Dernière apparition de Romy Schneider à l’écran, La passante du Sans-Souci est un drame un peu écrasé par l’importance de son propos et le manque d’audace d’une réalisation très académique.
Synopsis : Paris, 1981. Max Baumstein, la soixantaine, président du Mouvement de Solidarité internationale, abat froidement un vieil homme, Frédéric Lego, ambassadeur du Paraguay. Il se constitue prisonnier et commence à raconter à sa jeune épouse Lina, ignorant tout de son passé, les raisons de son geste.
Un projet monté par Romy Schneider
Critique : Alors que la France du début des années 80 voit ressurgir l’ombre des horreurs de la Seconde Guerre mondiale à travers la traque des criminels nazis en Amérique latine, l’actrice Romy Schneider n’en finit pas de culpabiliser sur les liens connus entre sa mère Magda et le régime d’Hitler. Dans un souci d’expiation, elle monte au début des années 80 un projet d’adaptation du roman La passante du Sans-Souci de Joseph Kessel publié en 1936. L’actrice choisit notamment le réalisateur Jacques Rouffio dont elle apprécie l’œuvre incisive et engagée, ainsi que Michel Piccoli afin de lui donner la réplique.
Jacques Rouffio et son scénariste Jacques Kirsner vont donc s’emparer du livre de Kessel et le modifier en profondeur. Ainsi, ils ajoutent toute une intrigue contemporaine afin de donner une résonance actuelle à leur propos – notamment sur la permanence d’une certaine frange d’extrême droite – et modifient également les caractères des personnages afin de mieux coller à la personnalité des acteurs qui les incarnent. L’adaptation est donc très libre, au risque de fortement déplaire aux amoureux du livre de Kessel.
Romy Schneider se consume devant la caméra de Rouffio
D’ailleurs, les séquences qui se situent dans les années 30 sont celles qui fonctionnent le mieux dans ce film entièrement conçu sous forme de flashback. Nous suivons donc l’histoire d’enfance du personnage incarné par Michel Piccoli dans la partie contemporaine afin de comprendre pourquoi il a abattu de sang froid un ambassadeur dont on pressent qu’il fut un nazi. Dès que Jacques Rouffio se concentre sur le destin tragique d’Elsa Wiener, le film parvient à prendre son envol grâce à la prestation habitée d’une Romy Schneider pourtant dévastée par de multiples drames.
L’actrice est non seulement diminuée par un cancer qui vient de lui être diagnostiqué, mais elle doit faire face au décès de son fils de quatorze ans David, accidentellement empalé sur la grille de sa propriété. La star ne s’est d’ailleurs jamais remise de ce décès au point d’être retrouvée morte au mois de mai 1982 sans que l’on sache exactement s’il s’agit d’un suicide. On ne peut malheureusement pas faire l’impasse sur ces événements lorsque l’on regarde La passante du Sans-Souci tant la star semble se consumer à l’écran devant nos yeux. Son interprétation bouleversante fait tout le prix de ce long-métrage par ailleurs assez inégal.
Une réalisation malheureusement pas à la hauteur des enjeux
Effectivement, Jacques Rouffio ne paraît pas au meilleur de sa forme pour traiter ce sujet délicat. Il chausse notamment des gros sabots lorsqu’il cherche à dénoncer le retour de l’extrême droite en France au début des années 80, et ceci même si ce thème est encore plus d’actualité de nos jours. Il multiplie les plans hasardeux, les cadrages peu inspirés et son directeur photo Jean Penzer livre un travail peu convaincant qui n’est même pas rehaussé par la restauration 4K effectuée en 2019. L’ensemble est d’une platitude télévisuelle qui confine à l’académisme le plus pur.
Du coup, des séquences qui auraient dû être bouleversantes ne sont jamais hissées à leur plus haut potentiel. Pire, certains acteurs paraissent assez fades, comme Gérard Klein ou le petit Wendelin Werner, pas forcément bien dirigés. Certes, La passante du Sans-Souci demeure une œuvre regardable et même assez agréable ; mais comme tétanisé par l’importance de son sujet, Jacques Rouffio n’a pas su en tirer le meilleur.
Cela n’a pas empêché le long-métrage d’être un beau succès public en se hissant à la 18ème place du podium annuel avec près de 2 millions d’entrées dans l’Hexagone. On se souviendra surtout de lui comme étant la dernière apparition à l’écran de l’une des meilleures actrices de sa génération.
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