Plongée au cœur d’un événement historique marquant, 5 septembre constitue une excellente réflexion sur le métier de journaliste, tout en proposant un spectacle très immersif et trépidant. Une belle réussite.
Synopsis : Le film se déroule lors des Jeux Olympiques de Munich de 1972 où l’équipe de télévision américaine se voit contrainte d’interrompre subitement la diffusion des compétitions, pour couvrir la prise d’otage en direct d’athlètes israéliens. Un évènement suivi à l’époque par environ un milliard de personnes dans le monde entier. Au cœur de l’histoire, l’ambitieux jeune producteur Geoff veut faire ses preuves auprès de Roone Arledge, son patron et légendaire directeur de télévision. Avec sa collègue et interprète allemande Marianne, son mentor Marvin Bader, Geoff va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.
5 septembre, une reconstitution très documentée
Critique : Réalisateur suisse qui ne s’est distingué jusque-là que dans le domaine de la science-fiction (Hell en 2011 et La colonie en 2021, deux productions germaniques), Tim Fehlbaum change radicalement de braquet avec 5 septembre (2024), coproduction germano-américaine qui tente de reconstituer au mieux la retransmission médiatique des attentats survenus lors des J.O. de Munich en 1972 contre la délégation israélienne. Afin d’écrire son scénario, le cinéaste a consulté des heures d’archives de la chaîne ABC Sports, antenne qui a couvert l’intégralité de l’événement.
© 2024 BerghausWöbke Filmproduktion – Projected Picture Works – Constantin Film – Edgar Reitz Filmstiftung. Tous droits réservés.
Outre les recherches nécessaires afin d’évoquer l’événement en lui-même, Tim Fehlbaum a dû se renseigner sur les méthodes employées par les journalistes de l’époque pour la retransmission en direct des grands événements. Pour cela, il fallait se familiariser avec tous les appareils analogiques utilisés dans les années 70 et faire suivre aux acteurs une formation afin que leurs gestes paraissent le plus naturel possible à l’écran.
Un huis-clos tendu
Car contrairement au Munich (2005) de Steven Spielberg, 5 septembre n’entend pas reconstituer la prise d’otages dans son entier, mais se concentre sur le point de vue des journalistes sportifs présents sur place et contraints de couvrir un événement géopolitique d’ampleur internationale alors qu’ils ne sont pas familiarisés avec cet exercice. D’ailleurs, il est important de se souvenir que l’attentat des J.O. de Munich est le tout premier événement de ce type a avoir été diffusé en direct à la télévision.
Pour les auteurs, il était donc essentiel de reconstituer au mieux la période, tout en y injectant une réflexion sur le journalisme et la responsabilité des médias dans la diffusion de l’information. En cela, 5 septembre peut être considéré à la fois comme un pur film historique, mais aussi comme une œuvre pertinente interrogeant notre présent, embourbé d’un côté par l’information en continu et de l’autre par une contestation tous azimuts du rôle des médias par tous les populistes actuels. A cela, il convient d’ajouter la problématique toujours brûlante du conflit israélo-palestinien, même si Tim Fehlbaum se garde bien de porter un jugement.
Un habile mélange entre images d’archives et reconstitution
En fait, dans 5 septembre, le cinéaste évoque ce basculement fondamental dans l’action palestinienne qui consiste à verser dans le terrorisme international afin d’alerter le monde entier du comportement inacceptable d’Israël vis-à-vis du peuple arabe. Bien entendu, lors des J.O. de Munich, la délégation sportive israélienne visée n’est aucunement responsable de la politique de son pays et la violence qui se déchaîne contre elle constitue donc une terrible tragédie. Le cinéaste filme donc l’événement dans son aspect tragique et exceptionnel en restant collé aux basques des journalistes chargés de retransmettre les épreuves sportives.
Le défi parfaitement maîtrisé était de parvenir à glacer le sang des spectateurs en ne sortant pourtant jamais de la régie diffusant les images des cameramen présents sur le site. Ainsi, tout ce que nous voyons à l’écran est constitué d’archives du véritable attentat, couplé à des échanges verbaux entre les journalistes dans la salle de diffusion des images. Alors qu’il ne filme que des gens au travail en train de discuter de ce qu’ils doivent montrer ou non, Tim Fehlbaum arrive à créer une tension de chaque instant par l’emploi d’une caméra portée à l’épaule, d’un montage resserré (le film ne dure que 95 minutes, générique compris) et de dialogues d’une belle pertinence.
Le journalisme en pleine action
Au passage, le réalisateur rappelle les valeurs cardinales attachées au journalisme, à savoir le recoupement de l’information avant sa diffusion, l’éthique dans ce qui doit être montré ou non et surtout la responsabilité envers les images diffusées. Ainsi, le passage le plus intéressant concerne le moment où les caméras diffusent une intervention des forces armées allemandes qui préviennent les terroristes et font donc échouer la manœuvre des autorités.
© 2024 BerghausWöbke Filmproduktion – Projected Picture Works – Constantin Film – Edgar Reitz Filmstiftung. Tous droits réservés.
Et si la caméra capture l’image d’un otage en train d’être exécuté, faut-il la diffuser ? Autant d’éléments passionnants qui sont évoqués ici par petites touches impressionnistes, mais qui font de 5 septembre une œuvre passionnante à propos du journalisme. On peut d’ailleurs rapprocher le métrage d’une autre œuvre de Steven Spielberg, en l’occurrence l’excellent Pentagone Papers (2017), à la réflexion similaire.
Un film de festival qui a obtenu une nomination aux Oscars
Porté par un beau collectif d’acteurs dont il serait fastidieux de citer tous les noms, 5 septembre constitue donc une immersion particulièrement réussie au cœur d’un événement historique de première importance. On peut d’ailleurs rapprocher ce film du cinéma d’un certain Paul Greengrass – en moins agité en ce qui concerne la caméra – dans sa volonté de reconstituer de la manière la plus réaliste possible une situation historique récente. Présenté en avant-première à la Mostra de Venise 2024, 5 septembre a ensuite eu les honneurs d’une sortie en salles aux States, avec un résultat assez limité de 2,3 millions de dollars de recettes. Il faut dire que son sujet n’était pas vraiment fait pour passionner le grand public.
Depuis, le métrage a toutefois eu l’honneur de recevoir une nomination comme meilleur film dramatique aux Golden Globes 2025, sans décrocher le prix, puis une nomination dans la catégorie du meilleur scénario original aux Oscars 2025. Tous les amoureux d’histoire et les aspirants journalistes doivent en tout cas faire le déplacement en salles afin de soutenir cette belle réussite dans un genre, certes balisé, mais rarement aussi abouti.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 février 2025
© 2024 BerghausWöbke Filmproduktion – Projected Picture Works – Constantin Film – Edgar Reitz Filmstiftung / Affiche : AV Print. Tous droits réservés.
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Mots clés
Cinéma allemand, Cinéma américain, Les attentats au cinéma, Le terrorisme au cinéma, Film sur le journalisme