Suicide Squad : la critique du film (2016)

Action, Film de super-héros | 2h13min, 1h24min (version longue)
Note de la rédaction :
3/10
3
Suicide Squad, affiche française définitive

Note des spectateurs :

Et un vilain petit canard de plus dans l’écurie des D.C. Comics sur le grand écran. Suicide Squad est un vrai mauvais film, survendu grâce à un buzz viral incontrôlable qui explique un succès qualitativement irrationnel.

Synopsis : C’est tellement jouissif d’être un salopard ! Face à une menace aussi énigmatique qu’invincible, l’agent secret Amanda Waller réunit une armada de crapules de la pire espèce. Armés jusqu’aux dents par le gouvernement, ces Super-Méchants s’embarquent alors pour une mission-suicide. Jusqu’au moment où ils comprennent qu’ils ont été sacrifiés. Vont-ils accepter leur sort ou se rebeller ?

Critique : Non. Distribuer un film de super-héros, ou, comme ici, de vilains anti-super-héros, en 2016, ce n’est pas un happening. C’est même le non-événement par excellence. Juste une question de marketing, propre aux gros studios qui ont les moyens de gaspiller des centaines de millions de dollars dans des campagnes de marketing, notamment virales, pour susciter l’illusion que le spectateur est face au dernier produit “cool, hype, transgressif”, qui n’est en fait qu’une application à l’identique de codes faussement détournés des gentilles productions bien rodées, celles de Marvel.

Avec ses traits brouillons de street art mal brossé, Suicide Squad a voulu se vendre pendant une longue année comme un produit mode pour hipsters en manque d’inspiration pour leur tatouage du prépuce. Ainsi, Warner Bros. a survendu le pseudo bébé déjanté comme l’ultime produit rebelle du bastion, nonobstant la réalité dissimulée : le film n’est qu’en fait une énième resucée du plan média de Kick Ass ou des Gardiens de la Galaxie, pour le politiquement incorrect et la fascination des jeunes pour les baddies, puisque dès la note d’intentions, le comics s’anime à vouloir à ériger le vilain comme un modèle d’anti-héros décapant. En gros, il faut encanailler le spectateur venu voir un collectif à la Avengers sous une autre forme, tout en évitant l’approche excessivement grave et solennelle des échecs commerciaux des Zack Snyder qui pompaient l’approche visionnaire de Nolan sans le plaisir de la gâterie.

Warner Bros présente Suicide Squand

© 2016 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Suicide Squad est foireux

L’affreux casting de Suicide Squad en disait long : Will Smith en quête d’une rédemption artistique, à un Ali près, n’a jamais tourné dans un seul bon film : pis, il accumule les effusions laxatives (Sept vies, Seul contre tous, Diversion, After Earth). Ici, ses muscles saillants n’y feront rien. Le monsieur n’a aucun intérêt à jouer les mesquins, et c’est donc en (trouble) père de famille avant tout – scène très faible avec sa fille qui s’érige entre lui et Batman au tout début -, qu’on le retrouve. Papa Will Smith en Deadshot peut au moins se féliciter d’une chose : il reste toujours plus convaincant que Jada Pinkett, son épouse qui était visible le même jour dans Bad Moms, hasard des calendriers de distributeur.

Margot Robbie est un autre cas sensible au générique, tant son personnage féminin est essentiel à l’escadrille des vauriens. La comédienne se vautre dans le médiocre depuis ses débuts et n’aurait aucune crédibilité à nos yeux sans sa participation au jouissif Le Loup de Wall Street de Scorsese. Ici, son jeu se résume à mélanger les délires d’Eva Green et Anne Hathaway, pour une composition bécasse, intrinsèquement sexy, mais sans grande personnalité. Toute langue tirée, elle joue sur les sous-entendus coquins, se déhanche beaucoup, mais sa vilenie ne fait pas grimper le thermomètre au-dessus de ses hautes gambettes. Le public, mécontent du film dans l’ensemble, ne retiendra pourtant que sa présence et Warner optera pour une production entière sur son personnage dans Birds of Prey, en 2020.

