Beau défi technique, Avatar : la voie de l’eau brasse du vide pendant plus de trois longues heures par la faute d’un script aux abonnés absents et de personnages décidément bien peu charismatiques.
Synopsis : Se déroulant plus d’une décennie après les événements relatés dans le premier film, « Avatar : La Voie de l’eau » raconte l’histoire des membres de la famille Sully (Jake, Neytiri et leurs enfants), les épreuves auxquelles ils sont confrontés, les chemins qu’ils doivent emprunter pour se protéger les uns les autres, les batailles qu’ils doivent mener pour rester en vie et les tragédies qu’ils endurent.
Avatar : la voie de l’eau, une suite qui s’imposait ?
Critique : Lorsque James Cameron a proposé la révolution numérique de la 3D en 2009 avec Avatar, il est parvenu à révolutionner la technique cinématographique, imposant à l’industrie le format 3D aux blockbusters, notamment pour enfants. Les studios ont dû gonfler certains films traditionnels, dits en 2D, dans le format de la 3D relief ; les exploitants, pour leur part, ont dû lourdement investir dans un système de projection à lunettes onéreux pour satisfaire le désir de nouveauté du public. Il faut dire que ce premier volet qui posait les bases d’un nouvel univers fantastique a connu un succès monstrueux, se hissant notamment à la septième place des films les plus vus en France, avec un total de 15 340 969 spectateurs ébahis par la prouesse technique. Aux USA, Avatar, qui marquait le retour immense de Cameron plus de dix ans après le phénomène Titanic, réalisait 785 millions de dollars pour un total mondial ahurissant de près de 3 milliards de recettes.
Le public était largement emballé par le procédé de la 3D, même si, ici et là, quelques réserves étaient émises au sujet du manque d’originalité du script binaire qui n’apportait rien de vraiment neuf dans le domaine de la science-fiction. Dès lors, la perspective de se confronter à nouveau à ce premier épisode n’apparaissait plus comme une évidence et celle d’une suite ne s’imposait aucunement. D’ailleurs, après bien des errements, Avatar : la voie de l’eau que nous nommerons simplement Avatar 2 par commodité, est sorti en salle 13 ans après le segment inaugural. Une éternité dans un monde où le public et les générations oublient vite les coups de cœur de la veille pour s’adonner aux nouvelles tendances, en l’occurrence le cinéma super héroïque, principalement de Marvel (donc de Disney désormais), le revival de Star Wars (donc encore une fois Disney) et la place grandissante du streaming sur un petit écran et de la série télé. Disney a d’ailleurs lancé sa plateforme pour répondre aux nouvelles habitudes du public.
© 2022 The Walt Disnet Company (France). Tous droits réservés / All rights reserved
350 millions de dollars, coût de la mégalomanie ?
James Cameron, lui, croit en la pérennité de son œuvre et déclare à tout va qu’Avatar doit se décliner sur au moins trois volets. Les prochains numéros sont en cours d’écriture dès 2011, pour plusieurs années de fignolage, et une pré-production enfin effective au printemps 2014, pour un tournage consécutif des épisodes 2 et 3, à la fin de l’année 2017 jusqu’en 2020, pour profiter des technologies numériques de pointe. Evidemment, la crise de la COVID marquera un arrêt du tournage et repoussera encore la marotte de James Cameron que le public a appris à oublier.
Il a donc fallu plus d’une dizaine d’années pour que cette suite aboutisse au résultat vu sur les écrans du monde entier au mois de décembre 2022. On notera d’ailleurs que le tournage en capture de mouvement s’est étalé entre 2017 et 2019 et que le reste du temps a été utilisé pour relever de nombreux défis techniques liés à l’utilisation massive de l’ordinateur pour recréer intégralement le monde de Pandora et donner corps à la vision de son auteur mégalo.
Passionné de technique depuis toujours, James Cameron livre avec Avatar 2 la quintessence d’un cinéma dévitalisé et déshumanisé dont il a le secret. Contrairement au premier volet, la notion même d’avatar a totalement disparu du script et le cinéaste se concentre ici uniquement sur le monde de Pandora et sur le destin de ses hommes bleus aux regards de poissons morts dont on se contrefichait dans le premier. Alors que les interactions entre humains conservaient un certain intérêt, les passages sur Pandora pâtissaient d’une esthétique discutable, notamment dans le design de ses créatures. Malheureusement, ce nouvel opus embrasse cette laideur jusqu’au malaise. Esthétiquement, le spectateur doit donc subir trois heures d’esthétique contestable qui passe ou, dans notre cas, qui fâche. Techniquement c’est bien entendu irréprochable, mais pouvait-il en être autrement avec un budget surréaliste, officiellement établi à 350 millions de dollars ? Pour ce prix démentiel que cherchait vraiment à nous dire James Cameron ?
