Avec son impressionnant dispositif de terreur mentale et graphique, Substitution – Bring her Back est très certainement l’une des productions horrifiques les plus terrifiantes de l’année 2025.
Synopsis : Un frère et une sœur découvrent un rituel terrifiant dans la maison isolée de leur nouvelle famille d’accueil.
Critique : Après l’impressionnant succès de La main (Talk to Me en version originale) qui avait remporté 48M$ aux USA et 91M$ dans le monde entier, en 2023, pour un budget de série B très serré (4.5M$), les frères Philippou reviennent à l’effroi qui leur va si bien, la terreur psychologique totale.
Ces deux bourrins Youtubeurs, issus de la chaîne RackaRacka, étaient jadis des trublions du mauvais goût, des sales gosses impertinents, sans aucunes limites dans la crétinerie dégueulasse, qui jouissaient dans le gore cracra et la violence parodique de mauvais goût au gré de courts immatures qui s’inspiraient autant de Peter Jackson que de Jackass, dans leur esprit de liberté absolue.
Pourtant, avec La main et désormais Substitution (qui s’intitule en fait Bring her back, dans le monde entier), ils trahissent encore partiellement leurs délires d’antan pour une forme d’horreur psychologique dont on reconnaît volontiers l’originalité, le jusqu’au-boutisme, et la volonté de s’éloigner des codes mainstream d’une genre pépère de production diabolique, au bodycount banalisé.
Bring her back © Photo by Ingvar Kenne. © 2024 CTMG, Inc. Photo property : Sony Pictures Entertainment Inc. © All Rights Reserved
Quelques éléments servent de transition au teen-flick horrifique lambda. Ainsi, les deux personnages principaux n’évitent pas le casting bas en âge : une jeune ado aveugle et son grand-frère mal dans sa peau, deux orphelins au lendemain de la mort soudaine de leur père, avec l’obligation pour la plus jeune d’être placée dans une famille d’accueil. Comme dans La main, les jeunes cinéastes ne s’affranchissent pas de ce type de personnages jeunots pour ne pas perdre de vue le public cible si friand de frissons bon marché.
Nonobstant, les personnages de Substitution, réellement poignants, déjouent la futilité des produits de masse pour être conduits sur l’autel de la démence remarquablement adulte, celle qui est incarnée à l’écran par la Britannique Sally Hawkins, mère d’accueil elle-même endeuillée qui occulte quelques secrets effroyables derrière son excentricité hystérique. Sa démence palpable bascule progressivement dans une dimension pathétique qui l’écarte des méchants mal définis pour rejoindre le panthéon des figures majeures de l’horreur, comme la fan obsessionnelle qu’incarnait Katy Bathes dans Misery de Rob Reiner (1990). Bref, un personnage mal intentionné rarement dépeint avec autant d’ambiguïtés dans des productions hollywoodiennes. Substitution étant australien, il perpétue une certaine tradition dans la Ozploitation mentalement troublée qui joue du chapeau.
Bring her back © Photo by Ingvar Kenne. © 2024 CTMG, Inc. Photo property : Sony Pictures Entertainment Inc. © All Rights Reserved
Les réalisateurs se livrent donc à un jeu de “Substitution” qui conforte leur démarche consistant à surprendre en déboulonnant les codes. L’atmosphère qu’ils exhaltent à l’écran, comble le désir de terreur et d’horreur adulte qui ne se prédestine pas à un public de moins de 16 ans. Substitution – Bring her back a même écopé d’une interdiction aux moins de 16 ans avec avertissement en France, ce qui correspond bien à la texture déstabilisante de cette œuvre glauque, extrême et même puissamment macabre, dans laquelle on trouve surprenant de voir autant d’enfants engagés. Ainsi, le quatrième personnage du film est un étrange garçon, aussi mutique qu’expressif par son visage épris de rage et de brutalité, retenu prisonnier par la mère d’accueil dans une des pièces de l’imposante demeure sépulcrale, dont le vernis accueillant est vite mis à mal par la présence d’une piscine attenante, abandonnée par sa propriétaire depuis la noyade de sa fille, et dans laquelle on peut retrouver parfois le jeune garçon, manifestement possédé, qui aime s’y précipiter pour des desseins carnassiers.
Bring her back © Photo by Ingvar Kenne. © 2024 CTMG, Inc. Photo property : Sony Pictures Entertainment Inc. © All Rights Reserved
Aux portes de la folie généralisée, Substitution – Bring her back doit répondre à une appartenance de genre qu’il n’est pas aisé de dresser. Est-ce un film de fantômes? Un récit démoniaque? Une psychopatherie? Et pourquoi pas une énième itération du film de secte pédocriminelle, comme le suggère le générique glauque qui pose le ton. Celui-ci jette des pistes, mais ne sera jamais vraiment développé narrativement. Le cinéma de Danny et Michael Philippou préfère ne pas digresser dans l’explicatif pour ne pas malmener l’intensité de ce qui est présenté à l’écran. L’essentiel est ailleurs, dans la confrontation de personnages innocents à des paroxysmes de violence qui viennent percuter le trauma du deuil qu’ils semblent devoir revivre sous d’autres formes morbides et graphiquement choc.
Avec ses enseignements puissants (comme manger avec une lame de couteau sans les mains ; pourquoi les adolescents font encore pipi au lit, sic…), Substitution – Bring her back investit des noirceurs qui abîment notre rétine de par leur radicalité, et convoque des ténèbres qui nous bercent dans des horreurs d’une infinie tristesse. Ce croisement entre Hérédité et La secte sans nom affirme par ses rites et ses cercles infernaux le caractère insaisissable de la figure du chérubin au cinéma. Qu’il soit “ange” ou “enfant”, dans ce film, il va vous faire souffrir…
L’acmé du cinéma horrifique en 2025.
La carrière cinématographique du deuxième film des frères Philippou s’est établie en deux temps, avec, pour une vingtaine de marchés dont les USA, une sortie au 29 mai, et pour une autre grosse moitié des marchés, dont les européens, une date de distribution à la dernière semaine de juillet – première semaine d’août, notamment en France.
En Amérique, le distributeur A24 caressait l’espoir de réitérer les chiffres fantastiques de La main (48M$), mais le caractère hardcore et morbide de Substitution a douché leurs espoirs. En dépit de critiques vraiment élogieuses pour un film d’épouvante, et d’un premier week-end encourageant à 7.1M$ dans 2 449 salles, le film a eu vite fait de chuter (-50.8% pour son second week-end, -60.5%, -72.3% en week-end 4, avec à peine 387 000$). Au final, Substitution flirte avec les 20M$ de recettes sur le seul territoire nord-américain, ce qui est toutefois satisfaisant pour un budget de 15M$. Néanmoins, c’est à cette heure un score moindre que les 27M$ d’Heretic, que les 25M$ de The Witch, les 27M$ de Midsommar, ou les 44M$ d’Hérédité, tous distribués par A24.
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Michael Philippou, Danny Philippou, Sally Hawkins, Billy Barratt, Jonah Wren Phillips, Sora Wong
Mots clés :
Les films A24, Les sectes au cinéma, Ozploitation, La folie au cinéma, Films sur le deuil