La 3ème partie de la nuit : la critique du film (1973)

Drame, Guerre, Biopic, Historique | 1h47min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
La 3ème partie de la nuit, affiche

  • Réalisateur : Andrzej Zulawski
  • Acteurs : Jan Nowicki, Małgorzata Braunek, Leszek Teleszyński, Jerzy Stuhr
  • Date de sortie: 26 Avr 1973
  • Nationalité : Polonais
  • Titre original : Trzecia czesc nocy
  • Titres alternatifs : La troisième partie de la nuit (graphie française, édition blu-ray) / The Third Part of the Night (titre international) / Ein Drittel der Nacht (Allemagne) / A Terceira Parte da Noite (Portugal) / La terza parte della notte (Italie) / Yön kolmannes (Finlande) / A Terça Parte da Noite (Brésil) / La tercera parte de la noche (Argentine)
  • Année de production : 1971
  • Autres acteurs : Anna Milewska, Michał Grudziński, Marek Walczewski
  • Scénaristes : Mirosław Żuławski, Andrzej Żuławski
  • Monteuse : Halina Prugar-Ketling
  • Directeur de la photographie : Witold Sobociński
  • Compositeur : Andrzej Korzyński
  • Cheffe maquilleuse : Halina Ber
  • Chef décorateur : Stanisław Ledóchowski
  • Directrice artistique : Teresa Barska
  • Productrice : Barbara Pec-Ślesicka
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : Zespół filmowy Wektor
  • Distributeur : Procidis
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeurs vidéo : Malavida Films (DVD, 2007) / Le Chat qui Fume (coffret blu-ray, 2023)
  • Dates de sortie vidéo : 19 novembre 2007 (DVD) / 31 mars 2023 (coffret blu-ray)
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : entrées / entrées
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Classification : -
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Venise 1971 / L'Etrange Festival 1993 / L'Etrange Festival 2016 : projection de la version restaurée
  • Nominations : -
  • Récompenses : -
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Le Chat qui Fume. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Premier film d’Andrzej Żuławski, La 3ème partie de la nuit est une œuvre iconoclaste et fiévreuse qui marque durablement par la puissance de ses images et l’étrangeté de son ambiance apocalyptique. Indispensable.

Synopsis : Cracovie, 1940. Michal, dont la femme et la fille ont été tuées par les Allemands sous ses yeux, s’engage dans la résistance. Poursuivi, il se réfugie chez Martha, qui ressemble étrangement à sa femme, et dont le mari vient d’être arrêté… Il l’aide à accoucher, puis prend soin d’elle et de son enfant. Pour gagner de l’argent, il doit vendre son sang pour nourrir les poux dans un laboratoire de vaccin. Mais son passé semble de plus en plus s’immiscer dans le présent, comme s’il était un miroir entre deux mondes…

Le premier film d’un enfant terrible du cinéma polonais

Critique : Au début des années 70, le jeune réalisateur Andrzej Żuławski n’a tourné que deux courts-métrages pour la télévision polonaise et un téléfilm, mais peut s’enorgueillir d’avoir été l’assistant d’Andrzej Wajda, cinéaste le plus respecté du pays. Ce dernier continue à soutenir son poulain auprès des autorités et entend même produire son premier long à travers la compagnie d’Etat Zespól Filmowy Wektor qu’il dirige. Ainsi, La 3ème partie de la nuit est un projet qui se monte assez facilement, contrairement à bon nombre d’œuvres postérieures du cinéaste.

Dans Une histoire orale d’Andrzej Żuławski de Matthieu Rostac et François Cau (Nitrate, 2023, p 16), Mathieu Żuławski déclare notamment que :

Il n’a pas trop eu de souci sur ce premier film puisqu’à l’époque, Andrzej était quasiment inconnu. On ne savait pas ce qu’il allait faire. Il écrit son scénario avec son père, qui est fonctionnaire au ministère des Affaires Etrangères, qui fait donc partie de la machine, ça ne peut que bien se passer. En plus, cela parle de la Guerre. Ca a trait uniquement à la Guerre, à l’ennemi, aux Nazis. Que peut-on contester ? La manière de filmer, de montrer les choses, le côté un peu hystérique des scènes, bon, peut-être. Mais à part ça ?

Une étonnante histoire vraie sublimée par le cinéaste

Et de fait, La 3ème partie de la nuit s’appuie sur l’histoire vraie du père du cinéaste qui a effectivement fait partie de la résistance polonaise et qui a participé aux expériences sur le typhus de l’Institut Weigl fondée dans la ville de Lwów. Pour mémoire, il s’agissait d’utiliser des cobayes humains qui nourrissaient avec leur sang des poux qui étaient ensuite contaminées par le typhus, le tout afin de développer un vaccin contre cette maladie. On notera par ailleurs que le film est le seul à notre connaissance à traiter de cette expérience folle qui a permis à bon nombre de cobayes polonais d’éviter la déportation car ils servaient les intérêts scientifiques des nazis.

