Torpilles sous l’Atlantique est une bataille navale un peu vieillotte qui vaut surtout pour ses deux stars, Mitchum et Jürgens.
Synopsis : Deux capitaines de bâtiments de guerre pendant la bataille de l’Atlantique. L’un est un sous-marin allemand et l’autre un destroyer américain. Les deux hommes rivalisent d’ingéniosité dans leurs tactiques et la poursuite devient une véritable partie d’échecs ou chaque erreur peut-être fatale et à l’issue de laquelle il ne peut en rester qu’un.
Destroyer contre U-Boat
Critique : Avec à peine 1 581 000 entrées et une petite 60e place annuelle en France, Torpilles sous l’Atlantique n’a pas été la bataille navale escomptée au box-office. Produite et réalisée par le comédien Dick Powell six ans avant sa mort, cette production Twentieth Century Fox alors dirigée par Darryl F. Zanuck, n’a pas l’impact du Bal des maudits que le studio sort deux mois plus tard. Il est vrai que le film d’Edward Dmytryk, avec Marlon Brandon et Montgomery Clift, impressionne par ses ambitions. Et que dire, dans le même genre, du Pont de la rivière Kwai distribué sur notre territoire à peine deux mois auparavant, à la fin de l’année 1957, sous l’égide de Warner Bros. Ce dernier déployait des moyens spectaculaires et le talent épique d’un certain David Lean. La Rivière Kwai achèvera sa descente à 13 500 000 entrées quand Le Bal des maudits stoppera sa danse à 4 656 000 entrées.
Ce qui manque à Torpilles sous l’Atlantique c’est une réalisation plus tumultueuse. Cet affrontement entre un destroyer et un U-Boat durant la Bataille de l’Atlantique manque de secousses. La première partie est plutôt plate comme mer, dans ce sud Atlantique où le bleu tropical domine. En fait, les extérieurs ont été tournés sur le Pacifique ! Un comble.
Le premier film américain de la star allemande Curd Jürgens
Adapté d’un roman du commandant D.A. Rayner, le film hollywoodien s’évertue à offrir l’héroïsme et la virtuosité à un commandant et navire américain quand le roman donnait la nationalité britannique à l’équipe à bord du torpilleur. Dans le rôle de son Commandant, on retrouve un certain Robert Mitchum. On venait à peine de le quitter dans L’enfer des tropiques (Fire Down Below). Le film n’est pourtant pas le même. Ici point de rousseur incandescente pour embraser le scénario. L’Enfer des tropiques était surtout bâti autour de Rita Hayworth quand le film de guerre Torpilles sous l’Atlantique (The Enemy Below) se pare d’un casting exclusivement masculin, avec comme contre-partie à l’héroïsme et l’ingéniosité américaine Curd Jürgens. L’acteur Allemand, vu dans Et Dieu créa la femme et surtout dans le monumental Michel Strogoff, est forcément le commandant du sous-marin teuton qui veut en découdre. La star européenne trouve ici son premier grand rôle américain. Elle sera d’ailleurs nommée aux BAFTA dans la catégorie du Meilleur acteur étranger à cette occasion. Respect.
Introspection de la masculinité au cœur de la guerre
Mitchum et Jürgens sont forcément les deux atouts de cette production somptueuse dont le scénario vaut surtout pour sa réflexion sur les tactiques et les stratégies de guerre. Les deux hommes apparaissent bien plus que comme des hommes d’honneur ou de fins stratèges qui se respectent et ne cherchent pas à se connaître dans un potentiel exercice de combat à mort. Ils philosophent sur un conflit sans honneur et sans dieu où l’on sent poindre la lassitude et le désabusement.
Outre le patriotisme, c’est bien le patriarcat qui est aussi essoré via la remarque du commandant allemand qui essaie de se rassurer après avoir perdu ses deux fils qu’il avait élevés dans la perspective de la guerre et qui sont tous deux mort pour leur patrie.
La masculinité de cette époque ne laisse aucun doute sur le sort des hommes dont le destin était de vivre pour servir leur nation et donc se sacrifier pour elle. La réflexion dépasse l’époque et nourrit encore les méditations sur ce qu’est être homme à notre époque contemporaine quand il n’y a plus de guerre à mener et donc quand la crise de la masculinité s’ensuit.
Les autres films de sous-marin
Au final, Torpilles sous les tropiques intéresse moins pour l’action un peu vieillotte que pour ses enseignements post deuxième guerre mondiale sur des hommes oppressés dans l’unité de lieu symbolique de leurs vaisseaux mais aussi dans leur carapace difficile à porter. L’individualité est abandonnée pour se conformer au groupe et c’est bien toute la polysémie du titre original, The Enemy Below (l’ennemi sous la surface) qui doit s’imposer au spectateur comme l’énigme principale à percer. De ce fait, Torpilles sous les tropiques comporte bien des pistes de lecture passionnantes à explorer.
A voir dans le même genre L’Odyssée du sous-marin Nerka de Robert Wise, avec Burt Lancaster, Jack Warden, Clark Gable, qui sortira dans les salles françaises 5 mois plus tard.
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