Film choral, Un métier sérieux donne une vision assez juste, bien que légèrement édulcorée, d’un métier difficile et s’éparpille parfois dans des sous-intrigues insuffisamment développées. Intéressant, mais un peu trop superficiel.
Synopsis : C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.
Un métier sérieux évite les sujets qui fâchent
Critique : Ancien médecin passé à la réalisation, Thomas Lilti a logiquement consacré une trilogie à ce métier d’engagement auprès d’autrui avec des films à succès comme Hippocrate (2014), Médecin de campagne (2016) et Première année (2018), auquel il faudrait adjoindre les différentes saisons de sa série Hippocrate. Tout en continuant à creuser le même sillon, à savoir l’hommage aux gens qui dévouent leur vie à leur métier, Thomas Lilti change de milieu et s’intéresse avec Un métier sérieux aux milliers de professeurs qui enseignent chaque jour dans des conditions de plus en plus difficiles.
Pour parvenir à saisir l’essence même du métier, le réalisateur s’est immergé dans une masse phénoménale de documents et de témoignages afin d’en tirer un film choral qui tenterait de saisir la réalité quotidienne de ces hommes et de ces femmes qui sont confrontés à de nombreux problèmes liés à l’évolution de la société et de ses mentalités. Toutefois, et c’est peut-être un reproche à lui faire, Thomas Lilti n’a pas souhaité aborder des thématiques professionnelles qui fâchent. Ainsi, rien n’est dit sur les conditions de rémunération et encore moins sur les différentes réformes ministérielles qui ont progressivement entamé le moral des professeurs, toujours méprisés par la haute hiérarchie.
Thomas Lilti parvient à saisir l’essence même du métier d’enseignant
Certes, le cinéaste ne souhaitait pas tourner une œuvre militante, mais l’absence de certaines tensions au cœur des problématiques actuelles du métier se fait cruellement sentir. Le cinéaste préfère ainsi évoquer la belle solidarité entre les profs que l’on ressent tous soudés. Or, cela n’est pas nécessairement le cas et bon nombre de collègues se déchirent au contraire pour grapiller des heures d’enseignement au détriment des autres confrères. Bref, on peut faire le reproche à Thomas Lilti d’idéaliser un peu trop le vécu au sein de l’institution.
© 2023 31 Juin Films – Les Films du Parc – France 2 Cinéma – Le Pacte – Les Films de Benjamin / Photographie : Denis Manin. Tous droits réservés.
Cependant, on mettra à son crédit l’idée d’installer ses caméras au cœur d’un collège lambda – la majorité sur le territoire – et de ne pas tomber dans la description d’un microcosme, qu’il soit banlieusard ou bourgeois. Ici, il s’agit simplement d’un lieu où la mixité sociale est bien présente, ce qui n’enlève rien au défi à relever pour ces hommes et femmes qui doivent lutter au quotidien contre l’inertie du système et l’attentisme résigné des élèves. Comment intéresser des jeunes gens habitués à visionner en permanence des écrans avec un cours sur des sujets difficiles qui requièrent une attention de chaque instant ? Comment ne pas vexer les susceptibilités, tout en imposant son autorité sur la classe afin de créer un espace serein fait de travail et de réflexion ? Autant de thèmes qui sont abordés dans le film, même de manière superficielle.
Un casting parfaitement dirigé
Le cinéaste nous plonge donc au cœur de plusieurs classes et des tentatives plus ou moins heureuses des enseignants pour intéresser leurs élèves. Si l’auteur distingue les vieux briscards qui ont une autorité naturelle (ici un très bon François Cluzet, vraiment crédible en professeur établi et respecté de tous), des plus jeunes qui se cherchent (bon Vincent Lacoste), il montre également que certains ont tout bonnement l’enseignement dans le sang, comme le personnage fort incarné par la toujours excellente Adèle Exarchopoulos.
Il faut dire que le casting fait beaucoup pour le plaisir ressenti durant la projection de cette œuvre qui n’oublie pas de montrer la satisfaction intense que procure le sentiment d’avoir fait passer un contenu auprès des jeunes esprits. Il insiste aussi sur les contraintes de plus en plus lourdes sur le plan administratif, ainsi que sur le mépris de l’institution – à travers notamment une scène d’inspection académique absolument atroce. Enfin, le cinéaste prouve qu’il est capable d’approfondir une thématique lorsqu’il suit la tenue d’un conseil de discipline, dont l’ambiance lourde correspond bien à la réalité du terrain.
Un film agréable, mais un brin scolaire
Ne jugeant personne, Thomas Lilti fait donc preuve de certaines qualités d’écriture dans l’humanité de ses personnages. Sans doute aurait-il dû resserrer l’ensemble autour d’un nombre plus restreint de protagonistes. Dans Un métier sérieux, la multiplicité des sous-intrigues affaiblit l’impact de chacune d’entre elles et l’on ressort de la projection en ayant eu l’impression de suivre le pilote d’une future série télévisée. Réalisé avec un maximum d’application, mais de manière un peu trop scolaire, Un métier sérieux fait sans aucun doute partie des bons films sur l’éducation et les professeurs, mais on cherche tout de même ce qui justifie vraiment sa place sur un grand écran.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 septembre 2023
© 2023 31 Juin Films – Les Films du Parc – France 2 Cinéma – Le Pacte – Les Films de Benjamin / Affiche : Le Cercle Noir pour Fidélio. Photographie : Denis Manin. Tous droits réservés.
Biographies +
Thomas Lilti, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Bouli Lanners, Louise Bourgoin, William Lebghil, Vincent Lacoste, Lucie Zhang, Jérémy Gillet
Mots clés
L’école au cinéma, La banlieue au cinéma, Les relations prof-élèves au cinéma