Critique cinglante du milieu de la finance, Tokyo Shaking est porté par une excellente Karin Viard. Malheureusement, le film a été un terrible échec commercial. Une injustice à réparer.
Synopsis : Tokyo, le 11 mars 2011 : un tsunami ravage la côte du Japon, menaçant de détruire la centrale de Fukushima. Alexandra, qui travaille depuis peu pour une banque française à Tokyo, se retrouve au cœur de cette crise. Tiraillée entre les ordres de sa direction et la volonté de protéger sa famille et ses collaborateurs, Alexandra tente de composer avec la situation et se retrouve, presque malgré elle, à défendre une certaine idée de l’honneur…
Inspiré d’une histoire vraie…
Critique : Pour écrire le scénario de Tokyo Shaking, le réalisateur et documentariste Olivier Peyon s’est inspiré du récit d’une de ses amies qui était employée d’une banque française à Tokyo lors du fameux tsunami de mars 2011 qui a ensuite déclenché l’accident nucléaire de Fukushima. Ce qui a immédiatement intéressé le cinéaste dans cette histoire était le fait de pouvoir raconter une catastrophe sous un angle différent des grosses productions habituelles, à savoir celui du quotidien des habitants pris dans la tourmente. Evidemment, dans un contexte de tour d’ivoire vacillante, Peyon se livre en particulier à une critique d’une autre source de crise qui secoue les destins, de façon aléatoire, la finance. Celle-ci est pointée du doigt de la gestion cruelle du personnel jusqu’à la mise en parallèle avec le cataclysme que fut la crise des subprimes aux USA, à la fin des années 2000.
Olivier Peyon n’a pas pour intention de filmer le tremblement de terre, se contentant d’images d’archives diffusées par le biais de téléviseurs. Cela suffit toutefois pour donner un sentiment de menace imminente. Loin des délires d’un Roland Emmerich ou d’autres films catastrophes venus d’Hollywood, Tokyo Shaking se concentre donc sur le vécu des gens en situation de tension extrême. Il montre ainsi les réactions très différentes en fonction des personnes, entre ceux qui paniquent totalement, ceux qui font preuve d’une confiance aveugle envers les autorités et enfin ceux qui tentent de garder la tête sur les épaules comme le personnage de working girl incarné avec autorité par Karin Viard.
Le choc entre l’individu et l’intérêt collectif
Dans un milieu financier gangrené par l’individualisme (le supérieur hiérarchique – interprété avec talent par Philippe Uchan – qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez et fuit le navire en pleine tempête, la volonté de sacrifier le personnel si le besoin de la société l’exige), le personnage de Karin Viard est décrite comme un « bon petit soldat » qui obéit aux directives du siège social. Mais dans un contexte d’abnégation de soi et du collectif propre aux tokyoïtes, elle ne se départit pas d’une certaines humanité dans le traitement réservé à ses collaborateurs, même s’ils sont considérés par la hiérarchie comme subalternes. Ainsi, Alexandra (Viard, donc) finit par adopter un comportement typiquement nippon en faisant passer l’intérêt collectif avant sa propre personne. Elle tient la barre jusqu’au bout et gagne ainsi le respect du personnel japonais.
Loin de mettre en avant des figures héroïques, Olivier Peyon tente donc de rester toujours à hauteur humaine, d’individus pétris de contradictions et d’hésitations. Il s’appuie pour cela sur un script bien écrit, même si on peut regretter une fin un peu abrupte.
Un injuste accident industriel au box-office
En tout cas, celui qui est également un bon documentariste et qui a toujours eu à cœur de tourner à l’étranger (en Uruguay pour Une vie ailleurs ou en Palestine pour Latifa, le cœur au combat) se tire bien de la description du Japon. Réalisé avec talent entre la France (pour les intérieurs) et la ville de Tokyo (pour les extérieurs), Tokyo Shaking profite surtout du charisme toujours intact de Karin Viard qui surpasse l’ensemble du casting. Ainsi, face à elle, le jeune Stéphane Bak , en contre-emploi, apparaît quelque peu fragile et son personnage n’a pas vraiment de relief.
Intéressant et faisant preuve de nuances, Tokyo Shaking méritait en tout cas mieux que le désaveu total du public qui n’a tout simplement pas fait le déplacement. Avec seulement 40 871 entrées sur toute la France, et en dépit d’une implantation dans 181 cinémas lors de sa semaine d’investiture, le long-métrage a subi la réouverture des salles, suite à la crise de la COVID-19, plus qu’il n’en a profité, pâtissant fortement d’un manque de notoriété.
La déception fut telle que le film ne bénéficia pas d’une sortie vidéo physique en France. L’éditeur Wild Side, lui-même pas au plus en forme de son histoire, n’a proposé Tokyo Shaking qu’en VOD et achat digital, c’est-à-dire numérique, pour bien parler la France. Distrib Films US propose en revanche une édition DVD, disponible sur les sites de vente internationaux. La société américaine en a acquis les droits en octobre 2021
Pour les producteurs, le budget moyen de 4 800 000 euros restera néanmoins difficile à éponger.
Critique : Virgile Dumez
Notes box-office : Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 23 juin 2021
Voir le film en VOD
Biographie + :
Stéphane Bak, Karin Viard, Jean-François Cayrey, Philippe Uchan, Yumi Narita, Olivier Peyon