Avatar 2 : la voie du vide
De la taille d’un timbre-poste, le scénario d’Avatar : la voie de l’eau se résume au néant. Le protagoniste central du premier film est poursuivi par le méchant originel qui cherche à se venger. Ni plus ni moins. Jake Sully doit donc protéger sa famille, tout d’abord en fuyant, puis en devant assumer ses responsabilités en affrontant son pire ennemi. Le script compile donc tous les clichés habituels du divertissement familial, qu’il soit issu du genre western ou du film de guerre. Le script n’a aucune épaisseur, notamment psychologique, si ce n’est celle issue de l’accumulation de dialogues pontifiants qui nous rappellent que nous devons respecter la nature, être en harmonie avec elle, que la famille est importante et que les liens père-fils sont fondamentaux. Du blabla new-age dans l’air du temps que l’on qualifiera de portes ouvertes que James Cameron – génie de la technicité – enfonce une à une, en piètre père narrateur qu’il est, avec une propension à se prendre au sérieux qui consterne.
On peut également se poser la question de l’utilité d’employer des acteurs aussi célèbres pour qu’ils disparaissent totalement de l’écran, remplacés par leurs avatars bleutés, au point que leur jeu s’en trouve annihilé. A t’on vraiment vu un film avec Kate Winslet ou Sigourney Weaver? Le doute s’installe pendant et après la projection. Quant au retour au premier plan de l’acteur Sam Worthington qui avait tourné Le choc des Titans et Terminator Salvation à l’issue d’Avatar 1, il demeure tristement virtuel. La jeune génération aura bien du mal à savoir qui il est physiquement.
Outre la vacuité du script et l’inexistence psychologique de ses personnages et par extension des acteurs, le pire dans cette bravade, vient de la durée inutilement étendue de ce qui peut devenir un calvaire cinématographique pendant plus de trois longues heures. Il faut ainsi supporter une longue introduction où aucuns des personnages ne parviennent à être caractérisés autrement que par des archétypes (les ados sont forcément rebelles et désobéissants, sic). Les regards vides des différents hommes bleus n’aident pas le spectateur à s’impliquer dans une intrigue que l’on sent déjà mal nouée. Par la suite, le cinéaste prend encore une heure pour nous présenter le monde marin central, exploré par la famille exilée venue de la forêt. Dire que l’on s’ennuie ferme est un euphémisme.
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De la poudre aux yeux et du vent dans les oreilles
Malheureusement le pire intervient dans la troisième heure constituée par une interminable bataille où les enjeux narratifs sont complètement noyés sous le déluge de pyrotechnie. Cameron s’inspire de son propre Titanic (1997) dans les séquences finales, sans en retrouver l’émotion. L’action prime sur la narration et veut justifier de ce fait le déplacement dans une salle de cinéma et le surcoût d’une place au tarif forcément très élevé. Le procédé peut alors être pointé plus que jamais comme relevant de grosses ficelles et de l’artifice. Le signifiant est nié à la racine pour le ludique simpliste de l’exhibition pyrotechnique.
Cameron, auteur absent aussi longtemps, avait le temps de la rigueur, mais il ne se montre rigoureux que dans le déploiement d’effets spéciaux qui explosent à l’écran comme de la poudre aux yeux et du vent pour les oreilles. L’interminable métrage pouvait donc largement être réduit de moitié pour le peu qu’il avait à dire. A force de diluer son ersatz de scénario dans la contemplation d’un univers naturel qui n’a jamais paru aussi artificiel (un comble), James Cameron livre donc une œuvre qui accentue les défauts du premier métrage pour irriter irrémédiablement. Cette histoire n’a que trop duré.
Box-office : Avatar la voie de l’eau, le seul film à voir en 2022 ?
