Midnight Express, premier coup d’éclat d’Alan Parker, est un cri de rage déchirant qui n’a jamais fait l’unanimité. A vous de juger.
Synopsis : Billy Hayes est un jeune Américain arrêté et emprisonné pendant quatre ans à Istanbul, pour avoir transporté quelques sachets de haschich. Avec certains de ses compagnons de geôle, il essaye de nombreuses fois de s’évader et subit de nombreux outrages en représailles.
Midnight Express, un film au parfum de scandale diplomatique
Critique : Ce deuxième long métrage du Britannique Alan Parker a créé en son temps une polémique qui lui assura un beau succès auprès du public tandis que de nombreux critiques firent la fine bouche. Ainsi, le script d’Oliver Stone n’a pas fait l’unanimité puisqu’il s’est permis de modifier sensiblement l’histoire vraie de Billy Hayes, jeune Américain détenu durant plusieurs années dans les prisons turques avant qu’il ne parvienne à s’évader, afin de donner plus de poids à sa charge contre les autorités locales.
Ces dernières ont d’ailleurs vivement protesté devant les déclarations de haine du personnage principal envers ce peuple d’Asie mineure, ce qui accrédita l’idée que le film était raciste. Si l’on ne peut nier la présence de dialogues franchement virulents, on peut toujours arguer du fait qu’ils représentent davantage les positions politiques du personnage que celles des auteurs – Alan Parker ayant depuis largement montré qu’il n’était pas un fasciste, loin de là. De plus, même si les prisons turques sont décrites de manière sordide, on peut légitimement penser que la réalité de l’époque n’était pas très éloignée de ce qui est montré dans le film.
Un script extrême pour un résultat ultra-violent
Le script confié au jeune Oliver Stone se base exclusivement sur le témoignage de Billy Hayes, tout en le modifiant considérablement. Pour le scénariste, il s’agit donc d’une commande initiée par le producteur Peter Gruber qui a acheté les droits d’adaptation des souvenirs de Hayes. A partir de là, le producteur britannique David Puttnam et le réalisateur Alan Parker entrent dans la danse. Ce dernier est totalement convaincu par le script de Stone, même s’il choisit d’en supprimer la fin qui relatait avec précision l’échappée de Billy Hayes à travers la Turquie.
Alors que le studio Columbia envisageait de confier le rôle principal à Richard Gere, Alan Parker a préféré opter pour un visage moins connu du grand public, uniquement aperçu dans quelques séries télévisées, à savoir Brad Davis. Pari tenu haut la main puisque le réalisateur a pu ainsi rendre l’acteur malléable, et lui faire accepter des séquences difficiles – impliquant des sévices physiques ou encore des séquences à caractère homosexuel, seuls véritables moments de tendresse d’un film extrêmement violent et choquant.
Midnight Express anticipe la révolution esthétique des années 80
Le parfum de scandale étant aujourd’hui un peu dissipé, Midnight Express (1978) reste une œuvre d’une rare puissance visuelle, préfigurant les évolutions esthétiques des années 80. Dotée d’une magnifique photographie de Michael Seresin, très critiquée à l’époque pour son aspect publicitaire, et d’une sensationnelle musique électronique de Giorgio Moroder, cette descente aux enfers d’un être humain qui régresse à l’état de bête humaine est d’une violence physique et psychologique encore intacte de nos jours.
N’hésitant devant aucune outrance, Alan Parker se complaît à filmer la crasse, le délabrement et signe de nombreuses séquences d’anthologie comme celle de la vengeance de Billy Hayes contre un détenu qui balance ses camarades. La scène où le protagoniste principal arrache avec ses dents l’oreille de son comparse reste ancrée dans toutes les mémoires. Elle est aussi pour beaucoup dans la détestation d’une partie de la critique, car elle instaure une dimension cathartique qui peut, en fonction du regard que l’on porte, soit condamner ou au contraire valoriser la violence brutale. Elle est de toute façon d’une sacrée ambiguïté.
Un triomphe au box-office mondial
Film événement présenté au Festival de Cannes en 1978, avec des avis très partagés de la part de la critique qui y a vu une œuvre aux relents fascistes, Midnight Express a ensuite connu une incroyable carrière commerciale, avec plus de 35 millions de dollars de recettes en Amérique du Nord pour un budget initial de 2,3 millions de billets verts. En France, le long-métrage est d’ailleurs sorti avec une lourde interdiction aux moins de 18 ans. Cela ne l’a pourtant pas empêché de devenir un impressionnant triomphe lui permettant d’accéder à la première place du classement annuel avec 5,9 millions de spectateurs conquis.
De nombreuses récompenses
Les récompenses sont arrivées en 1979 avec l’obtention de trois BAFTA (dont celui de meilleur réalisateur pour Alan Parker), de six Golden Globes (dont celui de meilleur film) et de deux Oscars pour le scénario d’Oliver Stone et la musique de Giorgio Moroder. On notera à propos de la splendide musique électronique de Moroder qu’elle fut la première composition synthétique à être nommée dans des cérémonies prestigieuses et que cette bande originale est restée longtemps parmi les plus vendues de l’histoire.
Premier chef-d’œuvre d’Alan Parker, Midnight Express ne laisse personne indifférent et le spectateur sort de la projection profondément irrité ou fasciné par la diabolique efficacité d’un métrage excessif en tout point. Un électrochoc.