La 3eme Partie de la nuit d'Andrzej Zulwaski

© Jeck Films. – Conception graphique : Malavida. All Rights. Reserved.

Pourtant, dès son premier film, Andrzej Żuławski est loin de se conformer aux attentes d’un tel sujet qui pouvait donner lieu à un biopic historique académique. Dès les premiers instants, l’écueil du classicisme est évacué par un cinéaste désireux de choquer le spectateur et de lui offrir une expérience viscérale. En réalité, La 3ème partie de la nuit tient davantage du cauchemar éveillé que du pur film historique. Dès la première séquence, le réalisateur nous plonge dans l’horreur de la guerre en décrivant l’assassinat de la femme et du fils du héros.

La 3ème partie de la nuit ou l’errance fantomatique d’un homme entre la vie et la mort

A partir de là, le jeune Michal interprété par un Leszek Teleszyński blafard, va errer dans une Cracovie envahie par les nazis. Durant son périple fantasmatique, il va à la fois faire partie de la résistance, survivre en donnant son sang pour les poux de l’institut Weigl et rencontrer le double parfait de sa défunte épouse (magnifique Małgorzata Braunek qui en profite alors pour épouser le réalisateur). Au milieu de ce chaos narratif, le héros dialogue également avec son fils mort et se pose bon nombre de questions existentielles qui font du long-métrage une expérience inédite et profondément déstabilisante.

Si la narration paraît aussi chahutée et peu cohérente, cela vient du fait que le cinéaste a souhaité raconter la destinée hors normes de son père, tout en prenant sa place et en injectant des éléments autobiographiques au cœur de l’histoire paternelle. Ainsi, on reconnaît déjà les thèmes qui obséderont le cinéaste durant toute sa carrière, comme la naissance, la mort, la religion et enfin les doubles.

Un cauchemar qui touche au sublime sur le plan formel

Outre son aspect narratif non conventionnel, ce qui marque immédiatement le spectateur vient de l’extrême fluidité de la réalisation et de son côté viscéral. Avec sa caméra portée à l’épaule, pourtant d’une incroyable fluidité, La 3ème partie de la nuit initie le style inimitable du cinéaste avec ce souci de faire corps avec ses acteurs et de leur demander une totale immersion dans son univers fiévreux. A l’aide d’une bande originale d’une incroyable étrangeté signée Andrzej Korzynski, ce premier long-métrage cauchemardesque propose de plonger dans une ambiance apocalyptique zébrée d’éclairs de violence. Il anticipe ainsi l’atmosphère dégagée par le futur Possession (1980) avec qui il entretient plus d’un rapport.

Avec son twist final qui permet de mieux comprendre les délires précédents, La 3ème partie de la nuit s’inscrit dans un cinéma polonais de l’étrange au même titre que La clepsydre (Wojciech Has, 1973) dont certains thèmes se rejoignent, notamment vis-à-vis de la mort, et cette belle idée issue de l’Apocalypse selon laquelle les Hommes cherchent la mort sans parvenir à la trouver.

Un film hallucinant à redécouvrir désormais en blu-ray

Premier film majeur d’un auteur essentiel, La 3ème partie de la nuit est donc une œuvre étonnante qui a séduit un certain public cinéphile en Pologne. En France, le long-métrage a d’abord été diffusé à Paris en avril 1972 dans le cadre de la Semaine Ecran 72. Par la suite, il est sorti durant la semaine du 25 avril 1973 par les bons soins du distributeur Procidis, mais dans un seul cinéma, au Quintette Positif, où il glane 894 spectateurs en première semaine, 871 et 875 en 2e et 3e semaines, signe d’un vrai bouche-à-oreille. Il est retiré de l’affiche à l’issue de son 4e tour en salle, avec 3 292 entrées.

On imagine que le métrage a dû alors circuler en France, avant d’obtenir encore plus de popularité avec le succès de L’important c’est d’aimer (1975) que Zulawski tournera peu après en France.

Programmé à plusieurs reprises à l’Etrange Festival (dès sa première édition en 1993, puis en version restaurée en 2016), La 3ème partie de la nuit a été édité en DVD par l’éditeur Malavida, mais la plus belle version est désormais disponible dans un superbe coffret blu-ray sur les années polonaises de Żuławski.

Désormé magnifiquement restauré, le métrage est couplé avec Le diable (1972) et Sur le globe d’argent (1977-1988). Un must have pour tous les cinéphiles qui se respectent.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 26 avril 1973

Acheter le coffret blu-ray avec le film

Biographies +

Andrzej Zulawski, Jan Nowicki, Małgorzata Braunek, Leszek Teleszyński

Mots clés

Cinéma polonais, La Seconde Guerre mondiale au cinéma, Les expériences scientifiques au cinéma, Les doubles au cinéma

La troisième partie de la nuit, coffret Zulawski, jaquette

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