Premier volet d’un diptyque, Rimini propose une galerie de personnages borderline finalement attachants dans un ensemble plutôt dépressif. Dommage que la fin ne soit pas du même niveau.
Synopsis : Vieux crooner autrichien et gigolo occasionnel, Richie Bravo survit en poussant la chansonnette pour des retraités dans des hôtels miteux de Rimini, sur la côte Adriatique. Son monde commence à vaciller quand Tessa, sa fille désormais adulte, fait irruption dans sa vie et lui demande l’argent qu’il ne lui a jamais donné.
Après la trilogie Paradis, Ulrich Seidl passe à un diptyque
Critique : Habitué à provoquer un scandale quasiment à chacun de ses films, qu’ils soient fictionnels ou documentaires, le cinéaste autrichien Ulrich Seidl procède aussi par thématiques plus ou moins liées entre elles. Ainsi, il est connu pour avoir signé la trilogie Paradis qui comprenait Paradis : Amour (2012) évoquant le tourisme sexuel, Paradis : Foi (2012) s’en prenait avec virulence à l’intégrisme religieux et enfin Paradis : Espoir (2012), le plus faible des trois, s’intéressait à l’adolescence.
Cette fois, le cinéaste à scandale a commencé à travailler sur une œuvre unique qui suivait les pas d’un pédophile, tout en contant en parallèle l’histoire de son frère, un vieux chanteur de charme sur le retour contraint de se prostituer pour s’en sortir. Alors que l’ensemble a commencé à être tourné fin 2017, Ulrich Seidl et sa coscénariste et compagne Veronica Franz (par ailleurs réalisatrice du perturbant Goodnight Mommy) ont décidé de scinder cette histoire en deux films distincts qui forment désormais un diptyque. Rimini (2022) est donc le premier volet d’une histoire qui s’achève par Sparta (2023).
Des personnages qui sont hors saison, comme le lieu qu’ils hantent
Pour autant, les deux films peuvent être vus séparément puisque seul le comédien Georg Friedrich fait le lien entre les deux œuvres. Dans Rimini, celui qui sera au cœur de Sparta ne fait qu’une apparition en début de métrage en tant que frère du fameux chanteur sur le retour incarné avec charisme par Michael Thomas. Située dans une station balnéaire abandonnée pendant la basse saison, l’histoire de Rimini rejoint les interrogations habituelles du cinéaste. Effectivement, celui-ci a déjà évoqué les effets du tourisme de masse dans l’excellent Paradis : Amour (2012), de même que la sexualité extravertie des personnes âgées.
© 2022 Arte France Cinéma – Bayerischer Rundfunk (BR) – Coproduction Office – Essential Filmproduktion GmbH – Parisienne de Production – Ulrich Seidl Film Produktion GmbH / Damned Films. Tous droits réservés.
Avec Rimini, Ulrich Seidl semble mettre un léger frein à sa tentation de la provocation, même si certaines scènes de sexe entre seniors font leur petit effet, tant elles sont rares à l’écran. Mais c’est surtout le regard finalement assez tendre que le cinéaste porte à ses personnages qui étonne le plus. Certes, les protagonistes sont pour la plupart des losers magnifiques qui ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils ont été dans le passé, mais le réalisateur n’est pas si cruel que cela envers eux. Même lorsqu’il fait du vieil acteur Hans-Michael Rehberg – décédé pendant le tournage – un vieil homme atteint d’Alzheimer qui chante des hymnes nazis, il lui offre une dernière séquence terriblement émouvante qui sauve in extremis le personnage.
Au milieu de ce décor particulier d’hôtels déserts pendant l’hiver, l’errance du vieux chanteur séducteur est finalement assez émouvante car l’homme est lui-même hors de saison désormais. On songe ainsi à quelques films français réussis comme Quand j’étais chanteur (Xavier Giannoli, 2006) avec Gérard Depardieu ou encore l’excellent Guy (2018) d’Alex Lutz.
Un message final ambigu qui laisse une drôle d’impression
Malheureusement, lors du dernier quart d’heure, Ulrich Seidl semble embarrassé pour terminer son film et il commet l’erreur de convoquer l’actualité au sein de son œuvre jusque-là impeccable. En évoquant l’arrivée des migrants syriens sur la côte adriatique, le cinéaste semble même faire sienne la théorie du grand remplacement de manière peu fine. Ainsi, les migrants envahissent progressivement le domicile du chanteur alcoolique et demeurent des ombres fugitives uniquement identifiables par leurs barbes pour les hommes et par leur voile pour les femmes. Il est possible que cela soit une énième provocation de la part du réalisateur, mais si l’on ajoute à ce regard haineux le passé national-socialiste du grand-père, Rimini prend une coloration particulière qui laisse dans l’expectative quant à son message.
Présenté en compétition au Festival de Berlin en 2022, Rimini n’a pas eu un grand écho et est sorti dans l’indifférence générale en France avec 4 000 entrées réalisées à la fin de l’année 2022.
S’il ne s’agit aucunement du meilleur opus de son auteur, le métrage a tout de même le grand mérite de ne jamais laisser indifférent.
Critique de Virgile Dumez
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Ulrich Seidl, Hans-Michael Rehberg, Michael Thomas, Tessa Göttlicher, Georg Friedrich
Mots clés
Cinéma autrichien, L’Italie au cinéma, Les vieux au cinéma, La prostitution au cinéma, L’alcoolisme au cinéma, Les relations père-fille au cinéma