Divertissement exotique qui respire l’enthousiasme et l’argent dans ses reconstitutions, ce premier volet de Prince of Persia, qui fut aussi le dernier d’une franchise avortée, est une aventure récréative parfaitement plaisante, même si elle est totalement dénuée de personnalité. L’échec monumental aux USA en a fait l’un des accidents industriels de l’année 2010. On revient en profondeur sur ce flop marquant.
Synopsis : Dastan, un jeune prince de la Perse du VIe siècle va devoir unir ses forces à celles de la belle et courageuse princesse Tamina pour empêcher un redoutable noble de s’emparer des Sables du Temps, un don des dieux capable d’inverser le cours du temps et qui lui permettrait de régner en maître absolu sur le monde.
Exaspération des gamers
Critique : Ce n’est vraiment pas avec l’exaspération du gamer et du sentiment profond de trahison que l’on regarde Prince of Persia parfaitement fréquentable. En toute honnêteté, malgré l’anathème que certains fidèles du jeu vidéo lui lancent, on peut y voir un charmant divertissement à l’ancienne et une superproduction éloquente au goût certain pour les décors grandioses (cités perses majestueuses aux effluves de 1001 Nuits, innombrables figurants au combat, temples prodigieux, vues sublimes du désert…).
Bruckheimer croit en un nouveau Pirates des Caraïbes
Jerry Bruckheimer, producteur de luxe, récemment aux commandes financières des Pirates des Caraïbes, a visiblement investi une fortune pour imposer cette nouvelle franchise à l’écran ; pour une fois, loin des sempiternelles interrogations sur la légitimité de pareils budgets (on évoque tout de même ici 200 millions de dollars), tout ici justifie cette abondance, du plan d’ouverture au final, pas la moindre trace de gaspillage. L’objectif du producteur est d’imposer une nouvelle franchise sur le modèle de Pirates des Caraïbes, dont les épisodes étaient capables de générer plus de 800 000 000$ de recettes dans le monde, alors même que la Chine comptait encore pour du beurre.
Une opulence de décors à l’ancienne qui séduit
A une époque où le tout numérique et le synthétique piquent les yeux dans leur omniprésence et leurs facilités, les efforts de reconstitution, nonobstant le recours systématique aux nouvelles technologies, s’avèrent ici réjouissants. Certes, c’est ostentatoire, mais on n’aura rarement vu, autour des années 2010, des plateaux aussi généreux, et des décors aussi consistants.
L’ivresse de l’opulence rend l’épique forcément plus trépidant et nous permet même de fermer les yeux sur quelques moments d’effets spéciaux grotesques et pour le coup bâclés (notamment quand le Prince éponyme, Dastan, est englouti dans une cité souterraine). Même les cascades, qui recourent aussi au parkour, avec des sauts constants dignes de Yamakazi, évitent la grossièreté des chorégraphies 100% artificielles qui pullulent dans ce genre d’action movie. Elles impressionnent.
Mike Newell réalisateur, lui, n’impressionne pas
Non, Prince of Persia et ses centaines de millions de dollars est loin d’être un nanar à la Benjamin Gates (série de deux films d’aventures pour le coup assez pitoyables également produite par Bruckheimer). Nous dirons plutôt qu’il est un bel oxymore pour nos mirettes. Oxymore, car malgré cet élan gargantuesque que l’on savoure à chaque instant, on n’a pas forcément l’impression d’assister à un incontournable du blockbuster, en tout cas pas au grand film qu’un tel budget pouvait laisser présager. Peut-être que de par ses origines de jeu vidéo, on l’attendait moins qu’un autre.
En tout cas, la réalisation de Mike Newell manque d’allant et parfois même de rythme (en quinze ans le cinéaste est passé de Quatre mariages et un enterrement à Harry Potter !). Quant au scénario (pas pire qu’un autre), il pâtit d’une approche vraiment consistante des personnages qui sont ici réduits à de simples valeurs universelles – le sacrifice, le devoir filial, le sens de la famille.
Crime contre la toute-puissance hollywoodienne
Au final, Prince of Persia, désormais réduit aux oubliettes et au streaming sur la plateforme Disney+, a dû répondre coupable de crime contre Hollywood. En osant le pari d’une œuvre aussi démesurée avec un casting bien peu connu du grand public (personne n’envisageait Jake Gyllenhaal dans le corps d’un héros en muscle à l’époque, et Gemma Arterton avait davantage la fibre européenne) Disney et Bruckheimer ont non seulement constipé les fans du jeu de Jordan Mechner, mais en plus ont provoqué un accident industriel dont les années 2010 se souviendront, se réfugiant systématiquement dans l’univers Marvel en guise d’unique proposition de blockbuster à de rares exceptions près (Lone Ranger, encore Disney et Bruckheimer). Le même été, L’apprenti sorcier confirmera la fragilité de leurs derniers choix communs.