Agathe Cléry est une comédie musicale poussive plus proche des concepts artificiels et datés des pubs des années 80 du même Etienne Chatiliez que de la verve jubilatoire de Tatie Danielle. Le public y répondit froidement en 2008.
Synopsis : Agathe Cléry est une vraie working girl du XXIe siècle. Brillante directrice du marketing d’une ligne de cosmétiques spéciale “peaux claires”, elle n’est néanmoins guère appréciée de ses collègues qui la trouvent dure, hautaine et la savent raciste.
Le jour où on lui annonce qu’elle est atteinte de la maladie d’Addison, maladie rarissime qui va la faire noircir, Agathe refuse de croire à une telle malédiction. Pourtant, un beau matin, elle se retrouve aussi noire que tous ceux qu’elle détestait jusqu’à maintenant.
Commence alors pour Agathe un long parcours initiatique durant lequel elle va subir moult trahisons, perdre tout ce qui lui était le plus cher, mais toutes ces humiliations vont petit à petit métamorphoser la ” dure, hautaine et raciste ” qu’elle était, et lui ouvrir les portes d’une nouvelle vie…
Agathe Cléry colore sa vie
Critique : Une fois n’est pas coutume, commençons la critique par la conclusion. Agathe Cléry n’est et ne restera qu’un concept commercial intessant – une affiche, une phrase d’accroche et un teaser réussis. Il faut dire que mettre une raciste crasse dans la peau d’une femme noire du jour au lendemain, avait quelque chose de jubilatoire, alors que la France, sept ans auparavant avait déroulé le tapis rouge à Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielle. Lutter contre le racisme par la comédie fantastique, cela évoquait le très sympathique Un vampire au paradis d’Abdelkrim Bahloul (1992) dans lequel une ado bourgeoise des beaux quartiers se réveillait un matin ne sachant plus parler que la langue arabe. Malaise à la maison. Le concept d’échanges ethniques a été genré des dizaines de fois, avec Dans la peau d’une blonde, Ce que veulent les femmes, Solo pour deux… Sans oublier les autres divertissements qui échangent les corps entre mère et fille (Freaky Friday), père et fils (Mon père, c’est moi...)
Malheureusement au-delà de l’idée apportée par la réalisatrice de Ivan & Abraham, Yolande Zauberman, Agathe Cléry indispose. L’arnaque de la comédie musicale tristement artificielle et bidouillée de toutes parts (la prose aurait été largement préférée), fait l’effet d’une mauvaise surprise pour le spectateur, même si il en a été averti auparavant. Ce ne fut pas le cas de beaucoup qui découvrirent le concept en salle. Agathe Cléry dérape ensuite sur la pauvreté du scénario qui file tête baissée vers un happy end désuet qui marie les couleurs pour mieux se défausser de toute mauvaise intention.
Un tel degré de naïveté ne pouvait que précipiter Agathe Cléry dans les affres des accidents industriels. Au box-office, le film de 21 000 000 d’euros se plantera à 1 200 000 de tickets vendus quand il lui aurait fallu dépasser les 4 millions pour envisager la rentabilité.
Humour cacao des années 80
Cet énième avatar de comédie franchouillarde sur le racisme ne parvient jamais à déjouer les pièges du convenu, malgré la pirouette du musical, qui se vautre dans l’inutilité et la gratuité. Plus proche d’une publicité eighties (comme celles qu’affectionnait le cinéaste par exemple), effectivement très colorées et musicales, que des sarcastiques La vie est un long fleuve tranquille et surtout Tatie Danielle qui avait su jouer de l’impertinence pour détourner les stéréotypes sociaux sur les vieux, et attirer l’attention du public sur le troisième âge, le propos vire en plus à mi-chemin vers une romance casse-gueule pour réconcilier les couleurs. Au niveau de l’humour, il n’y pas de quoi rivaliser avec Les aventures de Rabbi Jacob ; en revanche, toute cette comédie va tournebouler cette pauvre Valérie Lemercier que l’on a connue et que l’on aurait aimé voir plus acerbe sur un sujet pareil. On ne retrouve plus le sens incisif des répliques tranchantes de l’humoriste. Le racisme se combat-il avec des clichés mous ? Sûrement pas car les racistes et les victimes des préjugés ne le sont pas, eux.
Délit de Blackface, Chatiliez confirme le déclin
Bref, Chatiliez, qui devait opérer ici un retour salvateur après l’échec de La confiance règne, -moins de 500 000 entrées pour un cinéaste abonné aux 2 à 5 millions d’entrées-, perdait un peu plus de sa crédibilité artistique et prenait un sacré coup de vieux dans son cinéma. Anciennement mordant, son humour confond soudain outrance et subversion, et finit par s’égarer dans le cinéma traditionnel qu’il avait toujours voulu fuir jusqu’alors.
Une décennie plus tard, le cinéma du réalisateur est devenu de plus en plus consternant (L’oncle Charles et Tanguy le retour) et sa dénonciation pataude des préjugés ethniques pourrait être qualifiée de déplacée par les apôtres de la Woke Culture et la génération offensée. Pour notre part, on trouve tout cela bien consternant et l’on tourne volontiers cette mauvaise page d’histoire qui embarrasse tout le monde en 2021, jusqu’à son distributeur, Pathé, qui ne l’aura d’ailleurs jamais édité en Blu-ray.
Les sorties de la semaine du 3 décembre 2008
Biographies +
Étienne Chatiliez, Isabelle Nanty, Jean Rochefort, Dominique Lavanant, Valérie Lemercier, Artus de Penguern, Anthony Kavanagh, Julie Ferrier