A la lisière de la parodie, Sierra torride est un western divertissant qui vaut surtout pour la prestation du couple Eastwood / Mc Laine. Sympathique.
Synopsis : Au XIXe siècle, lors de l’intervention des Français au Mexique, Hogan, un mercenaire, sauve la religieuse Sara d’une tentative de viol par trois bandits. Elle se dit pourchassée par les Français, ceux-là mêmes qui détiennent le fort, dont Hogan a pour mission de découvrir les failles de ses défenses. Sara décide de l’aider dans sa mission…
Un western comique à la production chaotique
Critique : Devenu célèbre grâce à ses rôles de cow-boy solitaire dans la trilogie des dollars de Sergio Leone, Clint Eastwood revient auréolé de gloire aux Etats-Unis. Là, il entame une nouvelle collaboration fructueuse avec le cinéaste Don Siegel, grand spécialiste de la série B rugueuse. Ensemble, ils vont donner naissance à une série de films très différents les uns des autres : peu de rapport effectivement entre le polar urbain à tendance réactionnaire comme L’inspecteur Harry, le film d’auteur à la thématique audacieuse comme Les proies (sans aucun doute leur chef d’œuvre commun) ou encore le simple divertissement commercial dont Sierra torride est le prototype.
Lorsque le projet a été monté sur les bases du script du vétéran Budd Boetticher, Sierra torride devait être interprété par Elizabeth Taylor, ce qui motivait Clint Eastwood au plus haut point. Mais le producteur Martin Rackin n’a eu de cesse de rogner sur le budget, imposant notamment un tournage au Mexique avec des acteurs méconnus, en lieu et place de l’Espagne initialement envisagée. Sans vraiment s’expliquer, Liz Taylor a donc jeté l’éponge et la production a débauché Shirley MacLaine qui ne correspondait pourtant pas du tout au rôle. D’où l’obligation de réécrire de nombreux points du scénario, au point de contacter Albert Matz, ancien scénariste blacklisté, pour effectuer ce travail de rapiéçage de dernière minute.
Sierra torride fonctionne grâce à son duo d’acteurs
Une fois arrivée au Mexique, l’équipe a subi la mésentente manifeste entre Shirley MacLaine, connue pour son fort tempérament et le bouillonnant Don Siegel. Comme l’écrit Patrick MacGilligan dans Clint Eastwood, une légende (Nouveau Monde édition, 2018, p 240) :
La bombe était prête à exploser, et vers la fin du tournage en extérieur l’actrice principale quitta le plateau, furieuse. Siegel décida également de partir. Il trouvait que MacLaine était « une femme talentueuse, mais un vrai bonhomme.»
Pour autant, le résultat de ce tournage compliqué est loin d’être déshonorant. Exploitant l’image de Clint Eastwood, Don Siegel détourne l’impassibilité de l’acteur afin de jouer la carte de la dérision et du second degré. Il confronte ainsi cette figure de l’individualisme forcené à une bonne sœur interprétée avec talent par Shirley Mc Laine. Dépourvu d’un scénario vraiment développé, le film tient la route uniquement par la grâce de ce formidable couple de cinéma. Hilarant, leur numéro de duettiste parvient à charmer le spectateur, d’autant que le script de Budd Boetticher, autre grand habitué de la série B, réserve quelques jolies surprises.
Un certain succès, plutôt mérité
Transcendé par une excellente partition parodique d’Ennio Morricone et par des images de toute beauté, Two Mules for Sister Sara – titre bien plus juste que ce Sierra torride en complet décalage avec le ton du film – est un excellent divertissement, à la fois frais, dynamique et réalisé avec soin. L’arrière-plan féministe n’est pas non plus pour nous déplaire, tandis que les fondements traditionnels du western vacillent un peu plus par l’aspect parodique et décalé du traitement.
En France, comme partout où il est sorti, ce sympathique western a rencontré un certain succès, sans être un triomphe pour autant. Aux Etats-Unis, il a tout juste doublé la mise de départ, sans jamais exploser les compteurs. Lors de sa sortie parisienne, Sierra torride s’est placé directement numéro 1 de la semaine du 1er juillet 1970 avec 53 259 spectateurs dont 18 295 sur l’unique site du Paramount Opéra. La semaine suivante, le métrage est concurrencé par la sortie du nouveau John Wayne Chisum et descend à la cinquième place du classement avec 16 066 voyageurs supplémentaires. La troisième septaine occasionne une chute avec 9 024 retardataires. Toutefois, le western parodique a surtout fonctionné en province pendant de nombreuses semaines avec pas moins d’un million d’entrées / France collecté par cette comédie déguisée. Le miracle n’est pas loin.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 1er juillet 1970
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Don Siegel, Clint Eastwood, Shirley MacLaine, Manolo Fábregas, Alberto Morin