Mad God : la critique du film (2023)

Animation, Fantastique, Horreur, Gore | 1h23min
Note de la rédaction :
10/10
10
Mad God, l'affiche

  • Réalisateur : Phil Tippett
  • Acteurs : Alex Cox
  • Date de sortie: 26 Avr 2023
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Mad God
  • Titres alternatifs : Szalony bóg (Pologne)
  • Année de production : 2021
  • Autres acteurs : Niketa Roman, Satish Ratakonda, Harper Taylor, Brynn Taylor
  • Scénariste : Phil Tippett
  • Directeurs de la photographie : Chris Morley et Phil Tippett
  • Compositeur : Dan Wool
  • Monteurs : Michael Cavanaugh et Ken Rogerson
  • Producteurs : Phil Tippett, Jack Morrissey
  • Sociétés de production : Tippett Studio
  • Distributeur : Carlotta Films
  • Éditeur vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Budget : -
  • Classification : A venir
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : 5.1
  • Festivals et récompenses : L'Étrange Festival 2021 : prix du public / Festival international du film de Catalogne 2021 : prix des meilleurs effets spéciaux / Festival international du film de Locarno 2021 : hors compétition
  • Illustrateur / Création graphique Tippett Studio, adaptation par Dark Star, l'étoile graphique (affiche) © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : Tippett Studio © Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Mad God est un énorme coup de foudre, le genre de choc cinématographique qui est rare dans la vie d’un cinéphile. Une claque.

Synopsis : Un assassin surgit des abysses dans une cloche à plongée et s’enfonce au cœur d’un univers infernal peuplé de créatures mutantes et de scientifiques fous. Bientôt capturé, il devient la victime du monde qu’il est chargé de détruire…

Mad God, le film d’une vie…

Critique : Pour Phil Tippett, Mad God est bien plus qu’un simple film, puisqu’il s’agit de l’aboutissement d’une vie de création. Si le film a bien été finalisé en 2021, le projet a débuté à la fin des années 80 et les premières séquences ont été mises en boite dès le début des années 90 par celui qui était en train de devenir un des maîtres des effets spéciaux. Pour mémoire, Phil Tippett est le créateur de nombreux effets spéciaux des sagas Star Wars, RoboCop, ainsi que Starship Troopers. On préférera d’ailleurs oublier son premier passage derrière une caméra puisqu’il s’agit du produit vidéo catastrophique Starship Troopers 2 – héros de la Fédération (2004) qui était un ratage grandeur nature.

Persuadé qu’il tenait avec Mad God un projet évolutif de grande valeur, Phil Tippett n’a eu de cesse de compléter son œuvre au cours des décennies, l’enrichissant de nouvelles créatures, d’ambiances et textures variées, au point de délivrer aujourd’hui une œuvre-somme qui ne peut qu’impressionner par sa richesse d’inspiration et sa profusion.

Une litanie de maux sans mots

Dépourvu du moindre dialogue, Mad God s’ouvre sur une citation du Lévitique, troisième Livre de la Torah qui évoque la présence aux commandes du monde d’un Dieu terrible, capable aussi bien de bonté que de cruauté. Cette influence de la culture juive se ressent d’ailleurs à plusieurs moments durant Mad God puisque l’un des personnages porte une kippa et que certains passages font penser à l’internement des juifs dans les camps d’extermination par les nazis. Immédiatement, le film se place donc dans une dimension spirituelle et théologique qui prend même un aspect franchement eschatologique à plusieurs reprises.

Mad God, photo 1

Mad God © 2021 Tippett Studio. Tous droits réservés.

Ainsi, Phil Tippett nous plonge en même temps que son personnage d’assassin dans un univers foisonnant qui fonctionne sur plusieurs niveaux comme dans un jeu vidéo. L’esthétique se rattache aussi bien à celle de certaines plateformes vidéoludiques que de certains anime japonais. Ainsi, on songe à plusieurs reprises à des œuvres nippones comme Jin-Roh, la brigade des loups (Okiura, 1999), mais aussi à l’univers de Avalon (Oshii, 2001). Autre influence manifeste de Phil Tippett, l’univers visuel déployé par Gerald Scarfe pour le génial Pink Floyd – The Wall (Parker, 1982) est cité à de nombreuses reprises. On y retrouve notamment la présence d’un mur, de figurines anonymes martyrisées et même d’une machine à hacher les âmes innocentes.

