Classé dans le catalogue britannique des video nasties, Messe noire est un démarquage maladroit de Carrie, uniquement sauvé par des séquences déviantes assez hallucinantes et un discours progressiste appréciable.
Synopsis : Stanley Coopersmith, étudiant dans une école militaire, est le souffre-douleur de ses camarades et du personnel d’encadrement. En nettoyant le sous-sol de la chapelle de l’école, il découvre une pièce secrète composée de toutes sortes d’objets étranges voués au culte satanique. Parmi ceux-ci se trouve un livre intrigant que Stanley traduit à l’aide de son ordinateur. Ne supportant plus les brimades, il décide d’implorer l’esprit démoniaque qui s’est emparé de son ordinateur. Sa vengeance sera sans appel !
Un décalque à peine voilé de Carrie
Critique : Au tout début des années 80, le producteur Sylvio Tabet (quelques films érotiques comme Bilitis de David Hamilton) et David Weston, producteur de deux séries B, décident de s’associer afin de tourner une petite bande horrifique fauchée. Pillant allègrement Stephen King et Brian De Palma, les auteurs ne se gênent pas pour reprendre les grandes lignes de l’intrigue de Carrie, en changeant simplement le sexe du protagoniste et le lieu de l’action.
Nous suivrons ainsi le parcours du jeune Coopersmith au sein d’une académie militaire où il devient rapidement le souffre-douleur de toute la promotion, ainsi que de ses supérieurs. Toutefois, le jeune homme découvre à la cave une pièce où des objets de culte satanique sont entreposés. L’occasion pour lui de se venger de manière croustillante de tous les affronts subis.
Eric Weston succombe à la tentation du cliché
Cette thématique, pas originale pour deux sous, est agrémentée par une nouveauté pour le moins incongrue : la présence d’un ordinateur qui participe au culte et donne même ses instructions au jeune homme. L’occasion pour le réalisateur novice Eric Weston de mêler la tradition horrifique d’un certain cinéma gothique à la Roger Corman et des éléments de modernité susceptibles d’attirer un jeune public. La confrontation entre les deux ne se fait d’ailleurs pas toujours de manière harmonieuse et tend à éparpiller le spectateur de l’essentiel.
La description de l’académie militaire souffre également d’un recours systématique aux clichés les plus éculés. Cela va du militaire borné à l’entraîneur odieux, en passant par le cuistot sympa et la secrétaire qu’on croirait issue d’une revue cochonne. Cette première partie laborieuse est aussi sabordée par une interprétation globalement médiocre.
Le petit frère cadet de Ron Howard, le jeune Clint Howard échoue à nous émouvoir tant il est tête à claques et outrageusement maladroit. Face à lui, les aspirants militaires qui sont censés être des adolescents sont incarnés par des acteurs vraiment trop âgés pour être crédibles. On ne compte donc plus les dérapages bis de cette petite production qui n’en demeure pas moins regardable.
Le film est sauvé par ses dérapages gore parfaitement déviants
Effectivement, ce qui finit par emporter l’adhésion dans Messe noire est cette propension du cinéaste à livrer des scènes déviantes et parfois très gore. Obsédé par la figure du cochon, le réalisateur signe quelques séquences d’agression animale d’anthologie. On pense notamment à la scène où un porc furieux met en pièce le corps de la secrétaire dans sa baignoire. Un grand moment de folie pure.
Lorsque Coopersmith devient le jouet de Satan, sa fureur se déchaîne avec une insistance sur les décapitations, démembrements et même l’extraction d’un cœur à même la cage thoracique. Ce déferlement de violence a d’ailleurs valu au film une restriction aux moins de 16 ans en France, mais surtout une interdiction totale au Royaume-Uni où le film a intégré la fameuse liste des video nasties.
Un sous-texte audacieux contre toute forme d’institution
Autre élément de satisfaction, on remarquera que le cinéaste Eric Weston prend systématiquement le parti de l’opprimé et du faible face aux autorités. Il n’hésite pas à massacrer – avec une jubilation évidente – les militaires et également un prêtre. Cette prise de position plutôt progressiste, ou en tout cas gauchiste, est à mettre en regard avec son film de guerre Le triangle de fer (1989), avec un certain Johnny Hallyday où le réalisateur se faisait le défenseur des Vietnamiens dans une œuvre profondément humaniste, mais malheureusement méconnue.
Passé relativement inaperçu lors de sa sortie en salles, aussi bien aux Etats-Unis qu’en France où il était distribué par la société bis culte Les Films Jacques Leitienne, Messe noire est devenu progressivement culte grâce à son succès en VHS chez MPM Production, où il fut retitré par son titre original en France, Evilspeak. Il faut par contre passer outre de très nombreux défauts de réalisation et se concentrer uniquement sur son aspect déviant pour l’apprécier.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 2 septembre 1981
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