Armageddon Time (Cannes 2022) : la critique du film (2022)

Drame | 1h55min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
Affiche d'Armageddon Time de James Gray

  • Réalisateur : James Gray
  • Acteurs : Jessica Chastain, Anne Hathaway, Anthony Hopkins, Domenick Lombardozzi, Jeremy Strong, Banks Repeta, Jaylin Webb
  • Date de sortie: 09 Nov 2022
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Américain, Brésil
  • Titre original : Armageddon Time
  • Titres alternatifs : Zeiten des Umbruchs (Allemagne), Armageddon Time - Il tempo dell'apocalisse (Italie), Le temps de l'Armageddon (Canada),
  • Scénariste : James Gray
  • Directeur de la photographie : Darius Khondji
  • Compositeur : Christopher Spelman
  • Monteur : Scott Morris
  • Producteurs : Marc Butan, James Gray, Anthony Katagas, Rodrigo Teixeira, Alan Terpins
  • Sociétés de production Focus Features, RT Features, Spacemaker Productions
  • Distributeur : Universal Pictures International France / Focus Features (USA)
  • Date de sortie vidéo :
  • Editeur vidéo :
  • Format : 2.39 : 1 / Couleur (DCP, 4K) / 5.1
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord américain / monde :
  • Classification : Tous publics
  • Cannes 2022 : Sélection officielle en compétition
  • Autres festivals et récompenses : 2022 : Deauville American Film Festival, La Roche-sur-Yon International Film Festival, Telluride Film Festival, New York Film Festival, Middleburg Film Festival), Newport Beach International Film Festival, San Diego International Film Festival, Montclair Film Festival, Philadelphia International Film Festival, Zurich Film Festival, Athens International Film and Video Festival, Hamburg Film Festival, Busan International Film Festival, Rome Film Festival, Vienna International Film Festival, Brisbane Film Festival, Gijón International Film Festival, Cork International Film Festival
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 2022 Universal Pictures International, Focus Features, LLC. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Beau film introspectif, Armageddon Time touche par la sincérité et l’intelligence de sa démarche, mais aussi par la justesse de sa dénonciation des inégalités raciales aux Etats-Unis. Et puis Anthony Hopkins est une fois de plus magistral.

Synopsis : L’histoire très personnelle du passage à l’âge adulte d’un garçon du Queens dans les années 80, de la force de la famille et de la quête générationnelle du rêve américain.

Retour à New York pour James Gray

Critique : Après avoir réalisé un rêve de gosse en tournant l’épopée spatiale Ad Astra (2019) qui comprenait toutefois une bonne dose d’éléments personnels, le cinéaste James Gray a voulu revenir à une œuvre plus intimiste en retournant filmer son quartier d’origine, le Queens à New York. Pour cela, il a opté pour la démarche la plus personnelle possible en revisitant son enfance au cœur d’une famille juive pour qui la réussite sociale était un impératif écrasant. Espérant toucher à l’universel avec une histoire purement intime, James Gray en profite également pour mêler l’intégralité des thématiques qui innervent son cinéma depuis maintenant plus de deux décennies.

Ainsi, on retrouve ici son amour pour la ville de New York déjà visible dans Little Odessa (1994) et The Yards (2000), mais aussi celui des liens familiaux et notamment de l’antagonisme père-fils. Pour ce dernier thème, il faudrait citer l’ensemble de la filmographie du réalisateur tant il l’a abordé sous bien des angles différents dans ses différents opus, y compris dans l’épopée Ad Astra d’ailleurs. Revenant sur la fin de son enfance et son entrée dans l’adolescence, James Gray nous livre ici un énième récit d’apprentissage qui, malgré son apparente banalité, touche au plus profond par sa sincérité et sa grande maturité.

Une Amérique à deux vitesses

Tout d’abord, l’auteur décrit avec humour l’ambiance d’une famille juive new-yorkaise du début des années 80. Certes, l’argent ne coule pas à flot, mais toute la famille se retrousse les manches pour permettre aux enfants d’accéder aux meilleures écoles possibles. En cela, le jeune Paul Graff (interprété avec beaucoup de naturel par l’excellent Banks Repeta) fait le désespoir de ses parents car il n’est pas du tout scolaire. Plus intéressé par le dessin, le gamin se voit déjà artiste et ne compte guère obéir aux injonctions familiales. Il se lie d’ailleurs d’amitié avec un jeune afro-américain, très bon Jaylin Webb, qui est considéré comme le cancre de l’établissement public. Les deux gamins font l’école buissonnière ensemble et vont même jusqu’à fumer des joints, au grand désespoir des parents du jeune juif.

