Joli conte pour enfants, Trois noisettes pour Cendrillon est un film de Noël culte dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Il constitue une belle alternative aux niaiseries disneyennes, notamment grâce à son héroïne au caractère bien trempé. Séduisant.
Synopsis : Fille de seigneur, Cendrillon se retrouve reléguée au rang de domestique à la mort de son père par une marâtre opiniâtre et de sa sœur railleuse. Un jour, en se promenant dans les bois avec son cheval blanc, elle fait la rencontre d’un prince escorté de deux fidèles comparses. Un grand bal se prépare au château. Grâce au pouvoir magique de trois noisettes offertes par l’un de ses amis, Cendrillon va pouvoir se vêtir en robe de princesse afin d’y assister.
La version tchèque d’un conte immémorial
Critique : Conte oral dont les origines remontent à l’Antiquité, Cendrillon a fait l’objet d’un nombre considérable de versions. Parmi les plus connues en France, on compte celles de Charles Perrault ou encore des frères Grimm. Pourtant, dans les pays de l’Europe centrale et de l’Est, c’est davantage la version de l’écrivaine tchèque Bozena Nemcová (1820-1862) qui sert de référence. Ainsi, le cinéaste tchèque Václav Vorlícek s’est servi de cette base pour coécrire le script de son Trois noisettes pour Cendrillon (1973).
Afin de l’aider dans cette entreprise, le cinéaste a demandé au célèbre scénariste Frantisek Pavlícek de contribuer grandement à la rédaction du scénario. Pourtant, l’artiste n’apparaît pas nommément dans les crédits car il était alors blacklisté par le régime communiste. Ainsi, seule la scénariste Bohumila Zelenková est créditée au générique, mais il s’agit en réalité d’un prête-nom afin d’égarer les autorités communistes du pays. Même si le réalisateur Václav Vorlícek ne s’est jamais engagé dans ses œuvres cinématographiques, il a donc permis à des artistes en délicatesse avec le régime de travailler.
Cendrillon, une héroïne plutôt moderne dans cette version
Comme fréquemment à l’époque du bloc soviétique, les autorités tchécoslovaques ont opté pour une coproduction avec la RDA afin de minimiser les coûts. Dès lors, Trois noisettes pour Cendrillon a bénéficié des infrastructures des studios Babelsberg tenus par la DEFA, de celles des studios Barrandov à Prague, mais aussi de paysages superbes dénichés en Tchécoslovaquie. D’ailleurs, le tournage ayant été avancé à l’hiver, la tonalité générale du film le renvoie immédiatement à la période de Noël, ce qui contribua beaucoup au succès de l’œuvre dans les pays germaniques.
Fort de son expérience dans la comédie délirante et le conte pour enfants, le cinéaste Václav Vorlícek respecte parfaitement les grandes lignes du célèbre conte, non sans lui insuffler une forme de modernité totalement absente de la version animée de Disney (1950). Ainsi, les jeunes filles d’aujourd’hui seront ravies de trouver ici une héroïne qui n’est jamais réduite à l’état de potiche. Certes, la jeune fille finira par se marier avec le Prince, mais cela n’intervient qu’après un long processus qui la voit tomber progressivement amoureuse. Pur élément de modernité, l’héroïne insiste auprès du Prince pour qu’il lui demande son consentement. Le terme est nommément utilisé, alors qu’il sonne terriblement actuel à nos oreilles.
Des acteurs correctement dirigés et entourés d’une sacrée ménagerie
Mais si le conte séduit encore autant de nos jours, cela vient de ce rapport privilégié que Cendrillon entretient avec la nature et plus particulièrement les animaux. Václav Vorlícek a sorti toute la ménagerie avec notamment un chien malicieux, un chat, un superbe cheval blanc, mais aussi un hibou, des pigeons très malins, un faon et un renard. Avec une réelle générosité, le cinéaste filme nos amis à quatre pattes avec un soin tout particulier, intégrant parfaitement son héroïne dans ces scènes.
Vorlícek parvient également à nous faire rire grâce au ridicule attaché à la marâtre (excellente Carola Braunbock) et à sa fille au physique ingrat. Leurs humiliations incessantes vis-à-vis de la petite Cendrillon sont bien évidemment sanctionnées par le destin, ainsi la justice est rétablie. Dans le rôle principal, la toute jeune et toute fraîche Libuse Safránková fait preuve d’un beau naturel à l’écran. A la fois mignonne, mais aussi espiègle et volontaire, elle fait une Cendrillon parfaite pour servir de modèle aux petites filles.
Face à elle, le Prince est incarné par le très séduisant Pavel Trávnícek. Pourtant, ce qui finira par attirer la jeune fille, c’est la capacité du jeune garçon à s’émanciper de son statut de prince pour faire preuve d’intelligence dans sa séduction. Enfin, signalons également la présence de l’excellent acteur allemand Rolf Hoppe dans le rôle du Roi, même si son rôle est plutôt secondaire.
Un film culte dans les pays de l’Est, mais plutôt méconnu en France
Réalisé avec d’importants moyens, de jolis décors et des costumes kitsch, Trois noisettes pour Cendrillon est également charmant grâce à la partition musicale de Karel Svoboda (dont tout le monde connaît le travail en France puisqu’il a mis en musique les séries animées Maya l’abeille, Nils Holgersson ou encore Pandi Panda). Son travail sur le film est tout à fait séduisant et les différents thèmes de cette fantaisie musicale agréable s’insinuent facilement en nous.
Sorti entre 1973 et 1974 en Tchécoslovaquie, puis en Allemagne de l’Est, Trois noisettes pour Cendrillon a connu un très beau succès, devenant même un classique des rediffusions télé lors des fêtes de Noël. Tous les enfants d’Europe centrale et de l’Est connaissent donc cette œuvre charmante. Toutefois, en France, le film n’aurait été diffusé que dans le circuit parallèle des films pour enfants vers la fin des années 70, ce qui explique l’existence d’une version doublée de bonne qualité. Il est finalement sorti en VHS au tout début des années 90, puis en DVD en 2013, à chaque fois de manière confidentielle, avant de trouver un écrin à sa mesure chez Artus Films dans sa collection des Contes et légendes européennes.
Critique de Virgile Dumez
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Václav Vorlícek, Rolf Hoppe, Libuse Safránková, Pavel Trávnícek, Carola Braunbock
Mots clés
Cinéma tchécoslovaque, Cinéma tchèque, Conte de fées, Films pour enfants avec des animaux, Artus Films