The Irishman : la critique du film (2019)

Drame, Film de gangsters | 3h30min
Note de la rédaction :
5/10
5
The Irishman - affiche

Note des spectateurs :

Œuvre du buzz à la réputation bâtie sur Internet par l’autopromotion d’une génération Netflix, The Irishman, beaucoup trop long et au budget record assez vain, est bien loin des jalons de Martin Scorsese qui est, rappelons-le, l’auteur de Taxi Driver, Raging Bull, Les affranchis et Silence.

 

Synopsis : Cette saga sur le crime organisé dans l’Amérique de l’après-guerre est racontée du point de vue de Frank Sheeran, un ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale devenu escroc et tueur à gages ayant travaillé aux côtés de quelques-unes des plus grandes figures du 20e siècle. Couvrant plusieurs décennies, le film relate l’un des mystères insondables de l’histoire des États-Unis : la disparition du légendaire dirigeant syndicaliste Jimmy Hoffa. Il offre également une plongée monumentale dans les arcanes de la mafia en révélant ses rouages, ses luttes internes et ses liens avec le monde politique.

The Irishman : beaucoup de bruit pour rien

Critique : Sur-attendu, surestimé avant même sa diffusion sur la plateforme de SVOD Netflix, The Irishman a été l’œuvre de tous les fantasmes, de par la réunion entre De Niro et Scorsese, qui n’avaient pas œuvré ensemble depuis Casino, en 1996, parce qu’il s’agissait de son premier film de gangsters depuis une décennie, après notamment un film contemplatif, Silence, empreint d’une spiritualité magnifique qui n’était pas forcément du goût de ceux qui préfèrent le cinéaste new-yorkais aux commandes de projets plus hargneux (Les infiltrés, Shutter Island…). De notre côté, on en était même allés à envoyer un message de mécontentement à l’attaché(e) de presse du film qui ne nous avait pas invités aux avant-premières parisiennes, pour une découverte sur un grand écran, le seul que l’on croyait adapté à la démesure d’un auteur qui a fait du cinéma, du 7e art, son existence à part entière.

The Irishman histoire et genèse du Scorsese, avec De Niro et Pacino

© Netflix

Mais c’était oublier qu’il s’agissait ici d’une œuvre compliquée à réaliser (lire ici), que les majors américaines avaient refusé de prendre sous leurs ailes, que c’était une exclusivité Netflix, et qu’à vrai dire, rien de très bon ne ressort jamais de ces exclus du vendredi soir (ici la plateforme a toutefois décidé de lancer la diffusion un mercredi pour faire genre c’est du cinéma).

Pour ne pas avoir perdu notre précieux temps en salle, on en remercierait presque les studios de ne pas s’être laissé tenter par la production de 150 millions de dollars sur trois interminables heures trente qu’est The Irishman, puisque même le Hoffa de Danny DeVito avec Jack Nicholson nous paraît plus abouti. Certes, on parle ici avec le recul de la mémoire défaillante qui a le pardon facile : à vrai dire, on n’avait pas vraiment apprécié ce biopic académique, à sa sortie, en 1993, et on ne s’est jamais précipité pour le revoir.

Donc, The Irishman, œuvre testamentaire ? Film de gangsters ultime dans la lignée des Affranchis ? C’est qu’on y retrouve, outre De Niro, un certain Harvey Keitel qui a hanté les premiers essais du cinéaste, dont Means street, mais aussi Joe Pesci, autre proche historique du réalisateur. Pis, un certain Pacino incarne Hoffa, le leader syndicaliste, donc le rôle le plus important face à celui de De Niro qui porte toutefois le premier rôle, celui du tueur à gages, Frank Sheeran, qui avoua avoir tué Hoffa dans les années 2000, contraint par la mafia, et à été l’un des plus proches amis du syndicaliste des routiers qui agita l’Amérique dans les années 50 et 60 : il fut notamment celui qui affronta le député Robert Kennedy dans des crises sociales devenues historiques au pays de l’Oncle Sam.

Le Cinémascope à la trappe

Rien de tout cela ne viendra donner de l’étoffe à The Irishman. Beaucoup trop long pour ce qu’il a dépeindre (des souvenirs, toujours des souvenirs, avec une structure en flashback que l’on pourrait qualifier de banale, voire d’insipide), trop superficiel par rapports aux faits historiques et humains relatés en parallèle, le Scorsese inédit au cinéma est surtout une œuvre loin du génie pictural et de la technicité virtuose de l’auteur qui n’a pas fait de faux pas depuis… On dira des lustres. Ce n’est pas que la réalisation est insipide : on parle ici de Scorsese qui a toujours de nombreuses idées dans la caboche ; mais, dans un format télévisuel qui ne laisse guère de place aux décors, aux cadrages et aux personnages, pour exister, on se sent oppresser. Exit le Scope habituel du cinéaste (Silence était du 2:39), le direct-to-SVOD est un pur 1:85. Certes, Il était une fois en Amérique de Sergio Leone en 1984 affichait le même ratio, mais c’était une œuvre monumentale quand The Irishman ne donne jamais l’impression d’assister à une reconstitution grandiose. Le film est en fait même souvent intimiste. La succession de scènes, montées sans grande fluidité s’insinue sans véritable enjeux si ce n’est celui du rajeunissement des acteurs, gadget technologique pour donner du sens à l’existence même du projet.

L’œuvre de Dieu, La part du Mal

L’humanité est molle dans cette œuvre au formol qui semble avoir avalé beaucoup de couleuvres. Jamais l’amitié entre le personnage de De Niro et celui de Pacino ne paraît suffisamment serrée pour apporter un caractère tragique au film, puisque de la grande tragédie humaine où le proche assène le coup fatal et dans laquelle le rapport à la rédemption est essentiel, on en tire qu’un ennui poli, celui d’être resté en dehors du film. Point de tension ou de fascination, d’émotion ou palpitation, The Irishman n’est que déception. Les Pro-Netflix de moins de 30 piges s’agiteront pour fortifier le rempart branlant du géant américain qui compte beaucoup sur cette œuvre au budget nous laissant un peu coi, pour bomber le torse à l’arrivée de Disney +. Les Oscars, eux, devraient se laisser tenter par le pied fait par la société américaine : et pour cause, les ¾ des grands comédiens hollywoodiens – au chômage technique en dehors des tournages de films de super-héros – , sont obligés de prêter allégeance à Netflix pour continuer à exister. Nous dans tout cela, on continue d’y croire. Le prochain Scorsese devrait sortir au cinéma…

Critique : Frédéric Mignard

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The Irishman - affiche

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