L’Odyssée du sous-marin Nerka est un classique du film de sous-marin qui parvient à créer une tension de chaque instant, sans pour autant susciter l’enthousiasme à cause d’une réalisation un peu trop impersonnelle. Efficace à défaut d’être bouleversant.
Synopsis : En 1942, pendant le conflit américano-japonais, le sous-marin du commandant Richardson est coulé par le submersible nippon, l’Akikaze. Rongé par ce mauvais souvenir, il se voit confier la direction d’un nouveau sous-marin, le Nerka, au détriment de Jim Bledsoe, son second. Après des mois d’entraînement intensif, Richardson a l’occasion de prendre sa revanche.
Critique : Au milieu des années 50, le studio United Artists se porte acquéreur des droits du roman Run silent, run deep d’Edward L. Beach avec l’intention d’en tirer un film susceptible de casser la baraque au box-office. Après avoir envisagé une nouvelle collaboration entre Cary Grant et le réalisateur Delmer Daves suite au succès de Destination Tokyo tourné en 1943, le studio finit par se reporter sur l’acteur Burt Lancaster qui se charge également de produire le long-métrage. C’est finalement le studio qui contacte le réalisateur Robert Wise, alors en pleine possession de ses moyens – il vient de signer un petit chef d’œuvre intitulé Marqué par la haine (1956) avec Paul Newman. Le tournage se déroule ensuite en grande partie en studio puisque le film appartient à ce sous-genre bien spécifique du film de sous-marin, dont il est d’ailleurs souvent considéré comme un modèle.
© 1958 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved.
Robert Wise a effectivement l’intelligence de se pencher sur la rivalité entre un commandant – incarné avec justesse et sobriété par un Clark Gable vieillissant – et son second, un jeune loup ambitieux interprété avec ferveur par Lancaster. Ainsi, la guerre des nerfs à laquelle sont soumis les marins est non seulement liée aux ennemis de l’extérieur, mais aussi aux jalousies et mesquineries internes au sous-marin. Cette dimension psychologique permet à cette Odyssée du sous-marin Nerka de maintenir une tension permanente, et ceci même si le huis clos tend à amoindrir les enjeux narratifs par le cloisonnement des hommes dans un espace confiné. Plutôt bien documenté – on se croit vraiment dans un sous-marin des années 40 – le film propose donc une vision assez réaliste de ce milieu très particulier où la promiscuité favorise aussi bien les élans de solidarité que les rancœurs. Grâce à une caméra qui sait rester mobile malgré le peu d’angles d’attaque possibles, Robert Wise arrive donc à créer un climat de tension propice au suspense.
De facture solide, le résultat final n’est toutefois pas aussi stupéfiant que prévu puisque l’histoire demeure somme toute assez convenue. Très professionnelle, la réalisation de Wise semble tout de même moins inspirée que d’habitude, sans doute à cause du caractère impersonnel du projet. Ainsi, le cinéaste laisse passer un certain nombre de transparences foireuses, ainsi que des séquences de batailles navales entièrement réalisées avec des maquettes parfois bien identifiables. Ces effets malheureux nuisent parfois à la crédibilité de ce qui se déroule à l’écran. Considéré aujourd’hui comme un des grands films de sous-marin, L’odyssée du sous-marin Nerka est sans contestation possible un très bon divertissement, mais il échoue à s’élever au-delà de la simple commande de studio. Ses résultats au box-office furent d’ailleurs loin d’être mirifiques, malgré un casting en or.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 2 juillet 1958
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Robert Wise, Burt Lancaster, Jack Warden, Clark Gable, Brad Dexter