Quatrième volet de la saga, Indomptable Angélique envoie ses personnages principaux se battre sur les mers et oriente donc la série vers l’aventure exotique, avec une forte dose de sadisme et d’érotisme. Plaisant.
Synopsis : Après avoir découvert que Jeoffrey n’était pas mort, Angélique quitte la cour de Louis XIV et embarque sur un navire afin de rejoindre son mari en compagnie de Savary. Mais la malchance semble être aussi du voyage puisqu’Angélique doit faire face à une mutinerie, une attaque de pirates, devient esclave et manque de peu de se faire violer.
Angélique écume la mer Méditerranée
Critique : Après le succès remporté par le troisième épisode de la saga Angélique intitulé Angélique et le roy (Borderie, 1966), le producteur Francis Cosne décide de continuer à exploiter ce juteux filon à travers deux nouveaux volets. Afin de maximiser les coûts de production, Cosne opte pour une méthode similaire à celle utilisée pour les deux premiers épisodes, à savoir un tournage unique et continu des deux volets. Tourné comme un film de plus de trois heures, Indomptable Angélique sera donc exploité en deux époques différentes qui seront donc Indomptable Angélique, puis Angélique et le sultan.
Cela explique la présence de scènes du prochain volet dans le générique final, ainsi que l’absence de fin de ce quatrième épisode dont on sent bien qu’il ne constitue qu’une mise en bouche pour le suivant. On remarquera aussi plusieurs évolutions à l’intérieur de la saga, comme la disparition d’une grande partie du casting des épisodes précédents. Exit Jean Rochefort, mais aussi Jacques Toja qui étaient attachés à une intrigue très parisienne alors qu’Indomptable Angélique opte pour une aventure méditerranéenne dépaysante.
Un hommage aux films de pirates des années 30
Seul vrai rescapé des volets précédents, le couple formé par Michèle Mercier et Robert Hossein confirme son charisme fou et sa capacité à donner du poids à une histoire sentimentale à l’eau de rose. Une fois de plus, ils portent sur leurs épaules l’ensemble de cette intrigue qui met davantage l’accent sur l’exotisme par le biais d’une aventure ultramarine.
Tourné majoritairement en Italie – avec quelques séquences mises en boîte à Tunis – Indomptable Angélique s’inscrit donc délibérément dans le genre du film d’aventures, avec des pirates, des batailles navales et tout un arsenal de clichés sur l’Orient. Bernard Borderie en profite ainsi pour rendre hommage à un pan de cinéma qu’il semble chérir, à savoir les œuvres hollywoodiennes des années 30 mettant en scène Errol Flynn. Sans retrouver le génie de Michael Curtiz, Borderie signe quelques séquences d’abordages et de pillages plutôt bien emballées.
Angélique, héroïne outragée !
Il y ajoute toutefois une forte dimension érotico-sadique qui nous fait curieusement songer à un certain cinéma d’exploitation italien. Ainsi, plus que jamais, la pauvre Angélique apparaît comme une héroïne déterminée, mais sans cesse outragée par une gente masculine odieuse, voire carrément psychotique. Ainsi, le personnage incarné avec rouerie par Roger Pigaut apparaît dans toute sa perversité lorsqu’il livre la pauvre Angélique aux assauts sexuels d’une partie de son équipage. Cette séquence assez hallucinante pour l’époque n’est pas la seule à interpeller le spectateur contemporain. Ainsi, Angélique doit subir à plusieurs reprises des humiliations et des coups de fouet. L’intrigue évoque notamment le sujet de la traite des blanches qui était décidément très en vogue au cours des années 60.
Au passage, l’Orient est décrit comme une terre barbare où la femme est systématiquement maltraitée et dégradée dans sa dignité. Cela est d’ailleurs assez crédible vu l’époque considérée, en confortant les préjugés du public européen de la fin des années 60. Toutefois, même si la pauvre Angélique doit subir tous les outrages dans un grand bain de violence voyeuriste, on notera que le propos est bien de condamner ces humiliations et que le spectateur se trouve toujours en empathie avec la victime de ces méfaits.
Des images superbes et des paysages radieux agrémentent la projection
Doté d’un scénario linéaire plutôt cohérent, Indomptable Angélique a sans doute délaissé ses commentaires pertinents sur la société de son temps pour un pur divertissement du samedi soir, mais cela lui octroie un charme désuet fort sympathique. Après tout, l’ensemble est réalisé avec soin, les images sont souvent splendides et la musique de Michel Magne est encore prenante. Si l’on ajoute à cela un goût prononcé pour des rebondissements qui nous renvoient aux belles heures des serials et autres feuilletons, le long-métrage tient plutôt bien la route et s’avère très agréable à suivre.
Sorti au mois d’octobre 1967, Indomptable Angélique a encore fait le job avec 1,9 million de spectateurs dans les salles françaises. On voit se dessiner un tassement des entrées de film en film, mais le quatrième épisode s’est encore classé 19ème de l’année. Par contre, la chute de la fréquentation est davantage prononcée en Italie et en Allemagne, pourtant deux gros marchés porteurs pour la saga. Mais le pire est à venir avec un cinquième volet qui sera considéré comme une grosse déception, preuve que le grand public commençait à sérieusement se lasser des aventures de la belle Michèle Mercier au royaume des brutes.
Critique de Virgile Dumez