Le reste du casting est à l’avenant, souvent décevant. Jay Hernandez, méconnaissable, a le look (celui du pyromane tatoué chauve), mais dès qu’il ouvre la bouche, la fragilité est là. Le latin lover est au box-office ce que Enrique Iglesias est aux charts, un stéréotype latino muy caliente qui aurait mieux fait de rester à sa place (lui aussi était d’ailleurs dans Bad Moms, un signe ?).

Jared Leto, cas psychotique, a vraiment vécu sa carrière d’espoir sur deux ans, en 1999-2000 (Requiem for a dreamFight Club, American Psycho, La ligne Rouge). Depuis, il n’est qu’une manifestation exaspérante du sur-je(u), largué derrière Christian Bale, Tom Hardy et évidemment DiCaprio qui ont tout réussi, tout prouvé, et n’ont donc plus à frôler l’overdose dans chaque rôle pour affirmer leur pertinence… Travesti comme à son habitude depuis quelques films, Jared Leto, grimé en Joker, grimace beaucoup. Pantin désarticulé sous amphétamine, il est le cas à part du casting. Trop doué pour se conformer aux autres, trop éreintant pour jouer un grand rôle. Ses apparitions sont à la fois trop rares et souvent de trop. Warner ne fera pas appel à lui pour reprendre l’histoire du Joker, dans le classique de Todd Phillips, salué par la presse, la critique et Venise en 2019.

Énième produit de marketing qui reflète le cynisme d’une industrie qui ne croit plus dans l’individuel

Le cinéma n’est plus que consortiums bouffis de super-(anti-) héros, comme la musique d’aujourd’hui n’est plus que featurings ingrats qui soulignent un mal-être général : individuellement, toutes ces figures ne seraient-elles pas l’incarnation d’une incapacité d’être, de pouvoir et de projeter, une pornographie des additions qui évite la prise de risque d’œuvres isolées sur ces personnages singularisés ?

Harley Quinn dans Suicide Squad

© 2016 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Face aux paris risqués en solo, Warner a donc mélangé les personnages pour une furieuse orgie de joutes verbales, viriles et balourdes. Mais la somme assomme et la route empruntée déroute… C’est le bordel dans le script peu finaud et l’escouade se cherche encore une vraie vedette dans le collectif. La mise en place expéditive des personnages, tous taulards, rapprochés artificiellement, in media res, par le personnage joué par l’excellente Viola Davis, est pourtant fastidieuse. David Ayer, réalisateur souvent honnête, est persuadé d’être un maître du visuel, et donc nous fait subir un montage guère lisible, où la majesté de la mise en scène n’est pas de rigueur.

Trop long pour ce qu’il a à dire, Suicide Squad est une œuvre engoncée dans un délire qui s’émancipe peu à l’écran. Tout est toujours trop calculé et écrit, la transgression n’est qu’une intention promotionnelle qui ne ressort jamais d’un script surnaturel où l’on ne ressent même pas la furie des violences déchaînées (c’est du PG-13, pas plus). Dans l’antre de la folie collective, on se retrouve face à des combats qui manquent de panache, fruit d’un travail de fonctionnaire de l’image qui laisse ce goût amer de la désillusion.

Suicide Squad n’est qu’un blockbuster de plus

Au moins Warner a pu se satisfaire des recettes globales du film au box-office. Batman v superman avait été universellement conspué, mais avait tout de même rapporté près de 872M$ dans le monde. Suicide Squad soulèvera bien des critiques, mais, au vu du buzz, a dépassé les deux millions d’entrées en France et les 300 millions aux États-Unis. Des illusions de succès permises aux productions médiocres grâce à la hype marketing et aux déchaînements sur les réseaux sociaux.

En conclusion, 2016 était déjà une sale époque pour le bon cinéma.

Frédéric Mignard

 

 

Suicide Squad dans son affiche teaser française

© 2016 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

La franchise Suicide Squad au cinéma

Trailers & Vidéos

trailers
x
Suicide Squad, affiche française définitive

Bande-annonce de Suicide Squad

Action, Film de super-héros

x