Jesus Christ Superstar : la critique du film (1973)

Drame, Musical | 1h46min
Note de la rédaction :
7/10
7
Jesus Christ Superstar, l'affiche

  • Réalisateur : Norman Jewison
  • Acteurs : Ted Neeley, Carl Anderson, Yvonne Elliman, Barry Dennen
  • Date de sortie: 22 Nov 1973
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Jesus Christ Superstar
  • Titres alternatifs : Jesucristo superstar (Espagne) / Jesus Cristo Superstar (Portugal) / Jézus Krisztus szupersztár (Hongrie)
  • Année de production : 1973
  • Scénariste(s) : Melvyn Bragg & Norman Jewison d'après le livret de Tim Rice
  • Directeur de la photographie : Douglas Slocombe
  • Compositeur : Andrew Lloyd Webber
  • Société(s) de production : Universal Pictures
  • Distributeur : CIC
  • Éditeur(s) vidéo : CIC (VHS) / Universal Pictures France (DVD, 2004, 2008) / MEP Vidéo (DVD, 2012) / Elephant Films (DVD et blu-ray, 2017)
  • Dates de sortie vidéo : 1er décembre 2004 (DVD) / 8 juillet 2008 (DVD) / 8 août 2012 (DVD) / 7 novembre 2017 (DVD et blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 77 790 entrées / 35 934 entrées
  • Box-office nord-américain : 24,4 M$ (soit 162,7 M$ au cours du dollar de 2022)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35: 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : David di Donatello du meilleur film étranger en 1974 / 6 nominations aux Golden Globes 1974 / 1 nomination aux Oscars 1974
  • Illustrateur / Création graphique : Création Atelier 606
  • Crédits : Universal Pictures
Note des spectateurs :

Film culte dans les pays anglosaxons, Jesus Christ Superstar est une œuvre musicale très kitsch mais non dénuée de charme et de fulgurances. Le métrage anticipe de plusieurs années la naissance des clips vidéo et séduit par son esthétique travaillée.

Synopsis : Une troupe de jeunes hippies se retrouve dans le désert et recrée en chansons et en danses les sept derniers jours de la vie du Christ.

La version filmée d’un spectacle musical de Broadway

Critique : La genèse de Jesus Christ Superstar débute lorsque les deux auteurs Tim Rice (parolier) et Andrew Lloyd Webber (compositeur) tentent de convaincre les producteurs de spectacles musicaux de la validité d’une œuvre portant sur les derniers jours de la vie du Christ. Ils cherchent ainsi à surfer sur la popularité du Messie auprès de la jeunesse hippie. A cette époque, Philippe Labro faisait même chanter à Johnny Hallyday “Jésus Christ est un hippie” dans la chanson éponyme en 1970.

Pourtant, aucun financier ne veut s’y risquer et les deux compères commencent donc par produire un double album concept dont les premiers singles ont rencontré le succès en 1970. Dès lors, le duo parvient à concrétiser leur désir de spectacle à Broadway en 1971. Le triomphe est instantané et leur pari est donc amplement gagné. La carrière des auteurs des futurs Evita (1976), Cats (1981) et Le fantôme de l’opéra (1986) est lancée.

Face au triomphe rencontré par le spectacle, l’acteur Barry Dennen qui jouait le rôle de Ponce Pilate sur scène propose à son metteur en scène d’Un violon sur le toit (1971), le grand Norman Jewison, de créer une version filmique du spectacle. Alors que le cinéaste venait de connaître un bel écho avec sa comédie musicale juive, il est plutôt partant pour réaliser le défi qui s’offre à lui : transposer une œuvre intégralement chantée en film. Pour cela, il approche Tim Rice qui livre un scénario trop ambitieux pour être tourné. Finalement, l’écriture se fera à quatre mains avec Melvyn Bragg.

La première grande œuvre du célèbre duo Webber – Rice

La contribution principale du film est de proposer une mise en abîme habile, puisque la reconstitution des derniers jours du Christ est ici effectuée par une troupe de comédiens et chanteurs hippies. Cela permet au réalisateur de limiter les coûts de production, mais aussi de justifier les nombreux passages anachroniques et la division de l’histoire en vingt-huit tableaux découpés de manière parfois abrupte. Cet aspect vient également justifier l’emploi d’une musique très kitsch qui mélange allègrement les éléments orchestraux typique d’une comédie musicale, avec des passages bien plus rock. C’est bien évidemment la marque de fabrique du duo Webber – Rice. Que l’on apprécie ou non leurs partitions, elles ont au moins le mérite de proposer des airs facilement identifiables dès la première écoute, ce qui facilite grandement l’implication du spectateur dans la pièce ou le film.

