Un homme nommé Cheval est un western qui décrit avec précision et respect la culture amérindienne à travers une histoire forte et poignante. Richard Harris y est formidable.
Synopsis : En 1825, un aristocrate anglais est capturé par des Amérindiens. Il vit avec eux et commence à comprendre leur mode de vie. Finalement, il est accepté comme membre de la tribu et aspire à devenir leur chef.
Une œuvre de commande que le réalisateur a contrôlé de bout en bout
Critique : A la fin des années 60, le producteur et réalisateur américain Sandy Howard s’entiche du script de Jack DeWitt fondé sur une histoire de Dorothy M. Johnson. Un homme nommé Cheval (1970) est en réalité basé sur l’histoire vraie de Cabeza de Vaca, ce soldat espagnol du 16ème siècle qui a été capturé par les natifs d’Amérique centrale. Bien entendu, les auteurs ont librement adapté ce fait divers pour en faire l’histoire d’un aristocrate anglais confronté à la violence du Nouveau Monde. Après avoir approché Robert Redford qui refuse le projet, jugé trop violent, Sandy Howard impose Richard Harris, autre grande star de l’époque. Enfin, il embauche le réalisateur Elliot Silverstein, déjà connu pour avoir tourné un western décalé intitulé Cat Ballou (1965) avec Jane Fonda et Lee Marvin.
© 1970 Sandy Howard Productions / © CBS Studios Inc. / Création graphique : Gil Jouin pour Dark Star. Tous droits réservés.
Tourné essentiellement au Mexique pour les extérieurs afin de faire des économies, Un homme nommé Cheval a connu un tournage un peu mouvementé puisque le réalisateur ne s’est pas du tout entendu avec le producteur qui souhaitait rogner sur les coûts de production, là où le cinéaste est resté ferme sur ses positions. Face à Silverstein, Richard Harris a parfois fait peser son poids de star pour imposer des changements au script d’origine. Ainsi, Harris a fait grève durant quelques jours pour protester contre certaines décisions, ce qui a encore fragilisé la position de Silverstein sur le plateau. Toutefois, le cinéaste a tenu bon dans la tourmente et a réussi à mettre en boite le long-métrage qu’il souhaitait voir à l’écran.
Une approche quasiment documentaire
Si la plupart des rôles principaux sont encore attribués à des acteurs qui ne sont pas d’origine amérindienne, on note toutefois une volonté d’être le plus proche possible de la réalité historique. Effectivement, cette histoire d’un aristocrate anglais – excellent Richard Harris – qui est fait prisonnier par une tribu sioux et qui va peu à peu comprendre leur culture et même l’adopter, a pour but de mieux faire connaître au grand public les coutumes amérindiennes. Pour cela, Elliot Silverstein s’est entouré de plusieurs historiens et ethnologues afin d’être le plus fidèle possible à la réalité des cultes du peuple sioux. Il a également demandé des conseils auprès des tribus amérindiennes encore survivantes afin de coller au plus près de leur culture.
Finalement, c’est cet aspect quasiment documentaire qui fait encore aujourd’hui toute la valeur d’Un homme nommé Cheval. Assez proche du Little Big Man d’Arthur Penn (1970), mais aussi du Soldat bleu de Ralph Nelson, tournés peu de temps après, le western se veut plus respectueux envers les populations autochtones de l’Amérique. Toutefois, la vérité historique n’est jamais embellie par une quelconque idéologie. Ainsi, les peuples locaux sont montrés tels qu’ils étaient, avec leur lot de cruauté, de règles et de coutumes qui peuvent apparaître comme barbares pour qui ne cherche pas à approfondir ses connaissances.
Des coutumes violentes au cœur d’un mode de vie cruel et impitoyable
C’est toute la force d’Un homme nommé Cheval que d’adopter initialement le point de vue de l’aristocrate britannique qui est rabaissé au rang d’animal par cette tribu qui le garde prisonnier. Ainsi, le spectateur souffre avec le personnage et regarde les Amérindiens comme des êtres sans pitié. On ne peut qu’être effrayé par la coutume du scalp ou encore celle de la danse du soleil qui donne lieu à la séquence la plus remarquable – et la plus choquante – du film. Pourtant, le regard du spectateur évolue en même temps que celui du personnage principal. Effectivement, le protagoniste comprend peu à peu la rudesse du mode de vie semi-nomade de ces chasseurs cueilleurs qui doivent survivre à une nature souvent hostile.
Le long-métrage rappelle également avec justesse que les peuples amérindiens n’ont pas attendu l’arrivée des Blancs pour se massacrer entre eux. On peut ainsi saluer la cruauté de la séquence finale où la tribu est la proie des Shoshones qui pillent leur campement. Devenu un guerrier valeureux, le personnage principal prend alors fait et cause pour ses anciens tortionnaires, mais doit passer lui aussi par une terrible épreuve. Il prend alors pleinement conscience de la cruauté de ce monde indien sans pitié.
Richard Harris au firmament de son talent
Doté d’une image magnifique de Robert B. Hauser, Un homme nommé Cheval est également porté par l’interprétation sans faille d’un Richard Harris très impliqué. Il n’hésite pas à apparaître nu durant un gros quart d’heure du film, dans des situations dégradantes. On admire également le jeu parfait de Judith Anderson, très crédible en vieille indienne au sale caractère. On sera sans doute un peu plus réservé quant au personnage de Français incarné par le québécois Jean Gascon. L’acteur est plutôt bon, mais son personnage n’est jamais vraiment crédible et semble là uniquement pour permettre aux auteurs d’expliquer certains rites au spectateur ignorant.
Finalement, Un homme nommé Cheval est un western moderne très intéressant, méritant amplement sa bonne réputation, et ceci malgré quelques facilités d’écriture. Le long-métrage a obtenu un joli succès en salles, y compris en France où il a intéressé 479 492 spectateurs. De quoi permettre la mise en chantier de deux suites tardives qui furent La revanche d’un homme nommé Cheval (Kershner, 1976) et Le triomphe d’un homme nommé Cheval (Hough, 1982), toujours avec Richard Harris dans le rôle principal.
Le long-métrage est disponible en blu-ray chez Carlotta avec une copie resplendissante et un bonus passionnant, à savoir l’entretien exclusif avec le réalisateur Elliot Silverstein. Les informations de ce papier sont d’ailleurs largement tirées de cet entretien ô combien précieux avec un réalisateur rare.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 9 septembre 1970
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