Maddalena : la critique du film (1973)

Drame | 1h48min
Note de la rédaction :
6/10
6
Maddalena, affiche VOD

  • Réalisateur : Jerzy Kawalerowicz
  • Acteurs : Paolo Bonacelli, Paolo Gozlino, Ezio Marano, Lisa Gastoni, Eric Woofe, Ivo Garrani
  • Date de sortie: 01 Fév 1973
  • Nationalité : Italien, Yougoslave
  • Titre original : Maddalena
  • Titres alternatifs : Madalena a Pecadora (Portugal)
  • Année de production : 1971
  • Scénariste(s) : Jerzy Kawalerowicz
  • Directeur de la photographie : Gábor Pogány
  • Compositeur : Ennio Morricone
  • Société(s) de production : Unitas Film, Bosna Film
  • Distributeur (1ère sortie) : Film inédit en France. La date de sortie ci-dessus est celle en Italie.
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : -
  • Formats : Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : -
  • Crédits : Unitas Film, Bosna Film
Note des spectateurs :

Film rare et méconnu du grand Jerzy Kawalerowicz, Maddalena est une œuvre inégale, mais traversée de quelques belles fulgurances et portée par une superbe partition d’Ennio Morricone.

Synopsis : L’histoire d’amour impossible entre une femme mariée à l’esprit libre et un prêtre.

L’expérience italienne d’un cinéaste polonais majeur

Critique : Cinéaste polonais majeur des années 60, Jerzy Kawalerowicz a connu trois succès successifs qui lui ont apporté une grande notoriété auprès des cinéphiles. Il a ainsi tourné Train de nuit (1959), Mère Jeanne des anges (1961) et Pharaon (1965) qui lui ont valu de nombreux prix dans les festivals du monde entier et une audience de plus en plus large. Toutefois, avec Le jeu (1969) qu’il tourne en Pologne, il ne parvient pas à réitérer le succès des œuvres précédentes. Le réalisateur décide de quitter sa terre natale et s’installe en Italie entre 1969 et 1970. Là, il noue des liens avec les producteurs Joseph Fryd et Franco Clementi qui lui proposent d’écrire et tourner un script sur les amours d’une femme légère et d’un prêtre.

Kawalerowicz saisit donc cette opportunité de travailler à l’étranger et y voit l’occasion d’approfondir une thématique qui lui est chère, à savoir la confrontation entre le profane et le sacré. Cette idée n’était-elle pas au cœur de Mère Jeanne des anges (1961) qui lui a valu un franc succès critique et public ? Sans doute motivé par sa présence au pays d’expérimentateurs comme Antonioni, Pasolini ou encore Fellini, Kawalerowicz décide de dynamiter la narration classique et de pratiquer un cinéma plus libre, quasiment psychédélique.

Un long-métrage expérimental et psychédélique

Le film débute par une série de plans alternant le statisme et l’hystérie pure d’une caméra portée à l’épaule afin de raconter l’accident de voiture qui bouleverse l’existence d’une femme et de son bien peu sympathique mari. Dès cette séquence inaugurale, le ton est donné : le cinéaste ne cherche aucunement le réalisme mais multiplie au contraire les effets sur le son, l’image et le montage, afin de livrer une œuvre expérimentale proche du psychédélisme. Alternativement blonde ou brune, la belle Lisa Gastoni est de quasiment tous les plans. Elle incarne cette Madeleine tentatrice qui n’a de cesse d’émoustiller les hommes par ses poses suggestives. Pour autant, Kawalerowicz ne condamne aucunement ce personnage de femme volontaire et libre, qui sait pertinemment ce qu’elle veut.

Il met en présence cette figure outrageusement sexuée avec un prêtre en pleine crise de vocation. Désormais, le film s’articule autour de ces deux personnages qui se séduisent et se repoussent continuellement. Dans Maddalena, le spectateur finit par ne plus faire la différence entre le fantasme et la réalité. Un indice est toutefois fourni par la couleur des cheveux de l’héroïne. La coupe brune semble attachée à la réalité, tandis que ses mèches blondes l’amènent à fantasmer des relations avec des hommes.

Lisa Gastoni incarne le fantasme de tous les hommes

Ce sont d’ailleurs ces séquences fantasmatiques qui constituent les plus grandes fulgurances d’une œuvre bancale. Que ce soit la scène de la poursuite dans la forêt par une armée d’hommes excités, ou celle de la prison où tous les détenus tombent en pâmoison à la vue des formes chaloupées de la demoiselle pas si innocente, les fantasmes collectifs pullulent. Il est pourtant difficile de savoir s’il s’agit de l’expression des pulsions sexuelles du personnage ou simplement des délires du cinéaste. Dans tous les cas, cela permet de dynamiser une intrigue passablement classique où la scène initiale s’avèrera finalement être une prolepse.

Porté par l’interprétation sensuelle et habitée de Lisa Gastoni, Maddalena souffre de plusieurs défauts, notamment le manque d’incarnation du personnage du prêtre par un Eric Woofe sans profondeur. Le montage heurté n’aide guère à la compréhension globale d’une intrigue qui pratique le sur-place de manière insistante. Enfin, la lutte entre la chair et la spiritualité n’est pas un sujet neuf et Kawalerowicz ne lui apporte pas suffisamment de nouveauté pour faire de l’œuvre un incontournable.

Maddalena sauvé par la musique de Morricone

Toutefois, outre son ambiance psychédélique fort agréable, Maddalena est sauvée in extremis par l’apport indéniable d’Ennio Morricone à la musique. Celui-ci signe une bande originale très circonstancielle fondée sur une rythmique tribale très post-68. Mais au cœur de ce dispositif, il crée le fameux thème musical Chi Mai qu’il a ensuite repris et réorchestré pour Le professionnel (Lautner, 1981). Cette version plus douce produit son petit effet, notamment lorsqu’elle est employée sur les images particulièrement sensuelles d’une jolie femme se caressant sur la plage.

Maddalena a beau être une œuvre inégale et qui claudique par la faute d’un montage inabouti, elle n’en demeure pas moins à découvrir pour les amoureux d’un certain cinéma italien de la fin des années 60. Sorti dans l’indifférence générale en Italie deux ans après sa réalisation, le long-métrage n’a connu qu’une distribution internationale réduite. Resté inédit en salles en France, ainsi qu’en vidéo, le long-métrage fait pourtant partie des raretés à découvrir pour tout cinéphile qui se respecte, par-delà ses évidents défauts.

Source sur l’histoire de la création du film : Boleslaw Michalek : Le cinéma polonais, Editions du Centre Pompidou, 1992, page 148.

Critique de Virgile Dumez

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Maddalena, affiche VOD

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