Véritable délire baroque évoquant le cinéma de Wojciech Has ou encore de Serrador, Une hache pour la lune de miel peut être considérée comme la matrice du Maniac de William Lustig, l’esthétisme en plus. Un grand film, assurément.
Synopsis : Un homme se sent incapable de contrôler ses pulsions, qui le poussent à vouloir tuer de jeunes femmes revêtues de leur robe de mariée.
Critique : Etrange destin que celui de ce giallo un peu maudit qui fut tourné en 1968 par le grand Mario Bava, mais qui a dû attendre l’année 1970 pour sortir enfin en Italie et en Espagne. Quant à la France, elle n’a guère pu profiter du spectacle puisque la seule sortie référencée date du mois de juin 1974 dans quelques salles de province uniquement. Par la suite, l’éditeur de VHS Delta Vidéo, toujours aussi peu scrupuleux, a sorti le film sous le titre racoleur et totalement mensonger de La baie sanglante 2 dans une copie déplorable. Bien évidemment, le film en question n’a absolument rien à voir avec La baie sanglante si l’on excepte un twist final assez similaire (que nous ne révélerons pas, donc).
En réalité, cette coproduction italo-espagnole (avec une forte composante ibérique au sein de l’équipe technique et artistique) cherche surtout à surfer sur des thématiques hitchcockiennes déjà vues dans Psychose et Pas de printemps pour Marnie. Ainsi, le script nous invite à suivre la lente descente vers la folie d’un meurtrier qui nous prend à témoin, déclarant dès les premières minutes du film qu’il est fou à lier. Dès lors, il revient au spectateur de démêler le vrai du faux puisque le narrateur lui-même n’est pas digne de foi. Ainsi, lorsque le film bascule tout d’un coup dans le fantastique avec le personnage de revenant incarné par Laura Betti, libre au spectateur de trouver cet élément incongru, ou au contraire de prendre cela comme un indice supplémentaire du basculement du tueur vers un délire de plus en plus prégnant. Au passage, l’auteur en profite pour se lover dans les théories freudiennes à base de refoulé et de retour de l’inconscient par rapport à un traumatisme initial. Assez dérangeant, le métrage ose même confronter le spectateur à sa part d’innocence à travers la figure d’un enfant angélique qui se révèlera bien plus retors que prévu.
Cette extrême noirceur du propos est contrebalancée par un soin maniaque apporté à l’esthétique du film. Très inspiré par les paysages espagnols, Mario Bava livre ici l’une de ses œuvres les plus picturales. Chaque plan touche au sublime avec des cadrages savants, des éclairages splendides et un sens du baroque qui ne peut laisser indifférent. Le cinéaste s’éloigne donc ici de l’esthétique gothique ayant fait sa gloire pour aller vers davantage de folie visuelle. Il semble ainsi s’inscrire dans les pas d’un Wojciech Has (La clepsydre) en Pologne ou de Narciso Ibanez Serrador (La résidence) en Espagne. On retiendra ainsi du film ses compositions picturales dantesques dans la serre du héros où les plantes semblent former des murs de végétation, mais aussi la pièce où se déroulent les meurtres rituels entièrement décorée de mannequins féminins. Autant dire que Une hache pour la lune de miel est un film séminal pour le Maniac de William Lustig qui semble lui avoir tout emprunté.
Pour autant, le film de Mario Bava n’est pas exempt de défauts, notamment dans le jeu fragile de Stephen Forsyth (mélange de Clint Eastwood et de Johnny Hallyday, en moins expressif encore), heureusement compensé par la composition magistrale de Laura Betti en garce d’outre-tombe. Dans l’ensemble, les femmes sont mieux dirigées que les hommes dans ce métrage où l’attention du cinéaste se porte avant tout sur l’esthétique et la technique que sur le jeu des comédiens (défaut récurrent chez Bava). On peut également trouver le film un peu trop chargé sur le plan symbolique, comme si le cinéaste avait eu peur du vide. Toutefois, cela ne doit aucunement éconduire les amateurs de cinéma italien populaire ambitieux puisque le contrat est amplement rempli avec de nombreux meurtres et surtout une atmosphère décadente du meilleur effet. Le tout est également soutenu par une excellente partition musicale de Sante Maria Romitelli.
Il s’agit donc d’un long-métrage formidable qui fait clairement partie du haut du panier de la production transalpine des années 60-70 et qui mérite bien une édition blu-ray digne de sa magnificence.
Le Mediabook :
Compléments & packaging : 3,5/5
Toujours aussi belle, cette collection Mario Bava nous offre des visuels superbes, le tout agrémenté d’un livret exclusif de 16 pages rédigé par Marc Toullec. Une hache pour la lune de miel étant moins connu, son traitement en matière de bonus vidéo a été plus expéditif. Toutefois, on ne doit aucunement négliger l’apport considérable offert par l’entretien de 25min avec Jean-François Rauger qui parvient à mélanger approche informative et analytique en très peu de temps. Le critique n’hésite pas à signaler les défauts de conception du film, tout en en montrant l’intérêt et les beautés. Son intervention est doublée par celle de Jean-Pierre Bouyxou (8min) qui fait quelque peu doublon.
L’image du blu-ray : 3,5/5
Là encore, l’éditeur nous offre une copie restaurée plutôt convaincante, même si on peut reprocher une fois de plus une présence trop importante d’impuretés (points blancs et petites brûlures). Toutefois, la plupart des plans en pleine lumière sont superbes, rendant notamment hommage à la beauté de la photographie d’origine. La copie bénéficie notamment d’une magnifique colorimétrie. Il s’agit indéniablement d’un apport par rapport aux anciennes éditions.
Le son du blu-ray : 4/5
Trois pistes en mono sont proposées (française, anglaise et italienne). Cette fois, nous n’apprécions pas particulièrement le doublage français, assez médiocre et qui rabaisse le film à son statut de simple série B bas de gamme. Les versions étrangères passent bien mieux. A chaque fois, un léger souffle et quelques craquements peuvent apparaître.
Critique du film et test blu-ray : Virgile Dumez