouver des acteurs magnifiques, en pleine possession de leur art. Katharine Hepburn est bouleversante en femme aimante, mais capable de remettre son homme en place. Henry Fonda prouve une fois de plus l’immensité de son talent avec ce dernier rôle avant sa disparition un an plus tard. Si Jane Fonda est correcte, on peut lui préférer l’interprétation très naturelle du jeune Doug McKeon qui confirmait ici un talent très précoce, déjà repéré dans pas mal de publicités et de téléfilms de la fin des années 70. Ces performances magnifiques ont d’ailleurs donné lieu à de multiples récompenses dont un Oscar du meilleur interprète chacun pour le couple Hepburn – Fonda.
Mais la plus belle récompense est sans aucun doute celle du public américain qui s’est rué en masse dans les salles faisant de ce long-métrage le deuxième plus gros succès de l’année 1981 aux Etats-Unis avec pas moins de 119,2 millions de dollars de recettes pour une mise initiale de seulement 15 millions. En France, le film a connu un écho moins important, se hissant seulement à la 47ème marche du podium de l’année 1982, ce qui n’est finalement pas si mal au vu de l’intimisme de l’œuvre et de sa résonnance moindre sur notre territoire.
Critique de Virgile Dumez
Sortie, Oscars et box-office de La maison du lac
Avec de nombreuses nominations aux Oscars en mars 1982, La maison du lac ne pouvait sortir qu’en avril 1982 en France pour profiter ou non des prix glanés par le film phénomène de la fin de l’année 1981 aux USA.
La maison du lac, sorti de façon limitée aux USA, en décembre 81, dans deux cinémas, avait fini sa carrière nord-américaine à 119M$, derrière Les aventuriers de l’arche perdue (numéro 1 annuel, avec 212M$), mais devant Superman II (108M$) et Les Chariots de feu (58M$). On ne prend en compte que les œuvres officiellement officiellement distribuées durant l’année 1981. Evidemment, toute sa carrière, c’est bel et bien en 1982 que La maison du lac l’accomplira, avec une distribution élargie à partir du 22 janvier 1982, pour préparer la course à l’Oscar auprès du public.
Le seul Oscar d’Henry Fonda, 5 mois avant sa mort
Si Les Chariots de feu est loin derrière au box-office, c’est bien ce très beau film de Hugh Wilson qui décroche l’Oscar du Meilleur film.
Warren Beatty remporte la récompense suprême en tant que réalisateur pour Reds.
Evidemment, impossible de ne pas récompenser les vétérans.
Henry Fonda, qui décèdera cinq mois plus tard, en août 1982, ne peut se déplacer pour récupérer son premier Oscar. L’acteur de 78 ans a alors décroché un Golden Globe en préambule. Mérité. Le moment est aussi émouvant qu’historique. Des pages hollywoodiennes sont en train de se tourner. Jane Fonda, émue, récupère la récompense. Un moment inoubliable, surtout quand on connaît leurs problèmes de communication père-fille.
Un 4e Oscar pour l’immense Katharine Hepburn, sur 12 nominations en 50 ans
Katharine Hepburn qui célèbre aux Oscars sa 12e nomination, décroche surtout sa 4e récompense dans la catégorie de la Meilleure actrice, depuis Gloire Ephémère (Morning Glory), en 1934. Elle est l’histoire du cinéma.
Ernst Thompson réalisera sa propre adaptation d’On Golden Ponds
Le troisième Oscar revient à Ernest Thompson pour le scénario adapté de son propre matériau. D’ailleurs, en 2001, un téléfilm avec Judie Andrews, Christopher Plummer et Glenn Headly sera à nouveau adapté de sa pièce. Cette fois-ci, il le co-réalisera.
Quand les Oscars s’achèvent, La maison du lac franchit les 70M$ après un bouche-à-oreille exceptionnel qui lui permet de franchir les 100M$ à la fin du mois d’avril 1982. En octobre, il réapparaît dans 877 salles et finira sa carrière à 118M$ en 47 semaines, l’équivalent de 372M$ en 2023.
Un succès français moindre, concurrencé par Warren Beatty et Romy Schneider
En France, le succès de La maison du lac est moindre. Euphémisme. Jugé trop classique. Trop académique. Trop Américain.
Conscient de cela, CIC, également distributeur de Reds, l’un des trois gagnants aux Oscars, préfère miser sur le film de Warren Beatty qui sort avec une semaine d’avance, le 7 avril. Le film avec Diane Keaton, Beatty et Jack Nicholson fait 3h15 et s’impose comme l’un des films les plus longs. Le pari est risqué.
A 30 000 entrées en faveur de La maison du lac, les deux (désormais) classiques du cinéma performent de façon identiques en France (865 000 pour Beatty, 890 000 pour Mark Rydell et la famille Fonda).
La maison du lac destiné à un public de cinéphile mature, un problème puisque le 14 avril est aussi la date de La passante du Sans-Souci de Jacques Rouffio qui prend largement la tête du box-office parisien, devant Nestor Burma (Serrault, Birkin) qui est second. Reds en deuxième semaine barre également la route à La maison du lac.
A l’échelle nationale, Conan le Barbare est encore premier, suivi par Les sous-doués en vacances. Romy Schneider est 3e.
La maison du lac est 11e, avec 46 681 entrées à Paris-Périphérie et 75 209 entrées France.
Seize écrans P-P caractérisaient le lancement de La maison du lac, dont 10 en intra-muros, essentiellement chez UGC (le Champs Elysées, l’Odéon, l’Opéra, le Rotonde et le Caméo). A l’UGC Champs-Elysées, la chronique familiale bouleverse 9 207 spectateurs en 7 jours. Le Miramar, le Mistral, le Ciné Beaubourg, et les 14 Juillet Bastille et Beaugrenelle complétaient le parc d’écrans parisiens.
VHS, DVD, Blu-ray et Arte
Après des éditions VHS, et de nombreux DVD chez Universal, au sein de son catalogue de classiques, La maison du lac ressort en format physique en France, en 2023. Attention, l’éditeur ne propose toujours pas d’édition HD Blu-ray, mais bel et bien un nouveau DVD, pour capitaliser sur un public âgé pas forcément équipé d’un lecteur blu-ray. Un blu-ray américain traîne depuis 2015 chez Shout Factory.
Arte diffusera La maison du lac en copie restaurée le 20 août 2023. Est-ce une commémoration tardive de la mort d’Henry Fonda, disparu il y a 40 ans, un 12 août 1982 ? Dans tous les cas, on ne pourra juger cette initiative que positivement. L’œuvre quelque peu oubliée par les Français ou du moins méconnue chez les jeunes cinéphiles permettra à beaucoup de se frotter à trois légendes du cinéma, dont Katharina Hepburn, morte il y a 20 ans, en juin 2003. Elle y est grandiose.
Les sorties de la semaine du 14 avril 1982
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