Métaphore douloureuse sur le passage à l’âge adulte, La main est un film d’horreur très sombre et dépressif qui ne cherche pas la facilité et refuse le moindre écart humoristique. A découvrir.
Synopsis : Un groupe d’adolescents découvre le moyen d’entrer en contact avec le monde des esprits grâce à une main embaumée dont la règle principale est de ne pas tenir la main plus de 90 secondes. L’expérience devenue virale sur les réseaux sociaux, Mia, bouleversée par une tragédie familiale, décide de tester l’expérience mais les conséquences vont être bien plus violentes et terrifiantes que prévu.
Jeux de main, jeux de vilains
Critique : Présenté avec succès au Festival de Sundance, puis distribué par la firme A24 aux Etats-Unis (toujours sur les bons coups depuis la révélation des films d’Ari Aster comme Hérédité et Midsommar), La main (Talk to Me en VO) nous vient tout droit d’Australie, et plus précisément de la ville d’Adélaïde. C’est effectivement là que sévissent depuis le début des années 2000 des frères jumeaux qui ont su faire parler d’eux. Danny et Michael Philippou ont ainsi développé depuis leurs plus jeunes années des chaînes Youtube dont la plus célèbre demeure RackaRacka. Ils ont ainsi tourné bon nombre de programmes courts qui tiennent à la fois de l’horreur pure et de la comédie potache.
Développant petit à petit un véritable univers, les deux frangins sont finalement passés au format long destiné au grand écran avec ce projet intitulé La main. Pour les épauler, les productrices de Mister Babadook (Jennifer Kent, 2014) Samantha Jennings et Kristina Ceyton ont suivi pas à pas leurs poulains qui ont d’ailleurs fait leurs armes sur un plateau lors du tournage du célèbre film d’horreur de 2014. Avec La main, les frères Philippou ne cherchent aucunement à suivre les traces de James Wan, qui a fait du film de possession et de spiritisme son fonds de commerce. En réalité, ils traitent ici d’un sujet bien plus grave qui passe effectivement par la métaphore de la possession par des esprits maléfiques.
Parle à ma main!
Si au départ La main se présente comme un énième film où des ados vont défier les lois naturelles et déchaîner ainsi des esprits diaboliques, le traitement en est radicalement différent puisque l’intégralité du long-métrage apparaît comme une métaphore de l’emprise de la drogue sur des êtres qui sont en pleine formation. Ainsi, les fêtes où les ados se lancent des défis filmés sont le terrain de jeu favori des auteurs qui poussent leurs personnages à tenter une expérience nouvelle s’apparentant à un shoot. Certes, il s’agit ici d’une possession par un esprit durant 90 secondes, mais cela pourrait tout aussi bien être un rail de cocaïne, ou tout autre addiction d’ailleurs.
© A24, Causeway Films, SND. Tous droits réservés.
Auscultant durant la majeure partie du film le malaise de jeunes gens qui quittent progressivement l’adolescence pour être confrontés aux dures réalités de l’âge adulte – et des responsabilités qui vont avec – La main est donc moins un film de peur qu’une sorte de cauchemar éveillé sur une période de l’existence plutôt sombre. Si l’on en croit les deux cinéastes, aborder la vingtaine n’est guère joyeux et s’accompagne d’une angoisse existentielle qui peut mener au suicide.
La main vous convie à visiter les recoins obscurs de l’âme adolescente
Aussi, les réalisateurs ne cherchent pas tant à effrayer le spectateur par des jump scares qui seraient autant de concessions à la facilité que de le confronter à une période de l’existence difficile et qui frôle sans cesse la dépression. Que ceux qui s’attendent donc à un spectacle fun passent leur chemin puisque La main propose bien une atmosphère très sombre – jusque dans sa photographie, parfois vraiment trop obscure – zébrée d’éclairs de violence encore plus terribles qu’ils sont rares. On signalera au passage d’excellents maquillages qui rendent certains moments éprouvants.
Porté par des jeunes comédiens probants, La main respecte l’évolution psychologique de ses personnages. Parfaite en jeune fille déboussolée par la mort récente de sa mère, Sophie Wilde est une héroïne plutôt touchante dès lors qu’elle perd pied. Face à elle, le tout jeune Joe Bird fait une victime de choix, tandis que Miranda Otto est toujours impeccable en mère de famille dépassée par les événements.
Réalisé de manière efficace, sachant ménager ses effets tout en ne perdant jamais de vue son sujet grave et difficile, ce tout premier long-métrage d‘origine australienne mérite largement d’être découvert en salles. Il se distingue du tout-venant par son refus catégorique de succomber à la moindre tentation humoristique, livrant une œuvre dépressive qui mérite finalement son interdiction aux moins de 16 ans pour son aspect sombre et sans espoir.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 26 juillet 2023
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Michael Philippou, Danny Philippou, Miranda Otto, Sophie Wilde, Joe Bird, Alexandra Jensen, Otis Dhanji
Mots clés
Les drames de l’adolescence au cinéma, La sexualité des adolescents au cinéma, Les films de possession démoniaque