Rare cas de film gore français, Baby Blood est plutôt une réussite grâce à une réalisation efficace et des effets spéciaux convaincants. Les quelques dérives humoristiques potaches ternissent un peu l’ensemble, sans entamer son capital sympathie.
Synopsis : Yanka s’ennuie ferme jusqu’à ce qu’un événement étrange vienne bouleverser la monotonie de son existence : un être bizarre prend forme dans son ventre, une drôle de bestiole qui parle, qui a faim et soif… de sang frais !
Un projet iconoclaste au sein de l’industrie cinématographique française
Critique : Alors qu’il vient de réaliser un polar étrange intitulé Irena et les ombres (1987) avec Farid Chopel dans le rôle principal, le cinéaste Alain Robak collabore avec l’iconoclaste Jean-François Gallotte sur le court-métrage Corridor (1989). A la fois brillamment réalisé et iconoclaste, le court a ensuite été intégré au film à sketches Adrénaline (1990) dont il constitue le morceau de bravoure.
Intéressé par ce talent émergent, le producteurréalisateur Ariel Zeitoun lui demande de lui faire lire un autre scénario qui va s’avérer être Baby Blood. D’ailleurs, Alain Robak déclare dans le magazine Première n° 155 de février 1990 qu’il n’aurait :
même pas osé lui faire lire, tant il était éloigné des préoccupations habituelles du cinéma français contemporain.
Pourtant, Ariel Zeitoun est intéressé par le projet et Alain Robak reçoit également l’appui de Jean-François Gallotte qui participe activement au financement de l’entreprise, tout en jouant un rôle dans le futur long-métrage.
Un film de potes qui respire la passion du genre
Toutefois, pour pouvoir monter ce qui sera considéré comme le premier grand film gore français – n’oublions pas les quelques tentatives de pionniers comme Jean Rollin – il fallait trouver une actrice capable de jouer des séquences outrancières et s’appuyer sur de bons techniciens d’effets spéciaux. Pour la comédienne, Alain Robak s’entiche d’Emmanuelle Escourrou qui a déjà été vue dans quelques petits rôles (Mangeclous ou encore Un été d’orages) et décide de s’engager à fond dans l’entreprise, nécessitant de nombreuses scènes de nu intégral. Enfin, pour les effets spéciaux, Robak peut compter sur le talent d’une jeune génération d’artisans talentueux dont Jean-Marc Toussaint et un certain Benoît Lestang.
Doté d’un budget restreint et accompagné de nombreux potes qui viennent jouer des petits rôles, comme Jean-Yves Lafesse, Alain Chabat, Yann Piquer ou encore Jacques Audiard, Baby Blood déploie une histoire très linéaire qui n’est assurément pas le point fort du long-métrage. Une jeune femme mise enceinte par une créature extraterrestre doit nourrir le fœtus à l’aide de sang humain. Ainsi, elle doit parcourir les routes de France en quête de sang frais. S’ensuit une cavale meurtrière qui va peu à peu prendre un tour gore alors que le terme approche.
Baby Blood anticipe les délires visuels de Caro-Jeunet
Pur prétexte à tourner un film de genre, le scénario un peu léger est en grande partie compensé par la réalisation très dynamique d’Alain Robak qui s’amuse à multiplier les angles biscornus, les plongées et contre-plongées abyssales dans un style qui n’est pas sans rappeler celui des futurs Caro-Jeunet. On peut également rapprocher le long-métrage du Baxter (Boivin, 1989) qui venait tout juste de se tourner – et d’ailleurs un chien de même race fait une apparition clin d’œil dans Baby Blood. N’oublions pas que Baxter avait été scénarisé par Jacques Audiard et l’on comprend qu’on est ici en famille.
Très généreux en matière d’hémoglobine, Baby Blood n’échappe toutefois pas toujours aux reproches habituellement attachés aux films français de genre, à savoir la présence de personnages parfois grotesques – on pense à Jean-François Gallotte justement. Ainsi, le film tourne parfois à la pochade entre potes et peut s’amuse avec le genre sans toujours le prendre au sérieux. Certes, le script est absurde, mais certains passages franchement comiques viennent rompre l’ambiance horrifique et donnent à l’ensemble un côté BD pas désagréable du tout, mais en contradiction avec le genre purement horrifique. Même la mort d’Alain Chabat est à la limite de la parodie, tandis que celle de Jacques Audiard est tout simplement gaguesque.
Baby Blood est un pur film de genre, totalement assumé comme tel
Toutefois, on ne sera pas trop dur avec ce long-métrage qui a eu le grand mérite de bousculer un cinéma français ayant toujours regardé de haut les artistes voulant s’épanouir dans le genre horrifique. Effectivement, contrairement à bon nombre de ses confrères, Alain Robak n’a pas essayé d’enrober le tout dans un emballage intellectualisant. Il assume ici pleinement l’idée de créer un film de genre dont le but est de multiplier les meurtres les plus horribles. Il le fait avec un certain talent, soutenu par l’interprétation très impliquée d’Emmanuelle Escourrou.
Alors que le long-métrage semblait parfait pour le festival d’Avoriaz, Baby Blood n’a pu être diffusé que dans la section hors compétition à cause de ses excès gore. La direction du festival entendait se normaliser à cette époque et Baby Blood ne correspondait plus aux canons recherchés. C’est du moins le point de vue défendu alors par Alain Robak.
Sorti en salles fin janvier 1990, le long-métrage n’a eu qu’une carrière éclair avec 23 226 entrées sur toute la France et 10 381 entrées dans la capitale et sa périphérie. Depuis cette époque, l’actrice Emmanuelle Escourrou a écrit et interprété une suite intitulée Lady Blood (2008), réalisée par Jean-Marc Vincent. Cette fois, le long-métrage n’a pas laissé la même empreinte dans la mémoire des cinéphiles.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 24 janvier 1990
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