La grande lessive (!) : la critique du film (1968)

Comédie | 1h35min
Note de la rédaction :
7/10
7
La grande lessive, l'affiche

Note des spectateurs :

Tirant à boulets rouges sur la société française de son époque, Mocky réussit avec La grande lessive (!) une comédie aussi jubilatoire que folle. Totalement délirant.

Synopsis : Révolté par l’apathie de ses élèves, qu’il attribue à leur surconsommation de télévision, Armand Saint-Just, professeur de lettres, entreprend de neutraliser les antennes réceptrices sur les toits de Paris.

La troisième collaboration entre Mocky et Bourvil

Critique : Au cours des années 60, le cinéaste Jean-Pierre Mocky a connu le succès avec quelques comédies audacieuses comme Un drôle de paroissien (1963) qui restera son plus gros score au box-office national. Après la performance moins convaincante de La grande frousse (1964), Mocky retrouve pour la troisième fois Bourvil avec La grande lessive (!) en 1968.

La grande lessive, la jaquette du DVD

© 1970 Mocky Delicious Products / © 2018 ESC Editions. Conception graphique Dark Star. Tous droits réservés.

Si l’on en croit les mémoires du réalisateur, celui-ci aurait convaincu Bourvil de tourner pour lui à un prix réduit en lui offrant le rôle d’un professeur intellectuel. Effectivement, l’acteur était surtout connu pour ses interprétations de nigauds un peu naïfs et cela lui permettait de briser son image publique. Il se voit confier ici le rôle d’un professeur de français désespéré de voir ses élèves affalés sur leurs tables, à cause d’une surconsommation de programmes télévisés. Du coup, l’homme, tel un Don Quichotte des temps modernes, se sent investi d’une mission de service public : détraquer les ondes hertziennes pour empêcher la télévision de ramollir le cerveau de ses chers élèves.

Mocky lave son linge sale

Sur ce postulat de départ hautement fantaisiste, Mocky se livre à un jeu de massacre assez jubilatoire où toutes les strates de la société en prennent pour leur grade. Si Mocky égratigne plutôt gentiment le milieu enseignant – qu’il accuse quand même de passivité – il se fait bien plus cinglant vis-à-vis des autres institutions que sont la police et les édiles. Ainsi, comme à son habitude, Mocky ridiculise les policiers en les dépeignant comme une bande d’abrutis. Les classes bourgeoises ne sont pas épargnées puisque le personnage de Michael Lonsdale est décrit comme un alcoolique notoire, alors qu’il se révèle être le secrétaire de l’Elysée. Au passage, l’acteur livre une prestation impeccable, et franchement hilarante.

Même constat pour le directeur de la télévision incarné avec gourmandise par un Jean Poiret qui semble jubiler. L’acteur forme un duo impeccable avec Bourvil, comme on a déjà pu le constater dans les deux films précédents du duo Mocky-Bourvil. Enfin, Francis Blanche parvient à nous faire rire à de multiples reprises avec son personnage de dentiste embarqué par hasard dans cette aventure rocambolesque. Toutefois, si ces bourgeois sont caricaturés par Mocky, la classe ouvrière n’est pas épargnée non plus puisqu’elle ne souhaite que s’abrutir devant la télévision. Sorte de prescience du réalisateur par rapport à la future addiction de la population envers tout type d’écran.

Un film très drôle et emporté par un véritable vent de folie

Parfois très drôle, La grande lessive (!) ne recule pas devant la grosse caricature, opte parfois pour le vaudeville et cède également de temps à autre à la vulgarité. Toutefois, ce ne sont que quelques scories dans un ensemble particulièrement dynamique, porté par des comédiens inspirés et visiblement heureux de participer à ce grand lavage de linge sale en famille.

Peu avant sa sortie, le long-métrage qui devait initialement s’intituler Le tube devient par la magie des producteurs La grande lessive, jugé plus vendeur. Afin de marquer son opposition vis-à-vis de ce titre imbécile, Mocky a imposé d’ajouter un point d’exclamation mis entre parenthèse. Un moyen comme un autre de marquer son indépendance, malgré tout.

On ne saura jamais qui a eu raison puisque le film a connu à sa sortie un très gros succès, avec plus de 2 millions d’entrées cumulées, soit le deuxième plus gros score de la carrière entière de Mocky. Il faut dire qu’en l’état, La grande lessive (!) est sans aucun doute l’un de ses films les plus drôles, tout en étant totalement fou et personnel.

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Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 15 novembre 1968

La grande lessive, l'affiche

© 1970 Mocky Delicious Products / Illustration : René Ferracci © ADAGP Paris, 2019. Tous droits réservés.

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