Jérôme Bosch en ligne de mire

Alors que le spectateur est invité à visiter plusieurs univers différents, les références se multiplient à l’infini. Ainsi, un passage se rapproche davantage de l’expressionnisme allemand avec des décors qui citent explicitement Le cabinet du docteur Caligari (Wiene, 1919), et d’autres plus trash où l’on retrouve plutôt une esthétique crade typique de l’époque du torture porn à la Hostel (Roth, 2005). Toutefois, si l’on cherche du côté de la peinture, il est évident que Phil Tippett a beaucoup visionné les toiles de Jérôme Bosch pour créer son univers infernal, peuplé de créatures toutes plus étranges les unes que les autres.

C’est d’ailleurs en cela que Mad God s’avère si génial, puisqu’il parvient à créer un univers cohérent à partir d’éléments totalement disparates. Le spectateur doit accepter d’assister à un vaste cauchemar éveillé où on lui présente des personnages tous plus étranges les uns que les autres. Dans ce monde que l’on pourrait croire parallèle, nous allons assister à une série de créations et destructions qui suggèrent l’idée d’un cycle perpétuel – au point que même les horloges en perdent la boule.

Des ruines, des fluides et du gore

Chaque petit être vit et meurt, tandis que sa chair et ses fluides sont transmutés pour donner vie à une autre entité. Tout ceci est décrit comme une immense machinerie industrielle – on pense ici au Metropolis de Fritz Lang – où l’imagerie déployée fait songer aussi bien à l’exploitation de la force humaine dans les usines qu’aux victimes des deux premières guerres mondiales. On n’est d’ailleurs jamais très loin d’une esthétique steampunk, sans s’y complaire totalement.

Mad God, photo 2

Mad God © 2021 Tippett Studio. Tous droits réservés.

Véritable choc visuel, Mad God n’est pourtant pas un film d’animation à mettre devant tous les yeux puisque l’ensemble est incroyablement anxiogène, déployant un imaginaire de la destruction, de la ruine et des fluides corporels. Si certains passages peuvent écœurer, la séquence centrale d’opération de l’assassin est d’un gore assez insoutenable, même si tout ceci est réalisé à partir de marionnettes.

Mad God ou le grand voyage dans l’enfer de la Création

Pourtant obsédé par la chair et la matière qui est triturée dans tous les sens, voire maltraitée, Mad God parvient à s’extraire de sa tentation doloriste pour aller vers une transcendance qui ne peut que toucher au plus profond. Effectivement, derrière cette débauche de séquences hallucinantes et parfois trash, se dissimule une volonté de sonder le grand mystère de la création universelle, ce que le spectateur comprendra au long d’un voyage sensoriel totalement immersif.

Tout d’abord, il faut saluer l’esthétique travaillée avec un soin maniaque par un réalisateur-démiurge. Il faut ajouter la beauté naturelle d’une animation image par image impeccable, la grâce d’une caméra qui s’infiltre partout avec une belle fluidité. Mais bien entendu, Mad God ne serait pas aussi réussi sans l’apport majeur d’une bande sonore géniale de Dan Wool qui a surtout travaillé pour la télévision. Ses notes aériennes évoquent certaines mélopées du Floyd période The Wall (Goodbye Blue Sky n’est jamais loin).

Pur bijou d’animation qui synthétise à peu près tout ce que nous adorons – à CinéDweller – dans le cinéma, Mad God nous redonne enfin espoir dans la création contemporaine, faite d’ambition visuelle, sonore et thématique, sans aucune concession envers l’air du temps. Pour les cinéphiles qui adorent les univers torturés à la Pink Floyd – The Wall, Mad God est un impératif absolu. Pour vous comme pour nous, il y aura assurément un avant et un après Mad God.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 26 avril 2023

Mad God, l'affiche

Mad God © 2021 Tippett Studio. Tous droits réservés.

Biographies +

Phil Tippett, Alex Cox

Mots clés

Les histoires étranges au cinéma, Gore, L’Etrange Festival 2021

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Bande-annonce de Mad God

Animation, Fantastique, Horreur, Gore

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