Malgré quelques bonnes idées dans l’étude des caractères, Un coup de dés échoue à être un thriller trépidant faute de ressorts dramatiques convaincants. Surtout un coup pour rien.
Synopsis : Mathieu doit tout à son ami Vincent : sa maison, son travail, et même de lui avoir sauvé la vie il y a dix ans. Ils forment, avec leurs compagnes, un quatuor inséparable, et vivent une vie sans nuage sur la côte d’Azur. Mais la loyauté de Mathieu est mise à l’épreuve lorsqu’il découvre que Vincent trompe sa femme. Quand la maîtresse de Vincent est retrouvée morte, la suspicion s’installe au cœur des deux couples, accompagnée de son cortège de lâchetés, de mensonges, et de culpabilité.
Un coup de dés ou l’étude de la lâcheté masculine
Critique : Ecrit peu de temps avant le tournage des Choses humaines (2021), le scénario d’Un coup de dés (2023) a finalement attendu sagement dans un tiroir le temps que l’acteur et réalisateur Yvan Attal mette en boite son précédent long qui était en prise directe avec l’actualité. Le thriller, lui, pouvait clairement attendre puisqu’il s’agissait pour le cinéaste de se confronter à un genre qu’il n’avait jamais abordé de manière frontale au cours de sa carrière de metteur en scène.
Pour cela, il s’est très librement inspiré d’un texte écrit par Éric Assous qui était une comédie, mais qu’il a transformé en thriller domestique avec l’aide de sa fidèle coscénariste Yaël Langmann. Le spectateur est donc invité à suivre les mésaventures d’un Monsieur-tout-le-monde (Yvan Attal, parfait dans cet emploi) dont la vie bascule lorsqu’il succombe au charme de la maîtresse de son meilleur ami à qui il doit tout. Dès lors, la mécanique du thriller s’enclenche, fondée notamment sur le principe des choix malheureux effectués par le protagoniste principal, notamment à cause de sa lâcheté.
Un thriller dominé par des personnages féminins forts
Pour autant, le réalisateur prend le temps de présenter le passé des deux amis à travers plusieurs séquences narrées par une voix off un peu trop intrusive. En fait, il faut attendre un gros quart d’heure et l’arrivée du personnage incarné par la charismatique Alma Jodorowsky pour que le métrage commence véritablement à intéresser. Il faut dire que les auteurs ont eu du mal à octroyer une vraie profondeur aux personnages masculins qui sont tous les deux des êtres roublards et finalement terriblement faibles. Comme le film suit le point de vue masculin, cela représente une vraie faiblesse sur le plan narratif car on ne s’attache jamais pleinement à eux.
Ainsi, Guillaume Canet interprète un loup de l’immobilier qui tombe amoureux d’une jeunette et effectue donc sa classique crise de la cinquantaine. Face à lui, Yvan Attal joue un homme fidèle en apparence, mais qui est surtout entravé par une lâcheté de chaque instant. Incapable d’assumer ses actes, le personnage va entrainer dans sa chute tout son entourage. Finalement, ce sont bien les personnages féminins qui sont les plus intéressants dans Un coup de dés. Ainsi, on adore la femme trompée et violente jouée avec conviction par Maïwenn, tandis que Marie-Josée Croze se tire bien de sa position de femme trop confiante en la stabilité de son couple. Mais la vraie révélation du film vient d’Alma Jodorowsky qui est la jeune fille par qui le malheur arrive, sans qu’elle soit coupable de quoi que ce soit d’ailleurs.
Un coup de dés, Hitchcock du pauvre
Si le métrage arbore bien le look d’un thriller domestique dans la mouvance de ce que pouvait faire autrefois des artistes comme Alfred Hitchcock ou bien Claude Chabrol, Un coup de dés n’est pas forcément une grande réussite dans ce domaine. Effectivement, si l’on retire la musique hitchcockienne en diable signée Dan Levy, il ne reste plus grand-chose de l’ambiance si caractéristique des maîtres cités ci-dessus. En fait, le plus intéressant dans Un coup de dés vient du constat de la relativité des choses. Comme dans son précédent long qui évoquait avec complexité et maturité les relations entre hommes et femmes, le thriller d’Yvan Attal rappelle que les choses humaines sont toujours plus complexes, surtout lorsque la passion amoureuse est de la partie.
Dans cette histoire qui évoque à la fois l’adultère, mais aussi un terrible accident domestique lié à une dispute orageuse entre amants, Yvan Attal et sa complice Yaël Langmann ne désignent aucun coupable et tentent de démontrer que chacun peut se retrouver dans la situation inextricable des personnages. Ce point de vue intéressant et plutôt pertinent, qui ne se réduit pas à une binarité tant entendue actuellement, est malheureusement desservi par une intrigue inutilement tarabiscotée et un aspect de thriller qui ne fonctionne jamais vraiment.
D’où le sentiment mitigé qui prédomine à la sortie de la projection tant l’œuvre ne remplit pas totalement le contrat passé avec le spectateur. Ni thriller palpitant, ni étude de mœurs suffisamment poussée, Un coup de dés est condamné à errer du côté de ces œuvres bancales qui finiront dans les oubliettes.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 24 janvier 2024
Biographies +
Guillaume Canet, Marie-Josée Croze, Yvan Attal, Maïwenn, Victor Belmondo, Alma Jodorowsky
Mots clés
Thrillers français, Thrillers domestiques, L’adultère au cinéma