La fiancée de Chucky opère une refonte totale de la franchise en orientant le métrage vers un humour féroce et déjanté. Très drôle, malgré quelques chutes de rythme.
Synopsis : Chucky, la poupée maléfique, vit une retraite bien méritée, en morceaux, au fond d’un sac plastique déposé dans les archives de la police. La gironde Tiffany, fan illuminée de Chucky, parvient à s’emparer de la dépouille, reconstitue son idole, avant de la ressusciter via quelques formules vaudous. Chucky, ravi de ce retour surprise à la vie, mais quelque peu décontenancé par la personnalité de sa Belle, la massacre joyeusement, avant de transférer son esprit dans une autre poupée.
Une saga reprise en main par son créateur Don Mancini
Critique : Depuis la déception artistique et commerciale de Chucky 3 (Bender, 1991) qui n’est même pas sorti en salles en France, la franchise était réduite au point mort. Pourtant, son créateur Don Mancini ne voulait pas en rester là, lui qui fut évincé de la première trilogie par des producteurs désireux d’en faire un pur produit commercial. Celui-ci décide donc de reprendre la main et de relancer la franchise tel qu’il l’entend, c’est-à-dire en développant l’aspect parodique et trash. Ouvertement homosexuel, le scénariste envisage donc le quatrième Chucky comme une comédie à l’humour gay prononcé.
Pour parvenir à réaliser son rêve d’un film plus ambitieux sur le plan formel, Mancini et les producteurs de chez Universal s’entendent pour donner sa chance au hongkongais Ronny Yu. Celui-ci fait partie de la vague asiatique arrivée à Hollywood à la suite de John Woo. Il apporte d’ailleurs dans ses bagages le directeur de la photographie Peter Pau en poste sur le chef d’œuvre The Killer (Woo, 1989) et le monteur David Wu qui a travaillé avec John Woo sur Le syndicat du crime (1986) ou encore A toute épreuve (1992). Autant dire que la patte hongkongaise se ressent au visionnage de ce quatrième épisode, esthétiquement plus abouti que les autres films de la saga.
Chucky superstar
Doté d’un budget assez conséquent, La fiancée de Chucky bénéficie aussi de techniques plus modernes, avec emplois d’animatroniques plus perfectionnés qu’avant et d’effets spéciaux numériques qui ont permis notamment d’effacer les câbles reliant les marionnettes. Le résultat très convaincant a ainsi permis de faire de Chucky et de sa fiancée Tiffany les vraies vedettes du long-métrage. Ils sont désormais de quasiment tous les plans et deviennent donc les stars d’un film où les humains sont quelque peu délaissés. Ainsi, le couple de jeunes amoureux est d’une fadeur extrême (il faut dire que Katherine Heigl et Nick Stabile ont peu de charisme) face aux marionnettes démoniaques qui squattent l’attention du spectateur. Cela induit toutefois un déséquilibre qui se ressent dans le scénario.
Effectivement, dès que le cinéaste s’intéresse aux personnages humains, le film perd de son intérêt et connaît donc quelques petites chutes de rythme. Heureusement, cela est en grande partie compensé par une vraie irrévérence dans les dialogues et les situations. Alors que les trois premiers films insistaient sur la normalité apparente de la poupée, La fiancée de Chucky établit dès la première scène le statut d’icone du fantastique du jouet. D’ailleurs, la proximité de la sortie de Scream (Craven, 1996) explique non seulement la possibilité pour les auteurs de tourner une pure comédie qui met en boite le genre, mais aussi les nombreuses références méta qui parcourent le long-métrage. Ainsi, Chucky rappelle que son histoire est trop longue à raconter, à tel point qu’il est nécessaire de tourner trois suites pour le faire.
Une œuvre post-moderne ancrée dans la fin des années 90
À cela, il faut ajouter toutes les références explicites dont la plus évidente est celle de La fiancée de Frankenstein (Whale, 1935), chef d’œuvre qui est même visible sur l’écran de télévision scruté par Jennifer Tilly. Afin de bien faire comprendre au public que la franchise basculait dans l’ère post-moderne, les auteurs ont fait leur la mode gothique qui déferlait alors sur le monde. Outre une BO truffée de titres indus et métalleux (Rob Zombie, Coal Chamber, Slayer, Judas Priest etc…), les costumes des personnages font la part belle aux tatouages, aux maquillages noirs et autres bas résille et piercings. Cela date inévitablement le film, mais lui donne aussi un aspect plus trash qui va à merveille avec le ton volontairement mal élevé de l’ensemble.