Tourné en Israël et donc dans les paysages où cette histoire se serait déroulée, Jesus Christ Superstar bénéficie en outre de l’apport non négligeable du directeur de la photographie Douglas Slocombe qui magnifie chaque espace à l’aide d’une lumière éblouissante. Ayant des ruines pour unique décor, le métrage a d’ailleurs été réalisé en plein été sous une chaleur accablante, ce qui fut un vrai défi pour les danseurs impliqués.

Affiche américaine de Jesus Christ Superstar

© 1973 Universal Pictures / © 2017 Elephant Films. Tous droits réservés.

Jesus Christ Superstar, entre fulgurances visuelles et dérapages kitsch

Si le film souffre sans aucun doute d’un léger manque de tension dramatique à cause de l’enchaînement ininterrompu de chansons qui ralentissent le rythme, il propose à intervalles réguliers des moments de fulgurance. On songe notamment à l’épisode grandiose avec les lépreux, mais aussi celui plus intimiste du jardin de Gethsémané – sans aucun doute la scène la plus émouvante du long-métrage – ou encore la séquence finale de la crucifixion qui donne lieu à des plans superbes, largement inspirés par une riche iconographie religieuse étalée sur plusieurs siècles.

Parfois, le film s’autorise des dérapages très kitsch, comme celui de l’épisode d’Hérode, et s’enfonce donc dans une imagerie hippie bien trop datée pour ne pas être risible de nos jours. Toutefois, il est important de noter le courage de Tim Rice et des auteurs du film qui ne prennent aucunement position sur la divinité du Christ. Ils s’intéressent effectivement ici à l’histoire humaine du Messie, vue par les yeux de Judas. Les auteurs referont la même chose dans leur drame musical sur Evita où sa conscience ne cesse de contredire les affirmations de la femme du dictateur. Dans Jesus Christ Superstar, Judas met le doigt sur les contradictions de l’homme Jésus, ce qui a d’ailleurs déplu à un certain nombre de fondamentalistes religieux à la sortie du film.

Un opéra-rock qui anticipe l’ère du vidéo-clip

Pourtant, la dimension humaine du Christ lui donne une plus grande complexité et lui ôte cet aspect monolithique qui est souvent le sien dans les représentations classiques. Ici, Ted Neeley est à mi-chemin entre le classicisme de son apparence – qui respecte les Ecritures – et le doute qui s’immisce en lui vis-à-vis de sa mission sur Terre. En réalité, les deux personnages les plus intéressants sont indéniablement Judas et Marie-Madeleine. Il faut dire que les deux interprètes, Carl Anderson et Yvonne Elliman ont davantage de présence à l’écran que Ted Neeley. Le premier surtout a obtenu le rôle d’une vie en faisant de Judas un être torturé, à la fois admiratif de Jésus et déçu par ses prétentions à se dire Dieu.

L’œuvre rappelle également que ce sont bien les prêtres juifs qui livrèrent Jésus aux Romains et l’intrigue biblique est donc largement respectée dans ce spectacle qui bénéficie d’une réalisation efficace, anticipant de plusieurs années les effets que l’on verra plus tard dans les clips vidéo. En cela, le métrage psychédélique de Jewison reste un jalon important dans l’histoire de l’opéra-rock au cinéma.

Un triomphe dans les pays anglosaxons, mais un bide en France

A sa sortie aux Etats-Unis en août 1973, le film a reçu un accueil critique glacial, mais le grand public a largement répondu présent, faisant même du long-métrage le 11ème plus gros succès de l’année avec pas moins de 24,4 M$ de recette, l’équivalent de 162,7 M$ au cours du dollar de 2022. Ces bons chiffres se retrouvent un peu partout dans le monde, mais pas en France où le genre de la comédie musicale n’est pas ancré.

Ainsi, le long-métrage ne déplace pas les foules et entame sa carrière parisienne avec 9 823 chrétiens à son bord. Le film a fini sa carrière à 35 934 tickets vendus à Paris, tandis que la province ne lui a accordé que quelques miettes supplémentaires pour arriver à 77 790 entrées au total. Il faut dire que le film cumulait deux handicaps majeurs pour le public local, à savoir son caractère musical et son sujet religieux. Par la suite, le film est sorti en VHS, puis régulièrement en DVD. La vraie belle édition ne date que de 2017 par Elephant Films, comprenant des bonus et surtout une copie HD de toute beauté qui permet d’évaluer le travail esthétique fourni par l’équipe d’une œuvre à redécouvrir, tout en ayant en tête le contexte de sa création.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 22 novembre 1973

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Jesus Christ Superstar, l'affiche

© 1973 Universal Pictures / Affiche : Création Atelier 606. Tous droits réservés.

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