Grâce à un marketing particulièrement efficace, Avatar : la voie de l’eau a toutefois eu un mérite, celui de ramener le grand public dans les salles de cinéma du monde entier après la crise de la Covid-19 qui avait vidé les cinémas et précipité les audiences sur les plateformes de streaming comme Netflix. Disney, qui a entre-temps récupéré les droits via le rachat de la 20th Century Fox, avait quelques réserves quant à cette entreprise dont elle héritait dans le package de titres légendaires de la Twentieth, préférant a priori se focaliser sur la machine à cash qu’était devenu Marvel et la sérialisation à l’écran des Avengers. Mais la force de frappe de Walt Disney conjuguée aux passions qu’exerce l’artisan James Cameron, a réussi à transformer cette franchise oubliée, en tout cas méconnue de la nouvelle génération de spectateurs, en divertissement à ne surtout pas rater à la fin de l’année 2022. Et la carrière d’Avatar 2 sera longue d’une vingtaine de semaines, semblant inspirer à ses fans la tentation de la redécouverte multiples lors de cette première exclusivité remarquable.
Un triomphe en France érigé en 3e marché mondial
Ainsi, le long-métrage a battu tous les records malgré un contexte qui lui était apparemment moins favorable que le premier segment. Avec 684 M$ de recettes en Amérique du Nord, le métrage se comporte excellement bien, d’autant qu’il cartonne dans le monde entier, glanant des recettes globales largement supérieures aux 2 milliards de dollars. La production épique devient très souvent celle sortie en 2022 ayant généré le plus de recettes quand ce n’est pas Top Gun: Maverick, l’autre phénomène de 2022, qui occupe cette première place annuelle aux USA, avec 718M$. James Cameron ne parvient évidemment pas à égaler le premier volet qui bénéficiait d’une fraîcheur technologique absolue. Avatar 1 imposa l’omniprésence de la 3D en salle et dans les conversations de tous. Même si appréciée par le public, la 3D fulgurante d’Avatar : la voie de l’eau n’aura pas d’incidence, du moins immédiate, sur la façon de projeter ou de savourer les blockbusters dans une salle de cinéma.
En France, le triomphe est total avec une exploitation longue de 19 semaines et un total mirobolant de 14 000 537 spectateurs en extase. Là encore, c’est moins bien que le premier film, mais cela permet toutefois au long-métrage de se hisser à la 13ème place des plus gros succès de tous les temps. Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’on évoque ici une comparaison en termes d’assiduité et de fréquentation du public et non en termes de recettes, car celles-ci enflent artificiellement de par l’inflation. Si l’on rapporte les chiffres français en dollars, le blockbuster a tout simplement engrangé 157M$, soit le troisième score mondial après les USA et la Chine (245M$).
Avatar 2 est un désastre au Japon
La Corée du Sud (108M$) et l’Allemagne (148M$) seront les deux autres marchés à pouvoir franchir la barre des 100M$ de recettes locales. Le Royaume-Uni, frappé par la crise post-Brexit/Covid et aux soubresauts de l’inflation liés à la guerre en Ukraine, ne peut lui consacrer autant d’argent. Quand Avatar 1 était galvanisé par des recettes de 153M$, le second épisode se contente de 93M$. Idem en Espagne, très impacté par cette même crise de l’inflation. Les recettes passent de 112M$ à 54M$. Au Japon, Avatar 2 aura été un échec avec seulement 32M$ contre 174M$ pour le premier numéro, soit une perte lourde de 8 millions de spectateurs entre les deux films (10 456 000 entrées pour le 1 ; 2 047 062 pour le second). Le boycott hollywoodien à l’encontre du territoire russe, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, se matérialisera aussi en une lourde perte pour Disney, puisque le fief de Poutine avait déboursé 117M$ pour Avatar, en 2009-2010.
Film miracle pour les exploitants de la planète, et notamment aux USA qui avaient été particulièrement sinistrés par l’avènement de Netflix et la fermeture des cinémas lors de la crise sanitaire de la COVID-19, Avatar la voie de l’eau sera remercié par une récompense technique aux Oscars, mais l’académie n’est pas allée jusqu’à valider les qualités artistiques d’un film qui ne méritait certainement pas un tel succès.
Critique en binôme de Virgile Dumez et Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 14 décembre 2022
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James Cameron, Zoe Saldana, Sigourney Weaver, Stephen Lang, Alicia Vela-Bailey, Cliff Curtis, Kate Winslet, Sam Worthington, CCH Pounder, Chloe Coleman, Edie Falco
Mots clés
Les voyages fantastiques au cinéma, Films en 3D, Oscars 2023, Les succès de 2022