Cyprien, intrusion dans l’univers des geeks est drôlement réussie, malgré son refus de casser les conventions morales de la comédie. Elie Semoun a la pêche et se démène doublement, en looser et en tombeur, pour nous mettre la banane.
Synopsis : Cyprien, 35 ans, introverti et maladivement timide, vit en marge de la société, bien loin de ses codes. Il passe sa vie entre Dress Code, un magazine de mode où il est responsable informatique, et le cybercafé qu’il fréquente avec ses amis. Cyprien et ses amis font partie de cette génération de geeks, ces adulescents pour qui Star Wars est une religion, qui passent leur nuit sur internet, collectionnent les dvd… qui vivent leur vie par procuration. Après une nouvelle humiliation orchestrée par Stanislas, le fils de la patronne de Dress Code, qui lui fait perdre son emploi et toute chance d’approcher Karen Mc Queen, la top blonde à forte poitrine qu’il convoite, une miraculeuse transformation s’opère en lui. Cyprien, grâce à un déodorant magique, a le pouvoir de devenir beau gosse à sa convenance. Désormais il s’appellera Luke Azerty et il est bien décidé à prendre la place qui lui revient chez Dress Code et dans le monde…
Cyprien, la revanche du nerd
Critique : Enlevée et pleine de panache, Cyprien se situe au carrefour de trois types de comédie. Tout d’abord, le cinéaste, David Charhon, plonge ses personnages dans le cadre de la comédie urbaine, avec un environnement socioprofessionnel dynamique et tendance (un brin de com. et beaucoup de mode, on connaît la chanson, le cinéma français ne nous montre plus que cela en ce moment !). Il y place Elie Semoun (Cyprien, c’est lui !), un pion incongru que l’on croirait issu de la comédie franchouillarde beauf façon Disco. Comme dans ce dernier, les projecteurs sont orientés sur un antihéros craignos, un marginal du mauvais goût aux vêtements outranciers, qui vit dans une bulle de nostalgie des années 80 dans laquelle il se repaît de musiques régressives (ici c’est When the rain begins to fall de Jermaine Jackson qui passe en boucle !).
Version réussie de La personne aux deux personnes
En cours de film, le réalisateur transforme son nerd binoclard en bogosse irrésistible grâce aux procédés de la comédie fantastique (un déodorant, sorti de nulle part, permet à Semoun de passer de la face de thon au tombeur). Ce recours au surnaturel, 100% gratuit, qui restera inexpliqué, permet au comédien principal, jadis cabotin, et aujourd’hui, contre-toute attente, crédible en sex-symbol, d’irradier l’écran de ses clowneries d’homme à femmes. Le petit Elie, peu habitué aux premiers rôles et à la bonne comédie (Charité biz’ness, Les parasites, Le clone, excusez du peu !), joue à fond la carte de la dérision et s’offre quelque chose qui ressemble, de près ou de loin, au bon rôle cinématographique qu’il attendait tant. Avec toute son agitation, l’amusement est certain, d’autant que les seconds rôles sont au diapason (Catherine Deneuve et Laurent Stocker, tous deux coriaces en mère et fils s’en donnent à cœur joie à diriger d’une main de tyran le magazine de mode).
Une comédie qui ne plaira pas à grand monde
Version réussie de La personne aux deux personnes (on retrouve, commun aux deux films, un postulat fantastique assez proche) Cyprien délire beaucoup, sans jamais se débrider intégralement. Souvent, l’on ressent les tentations de l’humour acerbe, mais des limites au loufoque ont été posées, celles moins avenantes et surtout beaucoup moins drôles, d’un final convenu qui bascule dans la leçon de morale à deux balles (sur la beauté intérieure) et la romance forcée (il faut sauver le puceau Cyprien). Le film se conclut alors, non plus comme le grand moment humoristique escompté, mais comme une honnête comédie française au potentiel culte certain.
Attention, cette critique est forcément subjective. A sa sortie, les critiques assassines, les avis haineux des internautes et le Gérard du pire film de l’année 2009, décerné parallèlement aux César, appellent à manipuler l’objet cinématographique avec grande précaution.