Adaptation d’une pièce de théâtre très incisive, The Anniversary est l’occasion de redécouvrir Bette Davis dans un rôle de harpie, emploi qu’elle affectionnait tant à partir des années 60-70. Le film vaut surtout le détour pour sa prestation.
Synopsis : Veuve depuis dix ans, Mme Taggart règne sur sa famille tel un despote sur son peuple. Impossible pour ses trois fils d’échapper au rituel annuel de la célébration de son anniversaire de mariage avec un homme qu’elle haïssait pourtant. La mort dans l’âme, accompagnés par leur conjointe, Terry, Henry et Tom renouent avec leur mère, un sourire crispé au coin des lèvres.
Au départ, un succès théâtral
Critique : En 1966, le dramaturge et scénariste écossais Bill MacIlwraith rencontre un joli succès avec sa pièce de théâtre The Anniversary qui est d’abord jouée au Théâtre royal de Brighton, avant d’être reprise avec encore plus de succès dans le West End. A cette époque, le rôle principal de la matriarche était tenu par Mona Washbourne. Alerté par le beau succès remporté par la pièce, la Hammer en achète les droits pour en tourner une version cinématographique. Scénariste attitré de la firme, Jimmy Sangster rédige donc un scénario qui tente de faire oublier l’origine théâtrale du texte en délocalisant quelques scènes dans un restaurant ou en suivant les pas extérieurs du fils pervers en quête de sous-vêtements féminins à endosser.
La firme se met également en contact avec la star américaine Bette Davis afin qu’elle incarne la matriarche peau de vache, un rôle conçu sur mesure pour celle qui vient de triompher dans des emplois similaires avec Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (Robert Aldrich, 1962), Chut… chut, chère Charlotte (Robert Aldrich, 1964). D’ailleurs, l’actrice avait déjà été sollicitée par la firme britannique pour Confession à un cadavre (Seth Holt, 1965), dont Bette Davis avait un excellent souvenir du tournage. S’entendant à ravir avec Jimmy Sangster, la diva à la réputation exécrable ne s’est donc pas fait prier pour revenir aux studios britanniques d’Elstree afin d’interpréter The Anniversary (1968).
Le licenciement du réalisateur par Bette Davis
Pourtant, les choses se gâtent très rapidement puisque le studio a attribué la réalisation à Alvin Rakoff, surtout connu pour ses travaux télévisuels. En seulement quelques jours, les relations entre Bette Davis et le cinéaste se sont dégradées car la star trouvait le travail du réalisateur indigne du grand écran. C’est que la dame a tourné avec les plus grands et elle le fait clairement savoir en abandonnant le plateau. Débuté le mercredi 3 mai 1967, le tournage est en stand-by dès le mardi 9 mai et la star menace de ne pas revenir tant qu’Alvin Rakoff demeure à son poste. Cet incident diplomatique est rapporté par Jimmy Sangster (cité dans le livre L’antre de la Hammer de Marcus Hearn, Akileos, 2016, page 100) qui reçoit un courrier des Etats-Unis – partenaires de la Hammer – lui disant que :
The Anniversary n’était pas un film d’Alvin Rakoff, pas plus qu’un film d’Anthony Hinds ou de Jimmy Sangster. Et, en allant même encore plus loin, ce n’était même pas un film de la Hammer. C’était un film de Bette Davis.
Licencié dans la foulée (le 10 mai 1967), Alvin Rakoff est donc remplacé par le cinéaste Roy Ward Baker qui vient tout juste d’intégrer la Hammer et qui ne dispose que de quelques jours pour prendre la succession. Notons au passage qu’Alvin Rakoff fut intégralement payé en dédommagement et que Roy Ward Baker fut bien accueilli par la star car elle le connaissait déjà depuis plusieurs années. A partir de cet incident, le tournage fut globalement cordial, même si les autres acteurs avaient pris fait et cause pour le cinéaste démissionnaire. Enfin, signalons que la plupart des plans tournés par Rakoff ne sont pas présents dans le montage final que l’on peut donc entièrement attribuer à Roy Ward Baker.
Un film à la gloire de Bette Davis
Certes, l’attitude de diva de Bette Davis peut sembler excessive, mais elle avait bien conscience qu’elle constituait le pivot d’un film qui tourne intégralement autour de son personnage et de sa prestation. Dès qu’elle apparaît à l’écran, affublée d’un cache-œil, la star dévore ses partenaires par son charisme monstrueux. Toutefois, cela ne déséquilibre en rien le long métrage puisque ce personnage doit justement apparaître comme abusivement autoritaire. Face à elle, les autres acteurs doivent donc lutter pour s’imposer face à la tornade qui cabotine à loisir. Ainsi, la petite fiancée d’un des fils est incarnée par Sheila Hancock qui démontre une vraie personnalité. D’ailleurs, il est intéressant de signaler qu’elle a joué à nouveau dans la reprise de la pièce en 2005, mais cette fois dans le rôle de la matriarche.
Dans les rôles des fils de la harpie, les auteurs ont convié les comédiens de la pièce, qui ont compris qu’ils devaient s’effacer devant la star. Ainsi, Jack Hedley interprète le fils qui n’a aucune personnalité et l’excellent James Cossins retrouve son rôle de pervers créé sur scène.
Vous reprendrez bien une dose d’humour camp!
Œuvre au texte particulièrement corsé, The Anniversary déploie une certaine dose de misogynie en faisant des femmes des harpies qui portent la culotte, tandis que tous les hommes demeurent en retrait. L’humour déployé peut être affilié au style camp, avec sa description de femmes outrageusement méchantes et d’hommes aux goûts sexuels un peu particuliers (le fils qui aime se vêtir en femme, par exemple). Le long métrage, sans jamais l’évoquer directement puisque nous sommes encore au cœur des années 60, s’adresse donc indirectement à un public homosexuel qui y verra l’occasion de rire à gorge déployée face à tant de méchanceté gratuite.
Toutefois, malgré les efforts consentis par Roy Ward Baker, l’impression d’assister à une pièce de théâtre filmée ne disparaît jamais totalement. The Anniversary est donc une comédie recommandable par son écriture vacharde qui ne se termine même pas de manière morale, mais elle ne possède guère d’atout sur le plan purement cinématographique. Seuls les fans de Bette Davis, dont nous faisons partie, pourront donc trouver de l’intérêt au visionnage de cet objet entièrement voué au culte de la star vieillissante.
Malgré de réelles qualités, The Anniversary n’a pas rencontré le succès, à tel point que le long métrage n’a même pas été distribué en France. En fait, il a fallu attendre les années 2000 pour que la comédie noire soit proposée d’abord en DVD, puis en 2019 dans une édition combo DVD et blu-ray chez BQHL Éditions. De quoi permettre aux fans de la grande Bette Davis d’étancher leur soif de malveillance sur pellicule.
Critique de Virgile Dumez
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Mots clés
Cinéma britannique, Les films de la Hammer, Comédies du verbe, Comédies noires, Adaptation d’une pièce de théâtre