Comédie reprenant le principe de Rashomon, Une nuit mouvementée est une pochade inoffensive signée par un Mario Bava en mode mineur. L’ensemble demeure plaisant pour peu que l’on apprécie les films bis transalpins de l’époque. Les autres peuvent passer leur chemin.

Synopsis : Dragueur invétéré, Gianni Prada sillonne les rues de Rome, à la recherche de quelque jolie fille. Il finit par repérer, puis aborder dans un parc une jeune femme attrayante, Tina. Le soir même, il passe la chercher chez sa mère qui, malgré quelques réticences, les laisse sortir en discothèque. Après quoi, Gianni prend l’initiative de la ramener chez lui, prétextant un coup de fil important. Le couple passe la nuit ensemble dans l’appartement du jeune homme. Au matin, Tina retourne chez sa mère, la robe déchirée. Elle affirme que Gianni a tenté de la violer…

Une comédie tournée à la va-vite

Critique : Alors qu’il est en plein tournage du thriller Une hache pour la lune de miel (1970), Mario Bava connaît des difficultés de trésorerie et doit donc interrompre durant quelques semaines les prises de vues de ce qui deviendra une grande œuvre malade. Afin de patienter, le stakhanoviste accepte une proposition du producteur Dick Randall  l’invitant à tourner une petite comédie érotique qui lui prendrait moins d’un mois de travail. Ainsi est née la comédie sexy Une nuit mouvementée (1971), en réalité tournée durant l’année 1969, mais qui mettra du temps avant d’arriver sur les écrans.

Coproduction avec l’Allemagne de l’ouest, Une nuit mouvementée est fondée sur un principe très simple initié par le film très sérieux Rashomon (Akira Kurosawa, 1951), à savoir quatre versions différentes d’une même histoire en fonction du point de vue adopté. Dans cette pochade, le spectateur est invité à suivre un dragueur qui entraine une jeune fille innocente chez lui pour lui faire l’amour. Toutefois, au petit matin, la jeune fille arbore une robe déchirée, tandis que l’homme est griffé au visage.

Un homme, une femme, une nuit, quatre possibilités

A partir de là, les auteurs ont déployé quatre récits successifs qui vont donner à chaque fois un éclairage très différent aux événements survenus durant la nuit. Le premier récit s’articule autour de l’argumentaire de la jeune fille qui, pour sauver son honneur, déclare que le séducteur a tenté de la violer. Ce premier récit échappe d’ailleurs en grande partie au genre de la comédie pour ressembler davantage aux autres films à suspense de l’auteur de Six femmes pour l’assassin (1964). Mario Bava y déploie un certain sens du suspense et l’agression dont est victime la jeune femme demeure d’une certaine violence, plutôt étonnante au cœur d’une comédie.

Il faut donc attendre la version déployée par le séducteur auprès de ses meilleurs amis pour que le rire commence à s’inviter à la fête. Effectivement, le point de vue est ici radicalement opposé puisque la mère de la victime présumée fait déjà des avances au jeune homme, avant que sa progéniture se révèle être une nymphomane insatiable qui épuise un amant désireux de fuir la furie sexuelle. Ce passage est assurément le plus drôle du film car il s’inscrit pleinement dans un type de comédie à l’italienne dans le style d’un Dino Risi ou d’un Mario Monicelli.

Une vision à l’ancienne de l’homosexualité qui a valu des problèmes avec la censure

Le troisième segment est narré par le gardien d’immeuble qui s’avère être un voyeur libidineux – incarné par le producteur du film lui-même – et Une nuit mouvementée retombe dans un travers typique de l’époque en décrivant des personnages homosexuels très proches de la folle. Toutefois, on notera l’audace de Mario Bava dans la description d’une drague lesbienne qui a valu au film des déboires avec la censure italienne, bloquant notamment pendant des années la sortie du long métrage dans son pays d’origine. Enfin, le dernier segment vient remettre de l’ordre dans tout ceci et offre une vision plus modérée et équilibrée des rapports entre hommes et femmes.

L’ensemble, très léger, bénéficie de l’interprétation correcte de Daniela Giordano et Brett Halsey qui parviennent à varier leur registre en fonction des segments. On peut aussi apprécier la présence de la française Pascale Petit en lesbienne offensive. Toutefois, le charme qui se dégage de ce petit film inoffensif vient essentiellement de son caractère pop. Proche esthétiquement de Danger : Diabolik (1968), Une nuit mouvementée appartient au corpus des films psychédéliques de Mario Bava. De la décoration très kitsch en passant par les images très contrastées et les couleurs vives, voire flashy, le long métrage s’inscrit pleinement dans son époque de la fin des années 60 et début des années 70.

Une comédie démodée à réserver aux fans de Mario Bava

Cela se retrouve aussi dans la description des relations entre hommes et femmes que les jeunes générations identifieront comme toxiques, alors qu’elles étaient totalement inscrites dans l’air du temps. Si le site Encyclociné précise que le film serait sorti dans quelques salles en Alsace et dans le sud-est de la France, Une nuit mouvementée n’a pas connu de sortie parisienne officielle et n’a même pas été exploité en VHS ou en DVD.

Il a donc fallu attendre décembre 2024 pour que l’éditeur Le Chat qui Fume le propose en blu-ray dans une copie perfectible car n’ayant jamais été vraiment restaurée. Le métrage, parfaitement anodin, est dispensable, sauf pour les complétistes amoureux du cinéma du maître transalpin, parfois moins inspiré lorsqu’il fallait bien payer ses factures.

Critique de Virgile Dumez

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Mario Bava, Daniela Giordano, Brett Halsey, Brigitte Skay, Dick Randall, Pascale Petit

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Cinéma bis italien, Comédies sexy italiennes, Le viol au cinéma, Le Chat qui Fume