Dès lors, la famille va tout faire pour séparer les deux amis et pousser Paul à intégrer une des meilleures écoles de la ville, tenue par la famille Trump. Au passage, James Gray en profite pour peindre le portrait d’une Amérique à deux vitesses : d’une part celle des pauvres qui reçoivent un enseignement de deuxième catégorie où les Noirs sont systématiquement accusés de tous les maux, tandis que les plus fortunés intègrent des écoles d’élite (par ailleurs insupportables de prétention abusive). Sans jamais se faire démonstratif, mais plutôt par petites touches impressionnistes, James Gray dénonce donc le racisme ambiant dans un pays miné par le communautarisme. Il indique que les juifs ont souffert de discrimination, mais la blancheur de leur peau leur permet d’échapper aux vexations les plus flagrantes.

Armageddon Time, un récit d’apprentissage touchant

Ainsi, à la suite d’un acte de délinquance mené par Paul et son copain noir, les conséquences ne seront aucunement les mêmes pour les deux enfants. L’occasion pour l’adolescent en pleine puberté de découvrir les notions d’injustice et de racisme, et donc de grandir et de se forger son propre avis sur cette société inégalitaire.

Au milieu de ces thématiques sociétales se niche également l’histoire familiale touchante de ce gamin qui est attaché à sa mère – Anne Hathaway au jeu assuré – mais qui est davantage en conflit avec un père violent qui ne sait pas comment parler à son progéniture – très bon Jeremy Strong. Mais bien entendu la palme de la meilleure prestation revient comme souvent à Anthony Hopkins qui joue un grand-père aimant et charismatique avec une maestria qui n’est plus à démontrer. Après son interprétation époustouflante dans The Father (Zeller, 2020), l’acteur réussit encore à nous bouleverser grâce à une capacité d’intériorisation impressionnante. En un seul regard, on ressent toutes les émotions contradictoires de son personnage. Inutile de lui faire prononcer le moindre dialogue tant son regard est porteur de sens. Une fois de plus, il confirme qu’il est l’un des plus grands comédiens de sa génération.

Une œuvre sensible où brille Anthony Hopkins

Réalisé de manière classique, mais très précise, Armageddon Time bénéficie aussi d’éclairages particuliers (globalement sombres et éteints, comme fantomatiques) du grand Darius Khondji. Malgré certains éléments qui pourraient tenir du mélodrame, James Gray a toujours l’extrême élégance de ne pas succomber à l’émotion facile. C’est ainsi qu’il parvient justement à une sensibilité à fleur de peau et qu’il fait donc d’Armageddon Time une œuvre brillante qui aurait largement mérité une récompense au dernier Festival de Cannes dont il est reparti étonnamment bredouille. Nous, en tout cas, on le préfère largement à la Palme de cette année (le pourtant correct Sans filtre).

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 9 novembre 2022

Notes cannoises :

Auteur moins apprécié en 2022 que dans les années 2000, James Gray était jadis un auteur attendu : The Yards (2000), La nuit nous appartient (2007), ont marqué. En revanche, en 2008, l’excellent Two Lovers est victime d’un bad buzz cannois qui diminue ses chances commerciales.

En 2013, c’est la grande bascule. James Gray dirige Marion Cotillard et Joaquin Phoenix dans The Immigrant, un échec commercial et critique qui l’écarte de Cannes. The Lost City of Z sera éconduit de toute compétition et le blockbuster Ad Astra, avec Brad Pitt, devra se contenter d’une première à Venise en 2019.

Armageddon Time marque donc les retrouvailles d’un auteur exigeant mais qui doit toujours faire ses preuves aux yeux du système. Universal propose le film en France le 9 novembre 2022, après un triste mise à l’écart au palmarès cannois, considérée comme aberrante par beaucoup, et une sélection à Deauville en septembre.

Avec une moyenne de 74/100 sur 45 critiques américaines, le film a comblé beaucoup de professionnels qui ont apprécié sa sensibilité et son intelligence. La sortie américaine sur une combinaison réduite à 6 écrans, le 28 octobre, n’a pas été très brillante, avec à peine 70 275$.

Notes cannoises de Frédéric Mignard

Tous les films de Cannes 2022

Compétition officielle au Festival de Cannes 2022

Affiche d'Armageddon Time de James Gray

Affiche Design : GrandSon – © Universal Studios 

Trailers & Vidéos

trailers
x
Affiche d'Armageddon Time de James Gray

Bande-annonce de Armageddon Time

Drame

x