Enfin, la plupart des meurtres sont imaginatifs – on adore notamment celui du couple échangiste qui se termine de manière tranchante – et laissent une excellente impression, même si le scénario est un peu à la peine une fois que le road-movie est enclenché.
La fiancée de Chucky a reçu un accueil chaleureux
Dans ce grand délire, on admirera une fois de plus l’interprétation vocale de Brad Dourif, tandis que l’incroyable Jennifer Tilly révèle des qualités bis particulièrement gratinées, elle qui était jusque-là surtout présente dans des films indépendants. Le gros succès rencontré par sa prestation en a fait ensuite un pilier de la saga, très prisé des fans. Il faut dire qu’elle est très drôle.
Sorti en octobre 1998 aux États-Unis, le long-métrage a été un petit succès qui a permis de revitaliser la franchise. Il s’agit surtout du volet qui a reçu le meilleur accueil dans les festivals spécialisés. Ainsi, en France, La fiancée de Chucky a obtenu le Prix spécial du jury à Gérardmer en 1999. Sorti dans la foulée au mois de mars, le quatrième opus de la saga est celui qui a réuni le plus de spectateurs sur la France avec 497 340 entrées.
Depuis, La fiancée de Chucky bénéficie d’un joli statut de petit film culte qui s’explique par son aspect ovniesque. Toutefois, on peut lui préférer sa suite directe Le fils de Chucky (Mancini, 2004), encore plus drôle et déjantée.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
La fiancée de Chucky est le plus gros succès de la saga de la poupée tueuse en France avec un total exaltant de 497 340 entrées. La franchise ayant essentiellement été fructueuse sur le marché vidéo, en France, on mentionnera des chiffres seulement convenables pour le premier volet (143 136), très médiocres pour le second (55 603), quand le troisième numéro sera redirigé sur notre territoire vers les rayons des vidéo-clubs.
Le plus gros succès du distributeur éphémère Opening Distribution
Armé d’un féroce Grand Prix spécial du jury à Gérardmer, en 1999, La fiancée de Chucky a été la bonne surprise que personne n’attendait, avec 183 410 entrées en première semaine, soit quasiment autant que Shakespeare in Love qui émergeait le même mercredi sur 230 écrans (soit 10 de plus). Pour Opening Distribution, jeune distributeur né en 1998, quelques mois plus tôt, cela sera son plus gros succès sur ses 5 ans d’existence.
Fait rare pour un film d’épouvante, en deuxième semaine, La fiancée de Chucky se maintient dans le top 10, avec une perte douce de 21% de sa fréquentation (145 229). La série B tordue profitait de 22 écrans supplémentaires. Toutefois, c’est en troisième semaine que la chute s’amorcera (-50%, 72 840) en raison de la sortie tonitruante d’un cousin de Scream et Souviens-toi l’été dernier, le slasher Urban Legend qui ouvrait à 240 151 tickets en 2e position.
Où pouvait-on voir Chucky en première semaine sur Paris?
Les exploitants n’avaient guère confiance en lui. L’UGC Ciné Cité les Halles, fier de son statut de leader, rejette notre poupée de sang et c’est l’UGC Orient Express qui l’accueille. Le film fait salle pleine sur des sites comme l’UGC Opéra Premier, le Pathé Wepler ou le Gaumont Gobelins. Sur les Champs, il faut compter sur le George V, mais aussi sur le nouveau né l’UGC Ciné Cité Bercy, le Gaumont Aquaboulevard et deux écrans à Montparnasse (le Gaumont Parnasse et les Parnassiens).
Huit sites de plus lui sont affectés en banlieue, avec le même succès (notamment au Pathé Belle Epine, qui frôle les 4 000 spectateurs). Avec une moyenne de 2 048 spectateurs par écran, La fiancée de Chucky sera un OVNI dans le panorama parisien qui l’avait snobé.
Dans un contexte de révolution du numérique, Chucky sera un succès foudroyant sur le marché du DVD qui explosait, au détriment de la VHS à bout de souffle. L’éditeur Gaumont Columbia Tri Star en fera l’un de ses succès gagnants dans un genre, l’épouvante, encore peu représenté sur le support en France.
Le DVD de La fiancée de Chucky en fera un titre générationnel.
Box-office de Frédéric Mignard