Une affaire de goût est un jeu du chat et de la souris à la douce perversité, interprété par un Bernard Giraudeau impérial d’ambiguïté.
Synopsis : Frédéric Delamont, industriel au sommet de sa réussite, raffiné, original et phobique, rencontre dans un restaurant un jeune serveur intérimaire, Nicolas Rivière. Quelques jours plus tard, ce dernier est reçu par Delamont qui lui propose d’être, contre un salaire élevé, son goûteur particulier. Ce qui commence comme une relation professionnelle insolite mais légère se révèlera rapidement être un jeu infiniment plus dangereux pour les deux hommes…
De l’art du non-dit
Critique : Lorsque Bernard Rapp décide en 1999 d’adapter le troublant roman de Philippe Balland intitulé Goûter n’est pas jouer, il est encore auréolé du petit succès critique obtenu par Tiré à part (1996), son premier long métrage en tant que metteur en scène. Ce galop d’essai a montré la capacité du journaliste à décrire des ambiances troubles et marquées par un certain raffinement. Avec son deuxième film, Bernard Rapp place la barre plus haut et signe une œuvre parfaitement maîtrisée, à la mise en scène plus étudiée.
Le film commence par une minutieuse description des différents personnages, mettant l’accent sur l’étrangeté de cet industriel raffiné et quelque peu décadent, magnifiquement interprété par un Bernard Giraudeau tout en nuances. Le cinéaste nous plonge alors au cœur d’une relation particulière entre ce patron névrosé et son homme de main, totalement fasciné. Prenant un malin plaisir à jouer au chat et à la souris avec le spectateur, Bernard Rapp, grâce à un scénario brillant et à une fine approche psychologique, nous entraîne où il veut et parvient à rendre fascinante cette descente aux enfers de deux hommes dont l’attraction mutuelle reste de l’ordre du non-dit.
Un jeu pervers porté par des comédiens formidables
Entre jeu sadomasochiste et homosexualité latente, tout amène les deux personnages vers une autodestruction programmée d’avance. Ce sentiment d’inéluctabilité imprègne toute l’œuvre et lui donne un ton propre, tout à fait séduisant. Certes, ce pitch nous rappelle fortement celui d’Une étrange affaire (Granier-Deferre, 1981) où Gérard Lanvin tombait dans les filets de son patron incarné par Michel Piccoli, mais Bernard Rapp choisit d’aller encore plus loin dans l’idée d’autodestruction mutuelle.
L’ensemble est soutenu par une interprétation magistrale de Bernard Giraudeau qui trouve là, après Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (1999) de François Ozon, l’un de ses meilleurs rôles. A la fois salaud, esthète, sadique et figure charismatique, il illumine de sa présence monstrueuse ce film à la douceur perverse. Jean-Pierre Lorit lui donne la réplique avec talent et compose une victime à l’ambiguïté troublante. Ce face-à-face impeccable est pour beaucoup dans la réussite majeure de cette Affaire de goût, assurément le meilleur film de son réalisateur.
Le meilleur film de Bernard Rapp
Outre un certain écho en salles avec 484 568 spectateurs sur tout le territoire français, Une affaire de goût a également obtenu les Grand Prix, Prix de la critique et Prix de la découverte au Festival de Cognac 2000, ainsi que cinq nominations aux César 2001. Il est toutefois reparti bredouille de cette dernière cérémonie, marquée par le triomphe du Goût des autres.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 26 avril 2000
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© 1999 CDP – Le studio Canal + – France 3 Cinéma – Rhône-Alpes Cinéma / Affiche : F.K.G.B. – Arguments (agence) – Lawrence Perquis (photographe) – Marc Paufichet (affichiste). Tous droits réservés.