Petit polar légèrement pervers, Noyade interdite est un divertissement bien troussé grâce à des dialogues bien sentis et un cortège d’actrices au meilleur de leur forme. Sympathique.
Synopsis : Dix ans après avoir quitté sa région natale, l’inspecteur Molinat y retourne pour les besoins d’une enquête. En effet, deux cadavres ont mystérieusement été retrouvés près des côtes. Toutefois, l’arrivée de l’inspecteur Leroyer, avec qui il ne s’entend pas, va non seulement compliquer l’enquête mais aussi replonger Molinat dans son propre passé.
Un film policier classique relevé d’un érotisme discret
Critique : Après le cinglant échec commercial de L’homme aux yeux d’argent (1985), polar par ailleurs très faible, le cinéaste Pierre Granier-Deferre a retrouvé le sourire grâce à son Cours privé (1986) porté par une affiche racoleuse mettant en avant les attraits physiques de la jeune Elizabeth Bourgine. Puisque le film était une étude de mœurs épicée d’une forte dose d’érotisme trouble, Granier-Deferre cherche à retrouver cette formule avec son œuvre suivante.
Il choisit alors d’adapter Noyade interdite de l’écrivain américain Andrew Coburn. Le roman policier, publié en 1985, propose justement une intrigue qui tourne autour de plusieurs femmes entre lesquelles doit naviguer un inspecteur de police au bout du rouleau. Le réalisateur adapte l’ensemble au contexte français et pose ses caméras sur le littoral atlantique, plus précisément à Saint-Palais-sur-Mer et dans les environs de la ville de Royan.
Tant qu’il y aura des femmes…
Pierre Granier-Deferre exploite plutôt bien ce contexte de petite station balnéaire où se croisent à la fois les habitants et les touristes. Par contre, il échoue quelque peu dans la présentation initiale des personnages. Ainsi, le premier quart d’heure souffre d’un montage un peu chaotique qui ne laisse guère respirer le spectateur. L’inspecteur entre ainsi en contact avec de nombreux personnages sans que l’on comprenne bien pourquoi.
Une fois que les différents protagonistes sont enfin posés, leurs relations donnent lieu à des échanges verbaux assez savoureux, d’autant que les dialogues de Dominique Roulet sont plutôt incisifs et pertinents. On comprend alors que Philippe Noiret et son adjoint interprété avec gourmandise par Guy Marchand vont devoir naviguer en terres féminines. Pour cela, Granier-Deferre s’est fait plaisir en convoquant un panel d’actrices toutes plus formidables les unes que les autres.
Parmi les plus confirmées, on trouve les Italiennes Laura Betti et Stefania Sandrelli (coproduction oblige), ainsi que Catherine Hiegel et l’excellente Andrea Ferréol dans un rôle hystérique. Parmi la nouvelle génération, Granier-Deferre a renouvelé sa confiance à Elizabeth Bourgine, mais s’est entouré également de Gabrielle Lazure et d’une jeune Marie Trintignant dans un rôle déjà passablement torturé. On notera aussi la présence charnelle d’Anne Roussel.
Une guerre des sexes qui a trouvé son public
Très rapidement, le spectateur saisit que le long-métrage va tourner autour d’une guerre des sexes. Le réalisateur en profite pour déshabiller l’ensemble de son casting féminin qui semble n’être qu’un catalyseur du désir masculin. Si cela peut sembler racoleur de prime abord, en réalité cette thématique est bien au cœur même de l’intrigue policière. Par ailleurs, le long-métrage, simple whodunit en apparence, se révèle bien plus pernicieux lors de son dernier quart d’heure. Ainsi, le personnage un peu trouble incarné par Philippe Noiret apparaît dans toute sa malignité, alors même que le spectateur est en empathie avec lui grâce à la bonhomie naturelle de l’acteur.
Réalisé sans grande imagination par un Pierre Granier-Deferre en mode téléfilm, Noyade interdite appartient clairement à cette catégorie de longs-métrages qui ressemblaient à s’y méprendre à un cinéma de papa. Ce genre allait peu à peu disparaître des grands écrans suite à la crise du cinéma qui frappait alors durement les salles de France et de Navarre en cette année 1987. Dans ce contexte morose, on peut estimer que les 566 247 entrées glanées par ce petit polar gentiment pervers sont plutôt satisfaisantes. En l’état, il s’agit du dernier succès du réalisateur qui allait toucher le fond l’année suivante avec l’échec cinglant de La couleur du vent (et ses 48 386 entrées sur toute la France).
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Critique de Virgile Dumez