Dernier opus de la saga, Angélique et le sultan ne démérite pas grâce à un rythme soutenu et des aventures exotiques très divertissantes. Un baroud d’honneur qui n’a rien de déshonorant, bien au contraire.
Synopsis : Angélique, dont l’enlèvement a été ordonné par le sultan Moulay Ismaël, se retrouve captive de son harem où elle tient une place de favorite. Elle ne tarde pas à attiser la jalousie d’une autre favorite, prête à tout pour garder son statut…
Un film d’aventures avant tout
Critique : Tourné en même temps que le quatrième volet intitulé Indomptable Angélique, Angélique et le sultan est donc le dernier segment d’une série romanesque qui aura fait les beaux jours des salles européennes des années 60. Contrairement à la règle habituelle qui veut que la qualité décline au fur et à mesure des épisodes, le cinquième film de l’increvable saga se révèle plutôt d’une bonne tenue, notamment par des ambitions revues à la hausse en matière d’action et de budget.
Les détracteurs de la série signaleront que le script tient une fois de plus sur un ticket de métro et nous ne les contredirons pas. Effectivement, les scénaristes ont peu à peu vidé la saga de son contenu thématique (en gros la lutte d’une femme pour garder son indépendance d’esprit face à toutes les intolérances) pour n’en faire qu’une suite d’aventures exotiques propres à enflammer l’imagination des foules de l’époque. Toutefois, si Indomptable Angélique sacrifiait même toute nuance pour livrer Angélique à la merci de méchants vraiment odieux (on pense à l’inénarrable Roger Pigaut, présent ici seulement au début du film), Angélique et le sultan se veut bien plus modéré et nuancé dans son approche des personnages.
Des personnages nuancés, même chez les antagonistes musulmans
Ainsi, on remarquera que les personnages musulmans ne sont pas décrits uniquement comme des antagonistes négatifs. Notamment, le rôle tenu par Jean-Claude Pascal (car à l’époque, la plupart des rôles d’Arabes sont tenus par des acteurs européens grimés) démontre que de nombreux responsables musulmans étaient de fins lettrés et faisant parfois preuve de davantage de savoir-vivre que les têtes couronnées européennes. Les auteurs ne cachent pas non plus le recours à l’esclavage, la situation des femmes dans les harems, mais ont l’intelligence de faire un parallèle avec ce qui se passait à la cour du roi de France Louis XIV.
On apprécie donc particulièrement cette description plutôt nuancée des antagonistes d’autant que l’interprétation habitée d’Aly Ben Ayed, seul acteur du cru qui tient un grand rôle, est parfaitement crédible. Encore une fois, Jean-Claude Pascal ne démérite pas et parvient à faire oublier ses origines européennes par la profondeur de son jeu. Face à ce beau monde, Michèle Mercier est toujours aussi resplendissante et charismatique alors qu’elle subit de nouveaux outrages (une série de coups de fouet bien lascive). Elle est soutenue par un Helmuth Schneider sympathique en chrétien évadé et bien entendu Robert Hossein qui est ici davantage actif que dans les précédents volets.
Un épisode rythmé, généreux en action et en rebondissements
A la différence des autres épisodes, Angélique et le sultan met les bouchées doubles sur l’action et Bernard Borderie semble avoir disposé d’un budget plus conséquent qu’il met à profit pour se faire plaisir. Cela commence fort avec un abordage comme dans la grande tradition de l’âge d’or hollywoodien des années 30. Certes, Borderie n’est pas Curtiz et il manque un vrai réalisateur visionnaire à la barre. Il s’en tire tout de même plutôt bien, grâce à une équipe technique rompue à l’exercice. On soulignera aussi la contribution à la photographie d’Henri Persin qui magnifie les superbes paysages tunisiens.
On apprécie ensuite les intrigues au cœur de la cour du sultan, mais aussi la prise d’assaut du palais, ainsi que l’échappée d’Angélique et de ses compagnons dans le désert. Le tout est mené avec entrain et un sens du rythme qui laisse peu la place à l’ennui. Ceux qui n’apprécient que modérément les effusions sentimentales de la saga auront également le plaisir de constater que l’histoire reste vraiment centrée sur l’amour éperdu entre Angélique et son mari. Au final, le long-métrage peut être regardé comme un pur film d’aventures exotiques comme on savait si bien les confectionner à l’époque aux Etats-Unis ou encore en Italie.
Une baisse des entrées généralisée sur le marché européen
Pourtant, malgré cette débauche de moyens, ce nouvel épisode a confirmé à la baisse le nombre d’entrées. Avec 1 780 555 spectateurs et une 22ème place annuelle en France, le film continuait la lente érosion déjà constatée précédemment. Cette tendance est également marquée sur les marchés étrangers et notamment en Italie qui a toujours accueilli favorablement la saga. Ils ne sont plus que 2 millions d’Italiens à faire le déplacement en salles pour Angélique et le sultan, soit moitié moins que pour les premiers épisodes. De quoi faire comprendre à tout le monde qu’il fallait arrêter les frais et que les amours contrariés d’Angélique et Geoffrey de Peyrac pouvaient demeurer dans la légende du cinéma populaire européen des années 60 sous la forme de cinq films plutôt valeureux et finalement assez cohérents.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 août 1968
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© 1968 StudioCanal – Gloria Film – Fono Roma / Affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.